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Oppositions binaires de caractéristiques sociales

 

Il est présenté ici une "opposition binaire de caractéristiques sociales" qui ne sont pas complémentaires. Il s'agit d'une classification (non exhaustive) de comportements qui forment une société dans la pratique même des relations des personnes qui la composent et qui, à leur tour, la forment ou la modifient.

Le mot "cuirassé" est entendu au sens reichien : attitude bio-psychique au plaisir ; il ne s'agit pas d'une quantité de plaisir acceptable, mais plutôt de la satisfaction plénière que procure l'orgasme, c'est-à-dire l'abandon aux convulsions involontaires provoquées par l'abandon à l'acte d'amour. Selon nous, W. Reich a parlé de Révolution de la satisfaction sexuelle, en rapport à celle qu'il a trouvée, générale, dans son époque (et qu'il trouverait aussi sans doute dans la notre !) et sur laquelle il a incliné son questionnement. De ce point de vue, l'Économie pratiquée par le Capital n'est que le pendant de l'économie pratiquée dans l'acte amoureux, en ayant conscience que cette économie est apprise dès le plus jeune âge, où on subit encore le monde auquel on ne peut que s'adapter, avant de tenter de se l'adapter à son tour par l'économie. Ainsi, l'Économie du Capital répond effectivement à l'économie de la misère personnelle, qui n'est que la misère amoureuse, et son entretien étendues à l'échelle sociale. Pour la réalisation de cette sorte d'économie il faut quatre déresponsabilisés vis-à-vis de leur environnement considéré comme monde vivant (qui en sont désintégrés donc), qui se démènent et se bataillent : le Prolétaire (conservé dans une confusion totale par les Journalistes et la Science) et le Capitaliste, modérés par le Syndicaliste et tempérés par l'État (la Police, la Justice). Le monde entreprend de supprimer et l'un et l'autre, car chacun se responsabilise et veut le monde à son image dans laquelle on veut se reconnaître, c'est-à-dire qui ressemble à lui et à elle et leurs enfants.

Le problème majeur de coexistence entre les deux extrêmes est que l'un de ces extrêmes (la société très cuirassée) sera toujours jaloux de la joie de vivre de l'autre et voudra tuer, annihiler la vivacité de la société peu cuirassée : le "terrorisme" est un des moyens utilisés (on retrouve toutes les manières de faire de cette forme de société dans cet acte). C'est le malheur de la société peu cuirassée ; et cette dernière a, présentement, avec ses propres "armes" (dont la vigueur) et à sa manière, pour mission de se défaire de ce fardeau à elle imposé, avec une vigueur, donc, tenant de l'obstination réfléchie et de la ruse dite "féminine".

Une société tournée vers le plaisir, n'est pas obligatoirement une "société peu cuirassée", s'il s'agit des petits plaisirs que procure un monde de marchandises, où on achète une meuf, une piz', un policier, une tire, un tub, un maire, un soutif, un cueum, un ministre, un taf, du chit, une pub, un pub, du vin, du pain, sa santé, un juge, un avocat, des syndicats. On s'aperçoit que le mode de production de cette société, en tuant ce qui est vivant, n'est pas adapté au maintien de la vie dans l'environnement où cette première -- la vie -- est née il y a quelques milliards d'années, sous la forme qui a évolué à ce monde sur lequel nous posons nos pieds et couchons notre dos. Il semble quasi évident que pour que perdure cette société de misère il est nécessaire que cette misère perdure, que les gens soient et restent miséreux dans leurs relations sociales, intellectuelles et affectives, c'est-à-dire dépréciés vis-à-vis d'eux-mêmes et rendus malades. Ainsi des Syndicats maintiennent au travail des Ouvriers, déresponsabilisés mais agissants, à l'aide des chaînes du Salariat, dans des Fabriques d'engins de mort (centrales nucléaires, tanks, mines anti-personnel, gadgets, médicaments d'inconfort social, par exemple, supermarchés, etc.) gérées par des Capitalistes que modèrent l'État pour maintenir la Paix Sociale, simplement parce que chacun, à sa manière, qui s'est vu dépossédé du pouvoir de vivre selon son aptitude au plaisir, s'évertue de retrouver, par un pouvoir sur les autres ou sur des choses, pouvoir qui n'est que le pouvoir d'empêcher ces autres de se mouvoir selon leur propre plaisir, ce pouvoir parce que c'est ce pouvoir sur les autres qui lui donne la sensation d'avoir un pouvoir sur lui-même. Ce qui, bien évidemment, est faux.

Il y a une constante dans toutes les sociétés cuirassées : la femme y est considérée comme la cause du malheur du monde. Bien que le choix ait été de Paris, c'est Hélène la cause de la destruction de Troie et des malheurs des Grecs ; et le sacrifice d'Abraham n'est que la certification de l'appartenance totale et entière de la génération de l'espèce (qui ne peut être que commune) à la seule "autorité" du sexe mâle, réduisant la sexualité féminine au rôle de reproducteur de cette espèce dite "humaine". Car au surplus qu'il soit certifié que c'est la femme qui ait induit le sexe mâle aux délices de l'amour des corps, et est ainsi, déductivement, la cause de la perte de leur paradis, la femme est femme ; et dans toutes les sociétés cuirassées c'est là une tare, substrat de tous les mépris, les irrespects et déniements qui entachent toutes les relations humaines qui soient, fussent-elles seulement entre "hommes".

Il faut bien comprendre qu'il s'agit de deux extrêmes, qui existent déjà et qui sont des touts. Une société peu cuirassée, par exemple, ne pratiquera jamais de mutilation génitale, car c'est quelque chose à laquelle elle ne pensera jamais : cela ne fait pas partie de sa conception du monde et ne peut pas en faire partie. Une gradation de l'insistance de l'idée d'une mutilation possible et envisageable est observable au fur et à mesure que l'on s'approche d'un contexte social très cuirassé. On pense souvent, par exemple que, parce qu'elle est l'opposé de la société patriarcale, l'autorité reviendrait à la femme dans une société matriarcale : c'est un pur point de vue du seul côté patriarcal, car le contraire de l'autorité n'est pas l'autorité mais la coparticipation au monde, bien évidemment.

Manière d'agir pour ce qui concerne le/la :

dans une Société cuirassée

 

dans une Société peu cuirassée

Préadolescents et adolescents :

Moins d'indulgence

Plus d'indulgence.

Plus de retenue physique dans l'expression affective

Peu de retenue dans l'expression affective.

Traumatisation des enfants

Les enfants ne sont pas traumatisés.

Phases d'initiations douloureuses

Pas de douleur lors des initiations.

Domination de la famille

Démocraties des Enfants.

Lieux de ségrégation sexuelle ou militaire institutionnalisés

Maisons villageoises mixtes selon les âges de la vie.

Peu de protection vis-à-vis de l'environnement

Bonne protection vis-à-vis de l'environnement.

Peu de prise en compte des besoins

Bonne prise en compte des besoins.

Les soins de la prime enfance incombent à la mère

 

Les deux parents s'occupent ensembles de leur nourrisson.

 

Sexualité :

Attitude de contrainte, anxieuse

Disposition au plaisir, permissive.

Mutilations génitales institutionnalisées

Absence de mutilations génitales de quelque nature qui soit.

Tabou de la virginité féminine

Pas de tabou à la virginité féminine.

Tabou de la virginité dans les relations

Pas de tabou virginal dans les relations.

Sévère censure des rapports sexuels entre adolescents

Pas de censure dans les amours entre adolescents.

Tendance à l'homosexualité avec répression de cette tendance

Absence d'homosexualité ou peu censurée.

Tendance à l'inceste accompagné d'un tabou sévère

Absence d'inceste ou très puissant tabou autour de l'inceste.

Concubinage et prospérité de la prostitution

 

Absence évidente de concubinage et de prostitution.

 

La femme :

Limitation de la liberté

Davantage de liberté.

Statut d'infériorité, assujettisation

Égalité de statut avec l'homme.

Tabou autour du sang inhérent à la féminité (sang d'hymen, oestral, de parturiente)

Pas de tabou relatif au sang de la féminité.

Pas de choix possible de l'époux

Libre dans le choix d'un époux.

Impossibilité de divorcer de son propre chef

Divorce possible selon sa propre volonté.

Contrôle de la fertilité masculine

Contrôle de la fertilité féminine.

Fonctions de la reproduction dénigrées

 

Fonctions de la reproduction célébrées.

 

Structures culturelles, familiales et sociales :

Descendance à filiation patrilinéaire

Descendance à filiation matrilinéaire.

Habitat du couple patrilocal

Habitat du couple matrilocal.

Monogamie imposée tout au long de la vie

Monogamie non obligatoire tout le long de sa vie.

Fréquentes polygamies

Rarement polygames.

Autoritaires

Démocratiques.

Hiérarchiques

Égalitaires.

Centralisme politique et économique

"Démocratie de la création et de sa réalisation".

Spécialistes militaires, castes

Périodes militaires peu fréquentes.

Violence, sadisme

 

Non-violence, absence de sadisme.

 

Religion :

Orientée vers le Père, le Mâle

Orientée vers la Mère, la femme.

Ascétisme, évitement du plaisir, recherche de la peine

Le plaisir est bienvenu et institutionnalisé.

Inhibition, crainte du naturel

Spontanéité, dévotion au naturel.

Spécialistes religieux à plein temps

Absence de spécialistes religieux.

Guérisseurs et shamans de sexe mâle

Guérisseurs ou shamans des deux sexes.

Codes de conduites strictes, conduite morale coercitive, respect de l'autre inculqué par la violence

Absence de code de conduite, conduite morale innée, respect de l'autre comme de soi-même.

La femme est la cause du malheur du monde

La femme et l'homme participent activement au bonheur du monde.

À cette liste, il manque quasiment l'essentiel qui est : l'attitude de la société vis-à-vis de la femme enceinte, du bébé et du nourrisson :

Dans toutes les sociétés cuirassées, la femme enceinte est angoissée, oppressée, culpabilisée par une multitude de coutumes, de tabous, de restrictions ayant les justifications les plus diverses. L'accouchement est entouré de rites (hygiène excessive, assujettisation, conditions physiques éloignées de ses besoins immédiats, bruits, ambiance gênants, etc.) sensés protéger contre les mauvais esprits considérés plus ou moins consciemment comme réminiscence de péchés ou de fautes le précédent (de fait, puisque quand on enfante on a dû copuler !!!). La relation entre le bébé et la mère est retardée, différée : on sépare physiquement, juste après la naissance, les deux personnes. Le bébé subit immédiatement après la naissance une série de rites religieux ou hygiénistes. La première tétée est différée. Le bébé est étroitement emmailloté dans un carcan restreignant tous ses mouvements. On impose au bébé des déformations physiques (pieds, crâne, etc.). Le bébé est mutilé (circoncision, tailladage). Le nourrisson est considéré comme un être étranger. La mère et le nourrisson sont séparés de la société.

On ne saurait trop insister sur les premières dispositions avec lesquelles on accueille à la vie sociale un nourrisson, qui impliqueront socialement leur reproduction dans leur aptitude au bonheur de vivre. Circoncire un nourrisson, un préadolescent ou un adolescent, ou exciser une préadolescente, implique obligatoirement une attitude générale sociale qui corrobore ces mutilations et qui en découle. On doit donc faire en sorte, et autant faire que se peut, que cesse la mutilation afin de voir évoluer le contexte social qui l'implique, par des explications parfaitement au fait des choses et sures de ce qu'elles veulent protéger.

Suivant les prétextes qu'on donne à la circoncision, les attitudes sociales diffèrent : à la circoncision ayant pour prétexte l'hygiène, on trouvera une attitude sociale revendiquant une hégémonie économique du monde (considéré alors comme un territoire légitime) ; à la circoncision pratiquée sous le prétexte du maintien d'une cohésion sociale, on retrouve une hégémonie de conservation d'un territoire (considéré comme légitime) ; à la circoncision pratiquée sous un prétexte religieux, on retrouve une hégémonie de conquête du monde (qu'on considère comme un territoire légitime). A une blessure identique infligée selon un certain prétexte, correspond un moyen singulier de revendiquer quelque chose. C'est presque incroyable ce que provoque de soustraire au corps de l'enfant par le tranchage un morceau de peau lorsqu'on sait culturellement lequel trancher. Une hégémonie veut toujours s'imposer aux autres, quelqu'ils soient (peut-on parler d'amis dans un tel contexte ?), et on comprend intuitivement qu'il y a ici matière à vengeance lorsqu'on se retrouve avoir la force physique de la pratiquer. Et je ne peux que constater que, présentement, là où la circoncision est pratiquée en masse nous trouvons, à l'heure actuelle, les individus les plus belliqueux de la planète. (USA : plus de 72%, pays de l'Islam et Juifs : quasiment 100% de circoncis). La circoncision est un prétexte physique de plus pour revendiquer militairement quelque chose ; et c'est une blessure qu'il est difficile d'adoucir lorsqu'elle est ressentie douloureuse à cause d'un manque. Dans tous les cas, c'est l'enfance qui est mise en souffrance par un adulte qui a souffert lorsqu'il était enfant.

Toute mutilation physique ou psychique amène à une réflexion spéculative, car il est réellement impossible d'autrement comprendre ce qui vous est arrivé. Aux relations basées sur la réciprocité (directe ou différée) et sur la confiance en soi et en l'autre, sur les largesses de la vie (nature comme auto-production) on se trouve opposé à la méfiance, l'intérêt (au sens physique de l'argent et au sens du système psychique de l'état de demande à l'autre ou de l'autre, la revendication), à l'obligation (que ce soit vis-à-vis de Bons du Trésor ou d'imposition, de devoir envers un tributaire, qui est généralement celui-là même qui vous a infligé cette mutilation), à la valeur (l'espoir de gains du cambiste) apposée matériellement à des actes et des choses servant ensuite de médiation dans les relations humaines et imposées comme telles.

De notre point de vue, sans qu'on veuille ici clarifier une autre topique que le bien-être de vivre socialement, environementalement et personnellement, notre société française est assez bien située entre les deux extrêmes servant ici de référence, plutôt du côté des sociétés peu cuirassées, mais paradoxalement. Car on voit des morceaux énormes encore qui perdurent des comportements inhérents aux sociétés cuirassées. D'énormes progrès ont été faits pour ce qui regarde la naissance ; les femmes se reconnaissent de mieux en plus, bien qu'on veuille à tout prix faire de la liberté conquise une aliénation supplémentaire dans des comportements sexuels (la femme continue, adulte, à jouer encore à la poupée ou à l'être) toujours assujettis aux désirs de domination du mâle (qui ne dénoncent que sa capacité étroite à s'abandonner aux plaisirs de l'amour, c'est à dire sa petite capacité au plaisir de la duoté). On veut absolument que la femme libérée aliène ses nouvelles possibilités d'agir à la satisfaction de l'homme, qu'elle se déprécie ; à cause du fait que cette libération est aussi une libération de l'aliénation des rapports dans lesquels l'homme l'avait jusqu'à maintenant maintenue par les coups et la force pour contenter sa virilité alors qu'il ne s'agit que d'hommité. La femme doit se dégrader pour reconquérir l'homme qui est resté assis sur ses schémas ringards. En fait, la manière féminine d'agir contourne toutes ces obligations par l'appropriation des manières de faire "viriles", même militaires, et cela change, bien sûr, l'ambiance de l'affaire. C'est la femme qui a compris que le substrat de la soumission est l'acceptation par l'être soumis de cette soumission comme intérieure à lui-même, comme partie de lui-même ; et c'est elle qui a compris que cette auto-soumission est l'aliénation même de la liberté de tous.

Ce sont les gens qui font la société, pas ceux qui les gouvernent, ou pas tant qu'on le croit ; à moins qu'on ne se soit piégé soi-même stupidement. Le problème est qu'une société pacifique se fera toujours dominer par l'agressivité maladive d'une société militariste ("très cuirassée") : d'un côté on s'est armé, de l'autre non. À moins d'amoindrir les raisons pratiques de cette agressivité maladive (fin de l'emmaillotement - qu'on montre avec ostentation dans des beaux livres d'images comme des exotismes pitiéresques -, en finir avec l'excision, l'infibulation, la circoncision, les tatouages ethniques obligatoires, tous ce qui pousse l'enfant à la résignation : arrangeons-nous !) et à moins de considérer ce pacifisme comme le plus légitime qui soit et de le défendre avec la vigueur qu'il contient innément, il a peu de chance d'advenir lumineusement au monde. Si on voit si peu de société pacifistes sur notre planète, c'est parce qu'elles ont été massacrées par les sociétés militaires, bien évidemment ! Être pacifiste ne veut pas dire être mou, cela veut dire vouloir entretenir la vigueur libre de la vie, qui est de l'amour, c'est-à-dire savoir entretenir la vivacité de la vie, la vigueur chez la femme enceinte, chez le bébé, le nourrisson, l'enfant, l'adolescent, chez soi ! La vigueur sait se rendre l'honnêteté qui lui est nécessaire pour se maintenir comme telle et ainsi se réalise.