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Wilhelm Reich
Elsworth F. Baker.

Réimprimé du Journal of Orgonomy Volume 1, 1968 The American College of Orgonomy
Traduction Acorgone le 3 novembre 2017
(j'ai retraduit cloudbuster et dor-buster par téteur d'éther et désagrégeur de DOR)

Des biographies et des critiques seront un jour écrites sur Wilhelm Reich. Il a mené une vie pleine et entière et dont l'importance ne se fera que progressivement sentir sur les hommes du monde. Il a eu trois mariages et trois enfants, a vécu dans six pays et a accumulé une connaissance et une compréhension inégalées de la vie et des fonctions naturelles. Il est devenu un expert et a approfondi ses connaissances dans des domaines importants de l'activité humaine, y compris la psychologie, la sociologie, la religion, la chimie, l'agriculture, la météorologie, l'astronomie, le génie, la peinture, la sculpture et la musique. Au cours de ses dernières années, il a étudié le droit. En outre, il a créé et développé une nouvelle science, l'orgonomie, la science des lois fonctionnelles de l'énergie cosmique, et une nouvelle façon de penser qu'il a appelé « fonctionnalisme ». Le principe directeur du fonctionnalisme est l'identité des variations dans leur principe de fonctionnement commun. Il a laissé plus de cent mille pages de manuscrits, dont la plupart n'a pas encore été publié, sinon qu'une vingtaine de livres et plus de cent articles. Je souhaite ici ne donner qu'un aperçu de sa vie et de son œuvre, avec quelques extraits de chacun d'entre eux.

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Wilhelm Reich est né le 24 mars 1897 dans la partie orientale de l'empire austro-hongrois en Ukraine allemande. Ses parents étaient des fermiers aisés qui possédaient un millier d'acres de terre. Ses premières années se sont passées à la ferme avec un tuteur privé, et très tôt, il s'est intéressé aux processus vitaux des plantes et des animaux et en particulier à la reproduction de la vie. Il avait de nombreuses collections d'insectes qu'il étudia sous la direction de son tuteur. Sa mère est décédée quand il avait onze ans, et il semble peu de doute que sa mort a influencé dans une large mesure sa pensée future. Son père mourut quand il avait dix-sept ans, et il dirigea la ferme pendant un an, jusqu’à ce qu'elle soit détruite par les Russes en 1915. Ceci sans interrompre son travail scolaire. Il a ensuite rejoint l'armée autrichienne et a servi comme lieutenant sur le front italien jusqu’à la fin de la guerre. Il avait un frère de deux ans plus jeune, décédé de la tuberculose à l'âge de vingt-deux ans après la Première Guerre mondiale.

Au retour de la guerre en 1918, il entreprend des études de médecine à l'Université de Vienne et s'appuie sur le tutorat d'autres étudiants. Pendant ce temps, il organise un séminaire sur la sexologie. Il s'intéresse rapidement à Freud et à la psychanalyse et, après une brève formation d'analyste chez Paul Ferdern, il devient analyste praticien et membre de la Société viennoise de psychanalyse, deux ans avant d'obtenir son diplôme de médecine en 1922.

La brillance de Reich en tant qu'analyste et auteur de nombreux articles importants sur la psychanalyse fit de Freud un médecin assistant de choix lorsque Freud mit sur pied la Polyclinique psychanalytique de Vienne en 1922. Au cours de ces années, Reich s'est marié et a ensuite eu deux filles.

En 1924, il est nommé membre du personnel enseignant de l'Institut psychanalytique et anime des séminaires tant à la clinique qu’à l'Institut. Il s'est particulièrement attaché à étudier la cause des échecs psychanalytiques. Il s'est déplacé de derrière le canapé pour s'asseoir à côté du patient et le regarder et lui permettre de le voir. Il a donc pris contact avec la personne derrière la névrose qu'il traitait. Il s'est heurté à maintes reprises aux résistances du patient. La résistance n'était pas nouvelle, mais sa manipulation n'était pas bien comprise ; en particulier la résistance latente, qui n'était souvent même pas reconnue. Auparavant, le transfert avait été utilisé pour vaincre la résistance et il était en conséquence très important. Reich attaqua directement la résistance en soulignant que le patient était résistant et comment il la montrait. C'est-à-dire, il a décrit les attitudes du patient, et il s’est occupé de chaque nouvelle résistance au moment de son apparition. Ses collègues de travail ont argumenté contre de telles tactiques, mais Reich a continué et a constaté que, à mesure de la dissolution des résistances, le matériel douloureux à la racine de la névrose a spontanément commencé à apparaître dans l'ordre logique, jusqu’à ce que les conflits de base aient été rencontrés. Lorsque ces résistances ont été surmontées, le patient montre un grand changement dans ses attitudes et son fonctionnement, et est finalement capable d'un véritable transfert positif. Il a ainsi démontré que l'ancien transfert positif était en fait une résistance latente conçue pour éviter les matériaux douloureux. Reich a finalement conclu qu'il n' y avait pas de transfert positif réel au début du traitement. Lorsque les résistances ont été analysées, le caractère a commencé à changer, montrant que non seulement les symptômes étaient des signes de névrose, mais que le caractère lui-même était névrosé. C'était un nouveau concept de la névrose de caractère, et Reich a appelé cette méthode d'analyse des caractères. Par ce moyen, il a résolu le problème du masochisme et prouva que l'idée de l'instinct de mort était erronée. Ce n'était pas que le masochiste ne voulait pas guérir à cause d'un instinct de mort biologique, mais plutôt que sa tolérance de l'expansion et au mouvement interfère.

Quelle que soit la durée de l'analyse, une étude sur des patients guéris et non guéris a révélé de façon constante que les premiers avaient développé une vie sexuelle satisfaisante, alors que le second n'en avait pas. Cela a porté une lumière sur la nécessité de réguler l'énergie de l'organisme. Pour guérir le patient, la stase de la libido doit être surmontée. L'activité sexuelle en soi ne la garantissant pas, mais plutôt la satisfaction obtenue de l'acte sexuel. Reich appelait cette capacité de gratification « puissance orgastique ». Auparavant, les problèmes sexuels étaient considérés uniquement comme des symptômes et non comme le noyau de la névrose, et l'activité érectile était considérée comme la preuve d'un fonctionnement sexuel adéquat. Certains psychiatres insistent encore pour dire qu'il y a des névrosés avec une vie sexuelle normale. L'établissement de la puissance orgastique, cependant, a entraîné chez l'individu des changements très précis qui ne sont pas reconnus ou compris par la plupart des psychiatres, même aujourd'hui. La reconnaissance de la puissance orgastique est une découverte cruciale. Cette puissance signifie la capacité de décharger toute l'énergie excédentaire et de maintenir ainsi un niveau d'énergie stabilisé dans l'organisme. Ce processus de métabolisme énergétique se déroule dans un rythme de quatre temps de tension, de charge, de décharge et de relaxation, que Reich a appelé « la formule de l’orgasme ». Cela se confronte immédiatement avec un autre facteur majeur : la libido doit être davantage qu'un concept psychique. Ça doit être une véritable énergie. Puisque les névroses n'existent que par l'excès d'énergie réprimée ou « stase », une personne qui développe une libération sexuelle vraiment adéquate ne peut pas maintenir une névrose. De plus, elle présente certaines caractéristiques fondamentales. Ses attitudes envers la société changent. Beaucoup de mœurs sociales deviennent incompréhensibles. Par exemple, vivre avec un compagnon qu’on n’aime pas, simplement parce que la loi dit que vous êtes mariés ; l'insistance sur la fidélité par devoir. Il a une morale, c'est vrai, mais elle se préoccupe de valeurs différentes : la personne ne désire le sexe qu'avec celui qu’elle aime ; la promiscuité est inintéressante ; la pornographie est répugnante ; elle ressent de la tolérance envers la perversion et de l’intolérance envers l'attitude inflexible de la société. Elle devient autorégulée.

En outre, certains autres changements se produisent. Son visage devient détendu et expressif. Son corps perd de sa raideur et semble plus vivant. Il devient capable de donner librement et de réagir spontanément aux situations. Qu'est-ce qui a changé ? Son corps devient détendu là où, autrefois, il restait rigide par la contraction musculaire comme défense contre le sentiment et le don. La névrose était ancrée dans cette rigidité, cette cuirasse qui produisait et maintenait le caractère, dont la dissolution permet le réflexe orgastique, la capacité de l'organisme à céder à son fonctionnement. Avec cette découverte est venu la compréhension du caractère.

Ainsi, Reich a fait trois découvertes majeures qui ont ouvert de grands horizons pour comprendre le fonctionnement humain et dont la valeur ne peut être surestimée : la réalité de la libido (c'est un flux d'énergie), la fonction de l'orgasme (elle régule le flux d'énergie), et la cuirasse musculaire (elle empêche la régulation de l'énergie). La distinction entre une vie sexuelle satisfaisante et une vie sexuelle insatisfaisante et leurs effets distincts sur l'organisme a nécessité une étude sérieuse. Quelle était la différence entre satisfaction et simple expression sexuelle, que l'organisme pouvait rester en bonne santé même si la thérapie d'un patient n'avait pas été complétée analytiquement, alors que ceux avec une analyse approfondie restaient inamovibles et ne pouvaient s’accomplir dans la satisfaction sexuelle ? D'une certaine façon, cette satisfaction s'est dissociée de la névrose, de sorte que les idées ou les complexes ne peuvent plus être considérés comme un facteur important. Cela concernait ici la physiologie et non pas seulement les concepts ; ni l'expression de la substance sexuelle, puisque l'éjaculation se produisait dans des expériences insatisfaisantes. Le facteur déterminant de la satisfaction était le vécu du plaisir dans l'acte.

La fonction de l'acte sexuel semblait avoir pour but premier de maintenir économiquement un niveau d'énergie dans l'organisme. À moins que l'anxiété ne soit absente et que l'organisme ne puisse s'abandonner complètement à ses sensations agréables, cela ne se produisait pas convenablement. Dans l'abandon, l'acte se termine par des convulsions globales du corps et une perte momentanée de conscience connue sous le nom de convulsion orgastique ou orgasme.

Reich s'interrogea sur la nécessité d'un tel mécanisme. Pourquoi le corps n'utilise-t-il pas toute son énergie? Dans le cours normal des événements, on accumule plus d'énergie qu'on n’en peut utiliser. C'est comme un compte bancaire pour les situations d'urgence. Lors de situations d'urgence telles que les combats, les tracas ou le travail épuisant, cet excès d'énergie est essentiellement consommé et l'organisme est asexué. Cependant, habituellement, l'énergie continuerait à s'accumuler, de sorte que l'organisme devrait se développer continuellement ou éventuellement éclater, à moins qu'il n' y ait un mécanisme quelconque pour le décharger après qu'il ait atteint un certain niveau. Ce niveau est connu sous le nom de point de luminosité et, chez l'individu en bonne santé, il est ressenti comme une excitation sexuelle. Lorsque l'excitation est bloquée, le niveau d'excitation est ressenti comme une tension, de l'agitation ou un autre inconfort. Cette décharge d'énergie est nécessaire à des intervalles plus ou moins réguliers en fonction d'autres mécanismes de manipulation de l'énergie (travail, inquiétude, croissance, etc.). On se souvient ici du concept de sublimation de Freud. La sublimation est efficace dans une mesure très limitée pour prévenir la stase.

Maintenant, que se passe-t-il quand on apprend que le sexe est interdit et que cette voie de libération est bloquée ? L'énergie s'accumule jusqu’à l'excitation sexuelle, mais l'individu se trouve confronté à la nécessité de se retenir. Il tire le bassin vers l'arrière, resserre les muscles des cuisses et des fesses, retient sa respiration, serre les dents et ne se permet pas de regarder quoi que ce soit qui perturberait sa détermination. Il finit par perdre sa sensation de désir sexuel, mais se retrouve le corps tendu par des muscles tendus. Il est cuirassé. Ce processus peut se poursuivre jusqu’à ce que tous les muscles de son corps soient impliqués, et que l'énergie augmente. Finalement, l'énergie déborde sous forme de symptômes névrotiques. Ce processus est entamé à la naissance en raison de l'attitude anti-sexuelle universelle de la société, de sorte que peu de gens grandissent comme la nature l’aurait voulu, et que l'homme moyen n'est pas en bonne santé même s'il n' a pas atteint le stade des symptômes manifestes. La vie sexuelle de la personne moyenne, bien qu'inadéquate pour libérer toute la tension accumulée, n’en libère qu’une partie à chaque fois et permet ainsi à de nombreuses personnes de fonctionner sans développer de symptômes manifestes.

Dès le début, Reich a été impressionné par le concept du fonctionnement énergétique et ne l’a jamais perdu de vue. En 1927, a été publié The Function of the Orgasm [Die Funktion des Orgasmus], son premier livre important, couvrant ce qu'il avait découvert jusqu’alors. En 1928, il devient vice-directeur de la clinique et continue à rendre compte de ses observations. « Encore une fois, se demandait Reich, pourquoi l’ensemble de la répression des humains est-elle nécessaire ? Pourquoi est-ce si universel ? » Il était pas si facile de répondre à cette question, car personne ne pouvait savoir comment et pourquoi tout a commencé, mais une découverte venait d’être faite. Chaque patient sous thérapie réagit avec terreur quand il a atteint la phase finale où toute l'armure est dissoute et où il est confronté à la nécessité de se rendre à ses sensations corporelles. Son corps est si habitué à rester immobile qu'il ne peut tolérer la liberté de mouvement. La placidité (immobilité, immuabilité) est sans danger. C'était quelque chose à quoi s'accrocher, pour sauver quelqu'un de la destruction, comme un Dieu. Dieu était immuable, c’est le même qu’hier, qu’aujourd’hui et pour toujours. Pourtant, la tranquillité n'est pas satisfaisante et ne peut jamais l'être, car au plus profond de l'homme, il y a toujours un appel émouvant à l'expression.

Après 1928, Reich s'est progressivement intéressé à la cause sociale des névroses. Il a organisé des cliniques d'hygiène mentale et des consultations sexuelles pour les jeunes. Reconnaissant la nécessité d'un changement de nos mœurs sociales, il s'est joint à des groupes libéraux et socialistes, croyant alors qu'ils défendaient sincèrement la réforme sociale. Freud est se sentait mal à l'aise au sujet de cette croisade sociale qui mélangeait l'analyse et la politique, et aussi au sujet des idées de Reich s'opposant à la théorie de l'instinct de mort, et une amitié très étroite a commencé à rafraîchir.

En 1930, Reich va à Berlin et rejoint le Parti communiste, laissant sa famille à Vienne; il s’agit d’une séparation permanente, depuis sa femme en désaccord avec sa manière de voir. Il estime que, si le concept d'économie sociale de Karl Marx pouvait être combiné à la liberté liée à l’absence de tabous sexuels, une grande partie de la misère du monde pourrait être soulagée. Il organise et prend en charge des cliniques d'hygiène mentale pour la diffusion de l'information sexuelle, et continue à développer ses idées de réforme sociale. Toutefois, ses idées et l'enseignement sont en désaccord avec la ligne du Parti, et il en est exclus en 1933. Il est ensuite devenu l'un de ses opposants les plus acharnés.

Cette année-là, ont été publiés la première édition de Character Analysis [L’Analyse caractérielle], un classique de la compréhension du caractère, et The Mass Psychology of Fascism [La Psychologie de masse du fascisme] qui montre la structure caractéristique du fascisme. En 1933, avec la montée d'Hitler, Reich quitte l'Allemagne et part pour le Danemark, mais doit bientôt fuir en Suède à cause de la pression nazie. En Suède aussi, il est bientôt expulsé et, en 1934, il se rend à Oslo, en Norvège, sur une invitation de l'Institut de psychologie à l’université d'Oslo. En 1936, il publie La Révolution sexuelle. Pendant toutes ces années, il a continué à développer sa théorie des problèmes émotionnels et la thérapie.

À Oslo, il poursuit ses recherches en étudiant la nature bioélectrique du plaisir et de l'anxiété et l'énigme de l'origine de la vie. Reich s'est particulièrement préoccupé de ce qui produit la contraction musculaire et la maintient. L’étude menait au domaine du système nerveux végétatif et l’antithèse de base de son fonctionnement. L'excitation du système nerveux sympathique provoque une contraction, ressentie comme de l'anxiété. L'excitation parasympathique provoque l'expansion qui est ressentie comme un plaisir. La sympathicotonie chronique cause et maintient la cuirasse. Le plaisir, ou l'expansion, est ressenti au niveau de la peau. Reich croyait qu'il y avait une charge électrique à la surface de la peau, et il s'apprêtait y porter son attention. Il a utilisé un galvanomètre et a découvert que tel était le cas. Plus le plaisir est intense, plus la charge indiquée sur le galvanomètre est élevée. En outre, dans des situations désagréables, les mesures disparaissent. Voici la preuve concrète d'une véritable énergie. Reich l'appelait « énergie bioélectrique ». Plus tard, il montre que cette énergie rayonnait au-delà de la surface de la peau sous forme d’un champ d'énergie. Au cours d’une expérience sexuelle satisfaisante, cette énergie a été en quelque sorte déchargée, soulageant la stase dans l'organisme. En cas d'anxiété, aucune charge n’atteint la peau et aucun dégagement ne peut se produire. L'appareil génital pourrait ainsi être considéré comme un organe spécialisé de la peau capable de décharger l'énergie. Avec ces découvertes, Reich quitta le domaine psychique de la psychanalyse et entra dans le domaine de la biophysique, où il découvre un nouveau concept de santé. Ce concept était basé sur le métabolisme énergétique de la charge et de la décharge que Reich appelait « économie sexuelle ». Il a amélioré sa thérapie en travaillant directement sur la cuirasse musculaire par la libération des émotions refoulées. Il a appelé cette technique « végétothérapie analytique du caractère » et a constaté qu'elle était plus rapide et plus profonde que la psychanalyse, ou même l'analyse du caractère, et efficace chez un plus grand nombre de patients.

Dans sa recherche de l'origine de la vie, il a étudié la décomposition des aliments, raisonnant que l'énergie qui soutient la vie provient de de la nourriture. En utilisant la stérilisation contre la contamination, il a étudié la désintégration sous un grossissement de 2000-3000x. Il a découvert qu'il se décomposait en minuscules globules lumineux qui se déplaçaient librement et pouvaient être cultivés. Lorsque des germes ou des cellules cancéreuses sont amenés près d'eux, les germes et les cellules sont paralysés et tués. Ces globules semblaient être une étape intermédiaire entre le vivant et le non-vivant. Reich les appelait « bions ». Les bions sont de minuscules vésicules d'énergie contenues dans une membrane qui peuvent être créées à partir de tout ce qui peut gonfler et se décomposer : du sable, du charbon, de la terre et des tissus vivants. Reich n' a pas été le premier à découvrir les bions, ni le premier à les étudier. H. Charlton Bastian, un contemporain de Pasteur, en a parlé dans un livre intitulé The Beginnings of Life et a démontré qu'ils étaient à l'origine de germes et de maladies. Le monde accepta le point de vue de Pasteur selon lequel les germes étaient immuables et immuables. Mais Bastian était plus proche de la vérité. Ce n'est que plusieurs années plus tard que Reich prit connaissance de l'œuvre de Bastian.

Reich étudia les bions pendant tout l'hiver (1939) dans son laboratoire situé dans un sous-sol, et remarqua qu'il commençait à bronzer et que ses yeux venaient à lui brûler. L’indisposition oculaire, produite par le regard dans le microscope, s'est transformée en conjonctivite. Il est devenu évident que les bions doivent émettre un rayonnement. Il a découvert que les instruments métalliques près des cultures de bions montrent une charge à l'électroscope. Un jour, il découvrit qu'une paire de gants en caoutchouc était également devenue très chargée. Il se souvint des Curies et du radium, et il fut effrayé. Quels rayons émettent-ils, ces minuscules choses qui ont montré un tel effet ? Il a essayé de se protéger d'eux en construisant une boîte revêtue de métal pour contenir les radiations. À sa grande surprise, l'effet était beaucoup plus marqué à l'intérieur de la boîte, et il y avait aussi des effets observables du rayonnement en dehors de la boîte. Il semblait ne pas y avoir de défense contre cette énergie. Elle semblait être partout. Mais au fil du temps, et comme il ne semblait pas plus blessé, sa peur s’évanouit et il poursuivit ses recherches. Il décida que c'était l'énergie libérée par le soleil. Plus tard, il l’a identifiée comme libre dans l'atmosphère. Il l’a trouvée partout, dans le sang qui s'est désintégré, dans les tissus et dans l'herbe. Il l’a identifiée comme étant la même énergie qu'il avait trouvée à la surface de la peau et l’a rebaptisée « énergie vitale » ou « énergie d’orgone » à partir de « organisme » et « orgasme ». Finalement, il a conclu que c'était l'énergie cosmique, l'énergie primordiale d'où provenait toute matière, animée et inanimée : l'éther dont l'homme discute depuis des siècles. Reich considérait cela comme sa plus grande découverte comme faisant suite à la découverte de la contraction orgastique du plaisir. Ses dernières années ont été consacrés à l'étude de cette énergie et ont été, par conséquent, les années passées dans la recherche en physique de l’orgone.

Reich a réussi à développer des protozoaires à partir de bions, ce qui lui a donné l'idée que le cancer pouvait se développer de la même manière. Se concentrant sur la recherche sur le cancer, il a produit un film cinématographique de cellules cancéreuses se développant à partir de la décomposition des tissus vivants et a démontré que le cancer est une biopathie résultant de la répression sexuelle, avec la résignation et la mort de l'organisme. À travers ces études et d'autres, il a identifié l'énergie de vie spécifique, qu'il a appelé « énergie d’orgone » (d’organisme).

En 1938, il publie Die Bione et, en 1939, Bion Experiments on the Cancer Problem. Un groupe de psychiatres de l’université d'Oslo s'est opposé à son travail et a lancé une campagne de presse contre lui. Reich garda le silence tout au long de l'histoire, se concentrant sur ses recherches. La situation, cependant, devint intenable et, en 1939, Reich accepta l'invitation de venir aux États-Unis et de donner une conférence sur la psychologie médicale à la New School for Social Research de New York. Il y a enseigné pendant deux ans. Le 20 décembre 1939, il épousa Ilse Ollendorff qui devint sa seconde femme et une fidèle assistante dans son travail. Il poursuivit ce travail même après leur divorce en 1951. Ils eurent un fils, Peter, né en 1944. Reich a acheté une maison à Forest Hills, New York, et c'est ici qu'il a fondé l'Orgone Institute.

Puisque de plus en plus, les « émotions » signifiaient pour lui les manifestations d'une bioénergie tangible et le « caractère » exprimait simplement des blocages spécifiques du flux d'énergie, il a constaté qu'il était possible de changer de caractère directement en libérant l'énergie biologique, plutôt qu’indirectement par l'utilisation de techniques psychologiques. Sa thérapie s'est donc appelée orgonothérapie médicale. Néanmoins, l'aspect psychologique n’a pas été ignoré, son importance dépendant du cas individuel. Dans certains cas, l'analyse du caractère reste l'approche principale ; dans d'autres, elle est grandement inutile, et la communication verbale qui comprend l'éducation, la compréhension des objectifs et la discussion des problèmes et des résistances, suffit.

Cette focalisation sur la libération de la bioénergie par la dissolution de la cuirasse musculaire a conduit à une compréhension de la manière dont un organisme se libère de ses restrictions et, inversement, comment il développe initialement sa cuirasse. En 1947, le Reich parvint enfin à identifier sept segments dans l'organisme, largement indépendants les uns des autres, mais parallèlement interdépendants dans leur fonctionnement unitaire. Ces sept segments sont : l’oculaire, [l’oral,] le cervical, le thoracique, le diaphragmatique, l’abdominal et le pelvien. Il a également déterminé l'importance du segment des yeux dans la schizophrénie et l'épilepsie, qui offrait une approche thérapeutique rationnelle et de l'espoir pour de nombreux patients qui avaient été considérés auparavant comme incurables.

Reich a ensuite formé des étudiants et poursuivi ses recherches sur le cancer et l'énergie orgone, en procédant notamment à des expérimentations à l’aide de l'accumulateur d'énergie orgone (ORAC) sur les animaux et les humains. L'ORAC était une boîte à six faces, composée de couches alternées de matière organique et de métal, qu'il avait déterminé expérimentalement comme provoquant une concentration de l'énergie orgone. (On se souvient ici de la construction d'une pile atomique avec des couches alternées de carbone et d'uranium, ainsi que du bocal de Leyden, qui n'est qu'un bocal revêtu de papier d'aluminium).

C'est en 1940 que Reich découvrit l'énergie d’orgone présente dans l'atmosphère et il poussa ses expérimentations avec l'accumulateur d'énergie orgone, le testant avec un électroscope et un thermomètre, et en observant l'activité énergétique avec un loupe et un écran fluorescent. Il pouvait sentir avec ses mains le rayonnement qui provenait des parois de métal ; son corps ressentait de la chaleur et il prenait de la couleur à mesure de sa présence dans la boîte, tandis que, après un certain temps, sa peau bronzait. Il se sentait aussi plus vigoureux et n'était pas sujet au rhume. Les analyses sanguines ont montré une augmentation de ses globules rouges qui s’étaient développées avec un champ d'énergie plus large et qui mettaient plus de temps à se désintégrer. Il a expérimenté l’ORAC avec des souris saines et cancéreuses. Ces dernières vivaient remarquablement plus longtemps que les souris témoins, qui n'étaient pas gardées dans l'accumulateur. En expérimentant avec différents métaux, il a découvert qu'un ORAC revêtu d'aluminium causait une perte de leur fourrure lorsqu'il était utilisé sur des souris, alors qu'une doublure de fer donnait les meilleurs résultats, probablement parce que le fer est contenu dans le corps. Les expériences d'accumulateurs avec les humains ont montré que la douleur des brûlures est éliminée ou radicalement diminuée en quelques minutes ; et la guérison a lieu rapidement, sans cicatrice; les problèmes de la peau s’adoucissaient ou seraient aggravées, selon le type ; les cancers ne développaient d’anémie, et le sang du patient est amélioré. Dans tous les cas, les résultats semblaient être dus à une accumulation d'énergie dans l'organisme. Là où des patients avaient un niveau d’énergie déjà élevée, ils ne pouvaient pas tolérer l'accumulateur ; les patients déprimés ont reçu une aide dans la reconstruction de leur énergie.

Theodore P. Wolfe, qui était allé en Norvège pour étudier avec Reich et qui avait joué un rôle déterminant dans sa persuasion de venir aux États-Unis, devint son traducteur, et les livres de Reich commencèrent à paraître en anglais, publiés par l'Orgone Institute Press. Des revues ont été régulièrement publiées, comprenant des rapports sur les travaux en cours : The International Journal of Sex-Economy and Orgone Research de 1941 à 1945, et l'Orgone Energy Bulletin de 1945 à 1953.

En 1945, Reich a effectué une étude expérimentale de la biogenèse primaire, qu'il a appelé Expriment XX [Expérience n°20]. Il a fait bouillir de la terre de jardin tamisée pendant une heure, l’a autoclave à 1,3 bar de pression pendant une demi-heure, puis il a filtré l'eau bouillie de la terre. Le liquide jaunâtre a été ensuite scellé dans des fioles et mise à geler dans le compartiment congélateur d'un réfrigérateur.  Après une semaine, la congélation a produit une concentration de la couleur jaune au centre de la glace, et à ce moment, des paillettes plasmatiques blanches et brunes sont apparues. Les paillettes ont augmenté de façon remarquable en deux à trois semaines, et des études microscopiques ont révélé qu'elles augmentaient à la fois par ajout de substance et par division. En quelques semaines, ils se sont transformés en amas de bions fortement rayonnants et, toujours gardés stériles, les bions sphériques se sont transformés en forme de haricots immobiles qui, plus tard, se sont développés en protozoaires mobiles. Reich a ainsi pu démontrer que les protozoaires, comme formes vivantes, pouvaient se développer à partir de l'énergie d'orgone qui a été libérée du sol par l'ébullition.

En 1947, il découvre la force motrice de l'énergie d'orgone. L’année suivante, l construit et exploite avec succès un moteur à orgone. L'énergie a été obtenue par l'excitation d'un accumulateur d'énergie d'orgone par un demi volt d'électricité pour faire fonctionner un moteur initialement de 25 volts. Comme l'énergie ne pouvait pas être stockée, le moteur ne fonctionnerait pas par temps humide. Les recherches dans ce domaine n'ont pas été poursuivies, mais il semble probable qu'un jour un moteur similaire sera utilisé pour alimenter les vaisseaux spatiaux, et probablement tous les autres engins motorisés puisque, comme l'a découvert Reich, il fonctionnait beaucoup plus rapidement, en douceur et sans bruit que les appareils conventionnels.

C'est aussi en 1947 que Reich découvre la vérole émotionnelle [emotional plague] de l'homme, une maladie de l'équilibre bioénergétique.

Dans la même année de 1947, à la suite d'un article de calomnies insidieuses paru dans le New Republic par un certain Edie Brady Mildred, la Food and Drug Administration des États-Unis entame une enquête sur l'accumulateur d’énergie d’orgone. L'article de Brady les avait amenés à penser que Reich menait un racket sexuel, et il insistait sur le fait de l’existence d’une littérature pornographique. N'ayant aucun intérêt pour les informations scientifiques relatives à l'accumulateur, la pleine coopération de Reich qui avait alors été librement étendue jusqu'alors, la plainte a dû être retirée et l'enquête a été bloquée, sans plus de preuve à l’encontre l'accumulateur.

Reich a poursuivi tranquillement son travail. Il avait alors (en 1947) formé plusieurs médecins psychiatriques en thérapie d'orgone et comptait de nombreux travailleurs dans d'autres domaines de l'orgonomie : physique, biologie, éducation et travail social. Il a dirigé des séminaires et des cours de laboratoire. La Biopathie du Cancer a été publiée en 1948 ; et j'ai réussi à le persuader de mettre à la disposition du public l'ouvrage Écoute, Petit Homme qui n'avait pas été à l'origine écrit pour une publication.

L'année 1948 a également vu Reich réussir à produire une lumination de l'énergie d'orgone concentrée dans un tube à vide, démontrant que l'énergie d'orgone qui pouvait exister dans le vide, pouvait exister dans l'espace.

La même année, l'American Association for Medical Orgonomy est créée et le premier Congrès international d’orgonomie se tient à Orgonon, siège social de Reich à Rangeley, Maine. En 1949, Reich avait déménagé de Forest Hills pour rester toute l'année à Orgonon. La même année, il fonda la Wilhelm Reich Foundation.

En 1951, sont publiés L’Éther, Dieu et le diable, son premier livre sur la méthode du fonctionnalisme orgonomique, La Superposition cosmique, et une monographie sur L’Accumulateur d’énergie d’orgone et son usage médical. La Superposition cosmique prend pour appui l'hypothèse selon laquelle la superposition de deux systèmes énergétiques est à la base des ouragans, des formations galactiques, des aurores boréales et de la gravité. Reich pensait et écrivait à ce moment-là en anglais. La même année, il a initié l'Expérience d'oranur pour déterminer si l'énergie orgone pouvait combattre avec succès les radiations nucléaires.

Le 5 janvier 1951, Reich mettait 1 mg de radium, toujours dans son récipient de plomb, dans un accumulateur à 20 couches, le plus puissant dans une pièce recouverte de métal. Il l’y a laissé pendant cinq heures. Ceci a été répété tous les jours pendant une semaine et, le dernier jour, il n’a été laissé que pendant une demi-heure. Les résultats sont décrits dans son premier rapport (1947-1951), The Oranur Experiment, First Report, (un compte rendu depuis brûlé par la Food and Drug Administration). Je sais ce qui s'est passé. J' y étais. Le décompte d’un compteur Geiger a augmenté de façon alarmante et s'est finalement bloqué. La nuit, le bâtiment et l'atmosphère qui l'entourait brillaient. Un médecin est tombé en état de choc et a failli perdre la vie quand elle a mis sa tête dans une armoire métallique du laboratoire. Les souris mouraient, et une odeur âcre, dégoûtante et nauséabonde a envahi l’atmosphère, tandis que des nuages planaient constamment sur la région. Reich tomba malade et resta entre la vie et la mort pendant des semaines. Toute la région devint inhabitable. Bien que le radium ait finalement été enlevé et déposé à une distance de onze milles, le processus ne s'est pas arrêté. Je suis persuadé que la science découvrira un jour que ce type de réaction explique la couche radioactive de notre atmosphère (la ceinture de Van Allen) due aux rayons cosmiques (peut-être les rayons X du soleil) qui rencontrent l'enveloppe énergétique de la Terre.

Outre la proximité du désastre et la maladie, cette expérience a permis de découvrir un nouveau type d'énergie (déjà de la matière puisqu'elle était déjà visible) que Reich a appelé « orgone mortel » ou DOR [Dead ORgone]. C’est le résultat de l'effet du rayonnement nucléaire sur l'énergie de l'orgone. Le DOR est noir, dépourvu de brillance, toxique, porte une charge élevée, et est affamé d’oxygène et d’eau. Il apparaît comme des taches noires dans l'atmosphère, comme si quelqu'un avait saupoudré l'air de poivre noir. On peut clairement voir le soleil à travers lui, mais les photographies semblent prises dans l'ombre. Les feuilles perdent leur lustre et tombent, les oiseaux et les insectes deviennent silencieux et même l'air est immobile. Les humains se sentent dans l’inconfort, la peau bleuit, la bouche s’assèche et le cuir chevelu se resserre, causant des maux de tête et des nausées. Reich appelait ça « la maladie du DOR ». Les effets de noircissement du DOR sur les roches ont mené à des recherches fructueuses sur la chimie du processus, désignée chimie pré-atomique par le Reich, et la découverte de substances telles que le mélanor, de l'orite, le brownite et l'orène, qui seront toutes ultérieurement décrites dans les revues d’orgonomie.

Au début de 1952, pour combattre le DOR, Reich conçut un téteur d’éther [cloudbuster] composé principalement de tubes creux, dont une extrémité est plongée dans le lac, qui pouvaient aspirer cette énergie de l'atmosphère vers l'eau. Cela l’a conduit à porter son intérêt pour la météo, et il a expérimenté la production et la prévention de la pluie. À deux reprises, son travail météorologique a été télévisé et, en 1953, il a produit de la pluie pour un groupe d'agriculteurs du Maine dont les récoltes périssaient à cause de la sécheresse. Ils avaient accepté de le payer s'il produisait de la pluie dans les délais prescrits, et ils l'ont fait quand il a réussi. Au début, Reich utilisait cinq tuyaux, deux au-dessus des trois autres. Une fois, je l'ai vu pointer le téteur d’éther vers un gros nuage, et en quelques instants, cinq trous y sont apparus, deux au-dessus et trois en dessous. J'étais convaincu.

Pensant un peu plus loin, Reich décida que ce principe pourrait être utile dans le traitement des névroses, pour pousser au mouvement l'énergie stagnante de l’organisme. Il a modifié le téteur d’éther pour l'utiliser sur les humains et l’a appelé un « DOR-buster médical » [le désagrégeur médical de DOR]. Là où l'énergie est bloquée dans la contraction musculaire, elle peut être mobilisée à l'aide du désagrégeur médical de DOR, et, comme l’utilisation le montre, l'émotion en vient à se déverser. Utilisé de façon irresponsable, cet outil peut être dangereux. Fantastique ? Oui ! Même quand vous le voyez en action, vous avez du mal à le croire : cela semble trop simple, beaucoup trop simple pour que la science l'accepte, mais c'était aussi le cas de l'accumulateur d’orgone. J'ai vu ces deux méthodes de travail à maintes reprises, mais seul le temps peut les accepter : aujourd'hui, elles sont sous l’emprise de suspicion et considérées comme du charlatanisme.

La découverte par Reich de la cuirasse caractérielle et de l’angoisse d’orgasme explique de nombreuses énigmes du fonctionnement humain, comme le mysticisme et la pensée mécaniste. L'une des plus importantes de ces énigmes qu'il a nommé la « vérole émotionnelle ». C'est la structure caractérielle qui bloque constamment tout progrès vers un fonctionnement naturel. Personne n'est totalement à l'abri de cette maladie, mais certaines personnes fonctionnent essentiellement comme des phlegmons émotionnels [emotional pests]. Ces individus sont généralement capables, intelligents et énergiques, mais ils sont anti-sexuels et susceptibles d’atteindre des positions d'autorité d’où ils peuvent dicter des règles de vie : ils sont les remparts de la société. Ils ne peuvent tolérer le fonctionnement naturel parce que celui-ci crée en eux une torturante nostalgie du mouvement libre [intolerable longing], de sorte que leur but existentiel premier est d'imposer des restrictions à toute vie naturelle. En même temps, ils savent si bien rationaliser leur comportement qu'il est accepté comme étant de l'intérêt commun.

Comme exemple concret de ce qui précède, tous les livres de Reich ont été prohibés par une injonction judiciaire portée à son encontre, et tous les périodiques d’orgonomie ont été brûlés – ces livres étant considérés comme une publicité pour l'accumulateur d'énergie d’orgone – afin de certifier que l’usage de l’expression « énergie d’orgone » était interdite parce que l’orgone est censée ne pas exister. En supposant un instant que l'énergie d'orgone n'existe pas, il faudrait se demander pourquoi l'interdiction incluait des volumes tels que L’Analyse caractérielle, La Révolution sexuelle et La Psychologie de masse du fascisme, tous écrits avant la découverte de l'énergie orgone. Nous commençons à comprendre qu'une autre raison se dissimule derrière le motif donné pour l'interdiction ces livres, un but caché qui ne devra jamais être exposé. Ce même but caché était responsable de la persécution des gens pour maintenir les croyances selon lesquelles le monde était plat, que le soleil tournait autour de la terre, que l'évolution était contre les idées de Dieu, et que les enfants étaient asexués. Toute découverte qui augmente véritablement la connaissance du fonctionnement naturel et de la relation de l'homme au cosmos, est un anathème et n'est accepté qu'après de très nombreuses années d’amères lutte et de persécution.

En 1953, La Peste émotionnelle de l'humanité, composée de deux volumes, Le Meurtre du Christ et Les Hommes dans l'État, est publiée. Les années entre 1945 et 1953 ont été enrichies de nouvelles découvertes et de beaucoup de travail et de préoccupations liées à de nombreux problèmes : de nouveaux concepts relatifs à la médecine, la physique et les mathématiques, une compréhension croissante des fonctions cosmiques et de la gravité, ainsi que les événements presque catastrophiques précipités par la réaction oranur. Malgré cela, Reich trouva le temps de produire de belles peintures, quelques sculptures et de composer de la musique.

Plus inquiétant pour le Reich que n'importe lequel des dangers consécutifs à la recherche sur la nature, est bien le lugubre, constamment menaçant, assombrissant fléau émotionnel de l'humanité. Ce n'est donc pas un hasard s'il a publié les deux volumes susmentionnés en 1953. Il y avait des rumeurs persistantes d'un « petit homme débordé et rondouillard » qui avait échoué à deux reprises à suivre ses conseils psychiatriques, exigeait constamment que l'APA [American Psychiatric Association] « fasse quelque chose » au sujet de Reich et « tout ce truc d’orgone ». Et c'est à cette époque où cet auguste corps implorait « de nouvelles idées en psychiatrie aussi fantastiques qu'elles puissent être »... Depuis 1946, ce petit homme avait peur du travail de Reich et il finit par persuader l'APA d'agir, ce qu'il fit en suscitant une réactivation de l'enquête de la Food and Drug Administration avec son soutien.

Le point culminant de cette activité de la vérole émotionnelle s'est produit le 20 février 1954, dans la forme d'une plainte déposée devant le tribunal de district des États-Unis à Portland, Maine, posant l'accumulateur d'énergie orgone comme fraude, stipulant que l'énergie orgone n’existe pas, et que toute la littérature sur l'orgonomie était simplement une publicité destinée à la vente de l'accumulateur. Reich est resté stupéfait et pendant trois jours, il n' a pu agir. Finalement, il a envoyé une réponse au juge Clifford, soutenant que le droit ne pouvait pas trancher des questions scientifiques et affirmant que son droit, selon la jurisprudence, est de poursuivre sa recherche fondamentale. Lorsqu'il m’a demandé mon avis, je lui ai dit que j'avais peu de foi en ce qu’un juge américain comprendrait ou accepterait sa réponse, puisque le tribunal ne s'intéressait qu’à la question technique de son droit de distribuer l'accumulateur d'énergie d’orgone et c’est ce qu’il faudra défendre devant la cour. Reich soutenait à juste titre que le tribunal devrait protéger les scientifiques sincères contre ces attaques : il ne pouvait pas comprendre que le tribunal, dans notre structure juridique actuelle, n'avait aucun moyen de savoir s’il était sincère, si ce n'est par un témoignage devant le tribunal.

Refusant de permettre à un tribunal de juger de son travail scientifique, celui-ci a été prononcé contre lui  une injonction sans contestation possible, globale et choquante, le 19 mars. Et sans avoir eu la nécessité d’une preuve, la Food and Drug Administration a réussi à obtenir une certification de la cour fédérale selon laquelle l'accumulateur est une fraude, avec l'allégation supplémentaire que l'énergie d'orgone n'existe pas, et la proscription où toute littérature faisant mention de l’énergie d’orgone devrait être incinérée. Il est devenu illégal de distribuer toute information sur l'accumulateur d'énergie orgone. Cette injonction n’a altéré aucun fait scientifique, mais a jeté un stigmate officiel sur tout le champ de l'orgonomie. La nature émotionnelle de la procédure est évidente dans le fait que ni le tribunal ni la Food and Drug Administration n'étaient vraiment intéressés à connaître quoi que ce soit en faveur du travail de Reich, car aucune tentative n’a été entreprise pour obtenir de lui ou de ses collègues des faits, et la pétition de quatorze médecins pour supporter le cas de l’orgonomie, a été refusée par le tribunal. L'amertume de Reich face à ces événements s'exprimait dans un article qu'il écrivit, The Modju Injuncta, chargé de ses sentiments d'abandon et d’acrimonie.

Cependant, Reich avait peu de temps pour penser à lui-même, et il a informé le tribunal qu'il reprendrait ses activités. Il s'est inquiété de l'augmentation rapide des conditions désertiques aux États-Unis et dans d'autres parties du monde, qui, selon lui, était due à l'augmentation du DOR dans l'atmosphère, en partie précipité par les essais nucléaires, mais surtout en provenance de l'espace extra-atmosphérique. Des rapports de vaisseaux spatiaux l’intéressaient. Il avait procédé à plusieurs observations à Orgonon. Les conditions du DOR ont augmenté après chaque observation, et il a conclu que des vaisseaux spatiaux en étaient responsables. En octobre 1954, il se rendit à Tucson, en Arizona, avec deux téteurs d’éther pour déterminer ce qu'il pouvait faire pour inverser le processus de la désertification, et il y resta jusqu'en avril 1955. Son récit est consigné dans son deuxième rapport d’oranur intitulé Contact with Space, publié en 1957. Ce volume doit être lu pour une meilleure compréhension du projet, mais je présenterai trois observations que j'ai faites personnellement.

Je faisais un film cinématographique sur le travail de Reich en Arizona et j'ai vite compris la nécessité d'utiliser un photomètre. Bien que le soleil semblait très lumineux et très chaud, le photomètre indiquait une ouverture de diaphragme beaucoup plus large qu'on ne le jugeait nécessaire [le photomètre mesurait moins de luminosité]. Un matin, le photomètre indiquait un réglage de 8. À ce moment-là, Reich commença à aspirer à l'aide du téteur-d’éther. Sans autre changement des conditions météo, j'ai vérifié le photomètre au bout de dix minutes et j'ai trouvé une indication d'ouverture de l'ouverture de seulement 11 [plus de luminosité]. Un autre changement a été remarqué. Après le pompage, bien qu'il y ait eu plus de lumière, le soleil ne semblait pas si éblouissant ou si chaud : le DOR avait absorbé la lumière et produit à la fois l'éblouissement et la chaleur.

À une autre occasion, nous observions les manœuvres d'un jet militaire qui laissait une longue traînée ininterrompue de vapeur. En amont de sa route, nous avions repéré une zone de DOR. Au moment où le jet est entré dans le DOR, la traînée de vapeur se dissipa brusquement : le DOR avait absorbé l'humidité, de sorte que plus aucune traînée n’apparaissait.

Ma dernière observation concerne les vaisseaux spatiaux. Aucun n’a toujours pas été capturé et beaucoup de gens croient encore qu'ils n'existent pas. Je me contenterai d'enregistrer ici ce que nous avons été sept, en plus de Reich, à voir. Vers 21 h, un soir, Reich pointa [le téteur d’éther] vers une étoile très brillante dans le sud-ouest, à environ 40 degrés au-dessus de l'horizon. C'était inhabituel dans la mesure où elle était plus lumineuse que je n'avais jamais vu Vénus l’être. De plus, cette lumière alternait régulièrement en couleur dans une séquence passant du rouge, au bleu, vert, orange, jaune et au blanc, puis un retour au rouge. Nous l'avons observé pendant plusieurs minutes, puis nous l'avons observé à travers un télescope Newton de 3 pouces où elle semblait plus grande, mais tout simplement comme un corps de lumière. Alignée avec des objets stationnaires, nous avons constaté qu’elle se déplaçait lentement dans une direction nord-est et changeait sa graduellement position par rapport aux autres étoiles. Reich y apprit alors le téteur d’éther et après trois ou quatre minutes, la couleur rouge n’apparaissait plus. S'ensuivit la disparition successive des couleurs bleu, vert, orange et jaune. Il ne restait plus que le blanc qui s'assombrissait et s'estompait jusqu’à ce que nous ne puissions plus le voir. Voici mes observations; interprétez-les comme vous voulez.

En 1954, Reich avait résolu de nombreux problèmes de fonctionnement cosmique et approchait de la solution de la gravité négative. La gravité, a-t-il découvert, était due à la réaction de deux courants d'énergie ; en fait, une manifestation de la superposition.

Entre-temps, après s'être fait assurer par la cour fédérale que les injonctions ne s'appliquaient qu’à Reich, le Dr Michael Silvert a pris en charge l'Orgone Institute Press et la distribution des accumulateurs. CORE (Cosmic Orgone Engineering) a remplacé l'Orgone Energy Bulletin comme périodique officiel et a été publié en 1954 et 1955.

Reich retourna à Orgonon en mai 1955, et cet été-là, il tint sa dernière conférence, qui était basée sur l'utilisation médicale du DOR-buster [désagrégeur de DOR], une modification du téteur d'éther. Lors de ce séminaire, il a rencontré Aurora Karrer, technicienne médicale de Washington, D. C., qui est devenue sa troisième épouse et qui lui a apporté un réconfort et un soutien loyal au cours de ses dernières années. À l'automne, il déménage à Washington où il passe les deux hivers suivants. Il ne lui restait plus que peu de tranquillité pour profiter de la vie. La Food and Drug Administration était occupée à les accuser, Silvert et lui, de mépris envers l’injonction. Il était partout suivi, son téléphone était sur écoute et il reçut de nombreux appels excentriques. Il n' a pas été en mesure d'intéresser les scientifiques à ses méthodes de lutte contre le désert et à la météo, car ils se sont contentés d'anciens concepts tels que celui de l'ensemencement des nuages et de l'irrigation. Partout, il était frustré, piqué et accusé. Je me suis toujours étonné qu'il puisse encore se préoccuper sérieusement du bien-être de ses collègues qui restaient à ses côtés et de leurs familles.

Le 26 juillet 1955, des accusations officielles d'outrage à la cour ont été portées contre Reich et Silvert, suivies d'une procédure pénale. Tous deux, bien qu'ils aient consulté des avocats, ont décidé d'agir comme leurs propres défenseurs. Au tribunal, Reich a agi comme accusé, avocat de la défense, accusateur et professeur. En fait, Reich n'avait pas violé l'injonction, mais il croyait que son voyage en Arizona était une violation : son sentiment de responsabilité envers Silvert, dont il savait qu'il était réellement responsable des accusations d'outrage, l'avait amené à partager une part égale sa responsabilité et, enfin, à déclarer devant le tribunal qu'il violait l'injonction. Les deux ont été reconnus coupables, Reich recevant une peine de deux ans, Silbert un an et un jour. Une amende de 10 000 $ a été imposée à la Fondation Wilhelm Reich. Reich déclara ouvertement qu'il ne survivrait pas à sa peine. Il savait qu'il souffrait d'une grave maladie cardiaque, mais il ne l'avait dit à personne : sa structure ne pouvait pas survivre à l'emprisonnement d’abord dans le Connecticut et, ensuite au pénitencier de Lewisburg, en Pennsylvanie, où il a été transféré. Il est décédé le 3 novembre 1957, une semaine avant la date de sa libération conditionnelle. En prison, il avait résolu la formule finale de la gravité négative et avait écrit son dernier livre, qu'il appelait Creation. Le manuscrit disparut mystérieusement à la prison, et la formule mourut avec Reich. Il avait prévu de donner la formule à son fils la semaine suivante.

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Wilhelm Reich a été enterré à Orgonon le 6 novembre 1957, à la suite d'une simple cérémonie menée selon ses instructions écrites. J'ai donné la brève allocution suivante :
Chers amis, nous sommes ici pour dire au revoir à Wilhelm Reich. Prenons un moment pour apprécier le privilège, l'incroyable privilège de l'avoir connu. Une fois dans mille ans, non une fois dans deux mille ans, un tel homme vient sur cette terre pour changer le destin de la race humaine. Comme pour tous les grands hommes, le suivirent la déformation, le mensonge et la persécution. Il les rencontra tous, jusqu’à ce qu'une conspiration organisée l'envoie en prison et le tue. Nous avons été témoins de tout ça, « Le meurtre du Christ ». Quels mots pauvres puis-je dire qui pourraient, soit ajouter, soit clarifier ce qu'il a fait ? Son travail est terminé. Il a mérité sa paix et a laissé un vaste héritage pour les peuples de cette terre. Nous ne le pleurons pas, mais pour nous-mêmes, à notre grande perte. Assumons la responsabilité de son œuvre et suivons le chemin qu'il nous a tracé. Qu'il en soit ainsi.


Je voudrais maintenant commenter la controverse qui s'est développée sur le comportement de Reich dans la dernière période de sa vie. Depuis 1939, depuis les rumeurs selon lesquelles Reich était fou avaient pour la première fois commencé, elles se sont répétés de temps à autre principalement parce que c'était la plus facile de défense contre son travail. Son comportement au cours de ses dernières années, en particulier son attitude à l'égard des procédures judiciaires, a ravivé et renforcé ces rumeurs et leur a même donné un air de quelque justification. Le juge lui-même doutait et a ordonné un test de santé mentale. Le psychiatre de la prison l’a trouvé sain d'esprit. Puisque Reich était sain d'esprit, et de cela il n' y a aucun doute, pourquoi son comportement semblait-il si erratique ? Je crois que cela s'explique facilement. Il était fondamentalement enfantin et naïf, il manquait de cette sophistication de l'homme cuirassé ; et il était frustré. Il a donc réagi naturellement, selon un comportement non compris par les cuirasses de cette société. Se battant désespérément pour son travail, et plus encore pour l'humanité souffrante, il était frustré de toutes parts. Il ne pouvait percer nulle part, et pourtant il avait tant à donner au monde qu'il se retrouvait de plus en plus imprudent, d’une insouciance née du désespoir. Sa déclaration devant le tribunal selon laquelle il était coupable d'avoir violé l'injonction était un exemple de son insouciance. Le monde entier semblait contre lui – ce qui en fait était le cas – et le monde l'appelait paranoïaque par projection. Beaucoup d'aspects de cette période tardive ont été confus et ont causé beaucoup de controverse, même à quantité de collègues de Reich. La question qui a interpellé tout le monde, et Reich lui-même, était de savoir s'il avait mené l'affaire correctement et rationnellement. Cette question tournait principalement autour de cinq points :
1.    Reich aurait-il dû répondre à la plainte en comparaissant devant le tribunal et mener une bataille juridique pour empêcher une injonction plutôt inévitable par défaut ?
2.    Y avait-il vraiment une conspiration parfaitement organisée et consciente pour détruire l'orgonomie, menée à partir de Moscou ?
3.    Des administrations ou des particuliers de notre gouvernement, ou de la Force aérienne, avaient-ils conscience de l’importance du travail de Reich et l'ont-ils secrètement soutenu dans les coulisses ?
4.    Existe-t-il en fait une situation d'urgence nationale de nature à exiger le secret, ce que Reich a soutenu, et une nécessité de défier l'injonction ?
5.    Reich s'est-il consciemment ou inconsciemment martyrisé lui-même en s'identifiant avec le Christ ?

Il y avait ceux qui étaient plus sûrs des réponses aux quatre premières questions que Reich lui-même. À la première, ils auraient répondu par un « Non ! » décidé ; aux trois suivantes, avec un affirmatif aussi fort. Un autre groupe aurait sérieusement douté de la validité de ces réponses. Reich était alors principalement entouré du premier groupe. Les sentiments étaient vifs, et ceux qui osaient exprimer des doutes étaient accusés de déloyauté et même de complot contre Reich. À un moment ou à un autre, Reich s'en prit personnellement, à chacun de ses collègues, bien qu'il changea souvent d'avis par la suite. Seule la perspective de l'histoire peut révéler tous les faits, et la discussion de ces questions à ce moment-ci doit être entreprise avec la reconnaissance que les réponses finales ne peuvent être maintenant données. Mon but est simplement de jeter la lumière sur cette période incomprise de la vie Reich, de février 1954 à novembre 1957.

Tout d'abord, si nous avions vécu dans un monde parfaitement rationnel, tous ces événements tragiques ne se seraient pas produits. Il était vrai que la Fondation Wilhelm Reich et l'Orgone Institut louaient et vendaient l'accumulateur d'énergie orgone, un dispositif qui a une influence sur la santé, et que, légalement, il s’agit là d’une prérogative de la Food and Drug Administration (FDA). Nous reconnaissons qu'ils ont fait vérifier par des experts qui, selon eux, l'ont testé et qu'ils en ont probablement fait des constatations négatives. Ainsi, juridiquement, ils avaient le droit de porter plainte contre Reich et la Fondation Wilhelm Reich. Cette plainte, en effet, accusait Reich d’occasionner une fraude et le mettait au défi de se défendre de cette accusation devant les tribunaux. Jusqu’à la présentation de la plainte, toute l'enquête de la FDA avait été faite en secret, et nous ne le savons toujours pas comment. Nous savons que les laboratoires Jackson dans le Maine étaient un domaine d'essais, mais il y avait des rumeurs selon lesquelles il y en ait beaucoup d'autres. Aux Laboratoires Jackson, ils ont découvert que les souris cancéreuses mouraient plus tôt dans un accumulateur. L'accumulateur avait été placé près d'une machine à rayons X, une observation faite par un étudiant en orgonomie qui y travaillait à l'époque. L'expérience oranur de Reich avait démontré que la mort des souris était prévisible dans de telles circonstances. L’expérience de la FDA a donc confirmé le travail de Reich, même si elle a été officiellement rapportée comme montrant l'inutilité de l'accumulateur. Il ne fait aucun doute que tous ces tests ont été effectués de la même manière par des personnes qui ne connaissaient pas correctement le travail et les méthodes de Reich, puisqu'il n’y avait pas eu de contact entre les laboratoires d'essai et les médecins et les travailleurs de laboratoire familiers avec l'accumulateur. On peut évidemment assez facilement conclure que ces expériences ont été faites avec un parti pris en faveur de la fraude imputée à l'accumulateur d'énergie d’orgone, en vertu de la simple demande d’examen faite à la FDA.

Dans des circonstances plus rationnelles, la FDA et toute autre partie intéressée (toute la médecine aurait dû être intéressée quelque part) serait allé trouver Reich et lui aurait demandé de leur montrer son travail et quelle preuve il avait de l'existence de l'énergie orgone et de ses propriétés. Ils auraient travaillé avec lui ou sous sa direction jusqu’à ce qu'ils soient satisfaits. S'ils n'avaient pas été satisfaits, ils auraient pu demander à ce que l'accumulateur reste une expérience de laboratoire jusqu’à ce qu'il y ait suffisamment de preuves pour qu'ils l'acceptent. Reich aurait été tout à fait disposé à pleinement coopérer. Cependant, à partir de 1947, aucun effort sérieux n' a été fait pour obtenir des informations de Reich ou des médecins familiers avec l’usage de l’accumulateur. Même dans l'enquête de 1947, la FDA a refusé d'écouter les résultats cliniques et n'arrêtait pas de demander : « Et quelle autre littérature avez-vous ? » sous-entendant par leurs manières et leur questionnement explicite qu'un racket pornographique y était lié. La FDA avait apparemment accepté l'article malveillant de Mildred Edie Brady de 1947, mentionné précédemment, comme une estimation factuelle et officielle et n'était pas intéressée ou réticente à se comporter d’une autre manière. En fait, Brady était un rédacteur indépendant sans aucune formation scientifique et sans réelle connaissance du travail de Reich et de l'accumulateur. Elle compensait son ignorance par la déduction, la distorsion et les mensonges éhontés. Malheureusement, même l'estimable clinique Menninger a accepté sans question ni effort pour obtenir les faits, la version de Brady et a apposé son sceau officiel d'approbation sur son article calomnieux en le répliquant dans le bulletin officiel de la clinique. De plus, la FDA a refusé de communiquer ses conclusions et ce, malgré de nombreuses demandes en ce sens. Ce n'était pas une attitude scientifique. D'autant plus que toutes les conclusions de Reich ont été publiées et envoyées à des organismes et à des personnes qui auraient dû être intéressées, comme le service de santé publique des États-Unis. On ne peut que conclure que l'enquête de la FDA n'était pas un effort scientifique de bonne foi pour arriver à des faits, mais plutôt une conception biaisée pour discréditer et détruire le travail de Reich sur l'énergie d’orgone. Fait significatif, l'injonction interdisait l'utilisation de l'accumulateur sur les animaux et les humains. Si l'accumulateur était complètement inutile, comme le prétend la FDA, pourquoi l'interdiction de l'utilisation expérimentale sur les animaux ? Quelqu'un aurait-il pu découvrir que ça marchait ?

Maintenant, se posent les problèmes de savoir comment faire face à une telle attaque et ce qui se cachait derrière. Cela nous amène à la question de savoir si Reich aurait dû contester la plainte devant les tribunaux. Reich, lui-même, hésitait sur cette question. Les arguments en faveur de la comparution devant le tribunal étaient les suivants :
1.    La charge de la preuve reposait sur la FDA.
2.    Reich pourrait insister pour montrer ses expériences au jury.
3.    Il y avait un grand nombre de témoins qualifiés pour témoigner de la validité de l'accumulateur d'énergie orgone.

Les arguments contre la comparution devant le tribunal étaient les suivants :
1.    Cela signifierait céder des pouvoirs à un tribunal pour trancher les questions de recherche fondamentale.
2.    Il y avait de bonnes raisons pour lesquelles Reich hésitait naturellement à s'impliquer dans les aspects juridiques.
3.    L'étendue de la conspiration à son encontre était incertaine.

Tous les avocats consultés, sauf un, Me Charles Haydon, ont considéré que c'était une grave erreur de ne pas comparaître. M. Haydon a indiqué qu'il pouvait comprendre l'hésitation de Reich à comparaître et qu'il estimait rationnel de ne pas comparaître. Reich s'est attaché à l’avis de cet avocat.

Lorsque Reich reçut pour la première fois l'avis de la plainte de la FDA, il n'était pas du tout préparé et n’a pu agir pendant trois jours, si inattendu était cette action. Cependant, en 1952, nous avions entendu de nombreux rapports (dont le Reich avait été informé) selon lesquels des officiers de l'APA, y compris le président Cameron, avaient déclaré que le Reich faisait l'objet d'une enquête et qu'il serait exposé comme un « charlatan ». C'est également à ce moment que l'activité de la FDA a repris avec l'interrogatoire des patients. La FDA a même fait une visite inopinée à Orgonon, mais ils ont été renvoyés lorsqu'ils ont admis ne rien savoir de l'accumulateur. Reich a refusé de laisser des personnes non qualifiées juger de l’accumulateur. À ce moment-là, j'ai discuté de la situation avec un avocat, suggérant que Reich serait attaqué de nouveau en ce qui concerne l'accumulateur. J'ai appris à l'avocat que les accumulateurs avaient été délivrés par la Fondation Wilhelm Reich uniquement sur ordonnance d'un médecin et que j'avais la responsabilité de veiller à ce que cela soit fait dans tous les cas. L'avocat a avisé la FDA de cette procédure et a estimé qu'elle serait satisfaisante pour elle. Je n'en avais pas encore discuté avec le Reich, mais l'avocat a immédiatement écrit à la FDA pour organiser les négociations. Il envoya une copie de cette lettre à Reich qui n'était pas particulièrement satisfait de ce qu'il considérait comme une ingérence dans ce qu'il estimait être strictement son affaire. Il a estimé que sa conduite au cours de l'enquête de 1947 avait mis un terme durable et avec succès, aux difficultés avec la FDA. J'ai donc annulé toutes les négociations ultérieures, et rien de plus n’a été entrepris.

Néanmoins, je continuais à m'inquiéter, car l'accumulateur était le seul point technique sur lequel le Reich pouvait être attaqué. Lui-même avait toujours averti que toute personne effectuant des recherches fondamentales devait se protéger contre les attaques fondées sur des considérations juridiques, et il semblait qu'il ne commettait pas lui-même cette erreur. Il avait également déclaré que, souvent, dans les combats contre un ennemi, il fallait utiliser la même méthode que l'ennemi, bien qu'il avait alors une action contaminante. Ici, l'ennemi utilisait le secret et la loi. Reich ne pouvait tolérer le secret ; la loi n'avait pas à trancher des questions scientifiques, seule la science pouvait le faire.

Après avoir reçu la plainte, Reich m' a informé qu'il n'allait pas contester l'action et que si le monde ne voulait pas de son travail, il pouvait faire ce qu'il voulait. Il estimait que sa responsabilité était celle d'un scientifique qui faisait des découvertes, mais n'avait pas à les défendre devant les tribunaux. Cependant, si les médecins souhaitaient prendre des mesures, a-t-il dit, ils pourraient le faire. Nous avons donc obtenu un avocat et nous nous sommes préparés à entrer dans l'affaire en tant qu’amicus curiea. Au cours des préparatifs de cette action, j'ai reçu un autre appel de Reich qui m' a dit qu'il avait décidé de prendre en charge lui-même la défense et que les accumulateurs étaient, après tout, sous sa responsabilité. Il a exigé que nous abandonnions notre action, ce que nous avons fait.

S’attendant sérieusement à ce que le juge rejette l’affaire, c’est peu de temps après que Reich envoya sa réponse au juge Clifford et décida de se reposer sur ses arguments. Le juge avait le pouvoir de le faire mais, sans doute sous la pression de la FDA, cette réponse a été ignorée, et Reich a reçu un autre avis signifiant la poursuite de l'action par le tribunal. À ce moment-là, le Dr Chester Raphael et moi-même, accompagnés d'un avocat, nous sommes allés à Orgonon pour reprendre nos discussions avec Reich au sujet des médecins qui entraient dans l'affaire. Reich était catégorique dans son attitude : selon lui, les accumulateurs étaient de sa responsabilité et nous ne devions pas interférer. Il s'est toutefois intéressé à la possibilité qu'il comparaisse lui-même devant le tribunal et a discuté de la procédure avec l'avocat. La discussion se déroulait sans heurts jusqu’à ce que le Dr Silvert, qui était présent et s'opposait à la comparution de Reich devant le tribunal, demandai par défi : « Et qu'advient-il de la vérité dans tout ça ? » L'avocat a répondu : « Elle émane de l'embarras que chacun des deux parties inflige à l’autre ». Ignorant la réponse de l'avocat, Reich s'est mis en colère, a arrêté la discussion, arpenta la pièce et nous a accusé d'essayer de l’embrouiller dans une action en justice. Sa comparution devant le tribunal n'était plus envisageable et nous avons attendu l'inévitable injonction. Reich restait confiant dans le fait que l'affaire serait rejetée et ne pouvait plus la comprendre une fois l'injonction prononcée. Il avait cru que sa réponse serait comprise et acceptée et que des lois seraient adoptées pour protéger la science et la vérité contre les pestiférés qui essayaient toujours de les détruire. D'autre part, en contradiction avec sa foi déclarée dans la justice américaine, un juge fédéral, et la compréhension de l'homme du peuple (ses jurés), il avait également exprimé l'opinion qu'il ne pourrait jamais gagner en cour dans ce qu'il considérait comme une affaire « emberlificotée ». Il voulait souligner par là les témoins impressionnants, quoique non qualifiés, que la FDA allait rassembler pour témoigner contre l'accumulateur et influencer le jury.

Après l'injonction, Reich changea de nouveau d'avis et décida que les accumulateurs étaient en fait la responsabilité des médecins puisqu'ils les utilisaient, et non pas lui. Nous avons demandé à entrer dans l'affaire en tant que parties concernées, mais il était trop tard. Notre plaidoyer a été rejeté au motif que l'injonction était in personam, n'affectant que Reich et non les médecins. Bien sûr, que l'injonction s'applique ou non aux médecins, il y a eu un stigmate évident qui nous touchait. Cependant, pendant que notre affaire était entendue devant le tribunal de district et en appel, toutes les démarches pour exécuter l'injonction ont été interrompues. Au cours de cette période, Reich a informé le tribunal qu'il interprétait comme un consentement et, avec le temps, il a acquis un faux sentiment de sécurité, croyant même que l'affaire avait été gagnée. Quand on lui a rappelé qu'il n'était que temporairement protégé par notre action, il n' a pas pu le croire. Pourtant, il dut avoir eu une certaine prise de conscience de la véracité de notre mise en garde, puisque, lorsque certains d'entre nous ont suggéré de ne pas aller à la cour suprême, ce qui était considéré comme un geste inutile, et d'économiser l'argent pour la recherche à la place, il nous a accusé de vouloir l'exposer à une attaque.

Reich a insisté pour que notre avocat dénonce le complot derrière l'affaire. Ici, les frontières devenaient floues. Y a-t-il vraiment eu un complot et, dans l'affirmative, qui en était l’instigateur ? Nous savions que l'American Psychiatric Association soutenait activement la FDA. La FDA a par la suite reconnu ce soutien. L'Association Neuro-Psychiatrique du New Jersey s'était agitée pendant plusieurs années pour que Reich cesse ses activités, et c'est en grande partie grâce aux efforts de certains de ses membres que l'APA est devenue active. L'AMA a également apporté un soutien au moins tacite. Notre premier avocat avait soulevé des preuves selon lesquelles l'industrie pharmaceutique était impliquée, craignant que l'accumulateur puisse remplacer de nombreux médicaments. (Par la suite, il y a eu des scandales impliquant des hauts fonctionnaires de la FDA qui étaient étroitement liés à l'industrie pharmaceutique.) L'histoire regorge d'exemples de ces persécutions par des particuliers pour leurs propres intérêts, de pionniers et de grands découvreurs.

Moscou et le communisme étaient-ils les véritables agitateurs derrière tout cela, utilisant la FDA et les sociétés médicales comme outils ; ou était-ce simplement la conspiration inconsciente du fléau émotionnel de l'homme en général ? Reich n’en a jamais été tout à fait certain, mais il a cru à la première hypothèse. Il croyait que les communistes voulaient voler ses découvertes, tout en le discréditant et en le détruisant dans ce pays. Les communistes ne travaillent jamais ouvertement, et l'affaire contenait de nombreuses caractéristiques typiques de la procédure communiste. Reich penche également en faveur de ce point de vue à cause de sa foi pour les Américains et leur sens du fair-play, et il croyait que les Américains ne procèderaient pas d'une manière semblable, sauf inconsciemment, par l'influence de Moscou, c'est-à-dire, la réaction en chaîne résultant du déclenchement par les communistes qui sont connus pour être adroit dans de telles pratiques.

L'attaque de 1947 a été initiée par Mildred Brady, que le Reich avait trouvé comme sympathisant de l’Union-Soviétique. Fait significatif, au cours de la période de l'essai, la FDA elle-même a fait l'objet d'une enquête et un certain nombre de ses employés ont été limogés en tant que communistes. Il y a une hostilité entre l’orgonomie et le communisme. Pendant longtemps, Reich avait été assez véhément en exposant et dénonçant efficacement les mécanismes du fascisme rouge. L'ambassade soviétique avait commandé tous les livres de Reich, et le Dr Walter Hoppe de Tel-Aviv a rapporté qu'il traitait un Russe qui avait déclaré la présence des accumulateurs dans certains hôpitaux russes. En outre, si nous lisons le Manuel communiste d'instructions pour la guerre psychopolitique, utilisé pour former les agents rouges à l'étranger, nous trouvons un remarquable parallèle à leurs techniques dans le cas de Reich comme suit :
- C’est un principe de psychopolitique bien établi que la personne à détruire doit être impliquée en première ou seconde main dans l’opprobre de la folie (...) Utilisez les tribunaux, les juges, la constitution du pays, les sociétés médicales et ses lois pour poursuivre vos fins.
- L’une des premières missions du psychopoliticien est de faire admettre que de s’attaquer au communisme est synonyme de folie. Il devrait devenir la définition de la folie, de la variété paranoïaque, « qu’un paranoïaque croit qu'il est attaqué par les communistes ».
- Que le psychopoliticien se trouve attaqué en tant qu'individu ou membre d'un groupe, la meilleure défense est de remettre en question la santé mentale de l'agresseur.
- Les psychopoliticiens devraient éviter les meurtres et la violence à moins qu'ils ne soient commis dans le cadre de la sécurité de l'institution. (Reich est-il vraiment mort de sa maladie cardiaque une semaine avant d'être libéré ?)
- Si un on-dit ou une brochure contre des activités psychopolitiques devaient être publiés, il faudra en rire, les faire passer pour un canular, et son auteur ou éditeur devra, à la première occasion, être considéré comme fou. Chaque chaire de psychologie aux États-Unis est occupée par des personnes qui sont à notre contact ou qui peuvent être influencées par des personnes à notre contact. (...)

Maintenant, évaluons ce qui se passait à l'extérieur des tribunaux pendant ces années 1954-1957. Des ordures ont été répandues à plusieurs reprises sur la pelouse de Reich ; l'air a été relâché de ses pneus ; il a reçu des appels téléphoniques répétés de personnes anonymes faisant des remarques au sujet de l'accumulateur et ensuite raccrochaient ; il a trouvé des microphones secrets dans son poste de radio, et son mécanicien de garage a découvert un petit poste émetteur sous le tableau de bord de sa voiture ; les portes de sa voiture ont été rendues impossible à ouvrir, les serrures ayant été faussées ; les voitures ont vrombi à plusieurs reprises devant chez lui. Reich remarqua que s'il révélait tout ce qui lui était arrivé, les gens le croiraient fou. C'était le but, le harceler et l'user ? Tous les incidents connexes ont été vérifiés par des personnes autres que Reich. En 1947, lorsque Reich avait dit que les communistes étaient derrière l'attaque contre lui, personne ne le croyait jusqu’à ce qu'il découvre les liens de Brady. Par conséquent, les poursuites engagées par la FDA en 1954 étaient-elles simplement une procédure de routine contre un dispositif médical non accepté, ou s'agissait-il d'une conspiration entre les mains des communistes ?

Venons-en maintenant à la question de savoir s'il y avait effectivement des personnes au sein du gouvernement américain ou de l'armée de l'air qui soutenaient secrètement Reich. Encore une fois, je ne sais pas. Reich était certain qu'il y en avait et il a contacté des représentants éminents des deux administrations, et il a toujours indiqué qu'il avait des connaissances qu'il n'était pas libre de divulguer. Il m' a montré plusieurs lettres qu'il avait reçues. Je me souviens, en particulier, des lettres de quatre gouverneurs d'État qu'il avait contactés au sujet du contrôle météorologique. Il était très enthousiaste à leur sujet et convaincu que les gouverneurs étaient sérieusement intéressés par son travail. Il prenait les lettres à leur valeur nominale, comme il avait l'habitude de le faire en acceptant ce que les gens lui disaient, surtout si cela lui plaisait. À cet égard, il semblait très naïf, bien qu'il ait souvent demandé « Tu le penses vraiment ? » Les lettres étaient typiques de celles des politiciens. J'avais écrit des centaines de lettres semblables quand j'étais dans la fonction publique. On a toujours exprimé de l'intérêt ou de l'appréciation pour tout, que ce soit des suggestions, des critiques ou quoi que ce soit d'autre, en prenant soin de ne pas s'engager à une déclaration précise. Ces lettres n'avaient aucune signification pour moi. Plusieurs années plus tôt, Reich avait fait un point d’honneur d'insister sur le fait que l’Académie de médecine de New York était familière avec son travail et le tenait en haute estime. Il m’a mis au défi, moi et d'autres médecins, d'aller à l’Académie et de vérifier. Nous l'avons fait, et nous avons découvert qu'ils le considéraient comme un cinglé. Cela lui a fait beaucoup de mal quand il a fallu le lui dire, alors nous avons évité de lui faire plus de mal qu'il n'en fallait par la suite. Je crois que c'était une erreur, car cela a contribué à son faux sentiment d'acceptation. Malgré tout ce qu'il a dit sur le fait de ne pas se soucier de savoir s'il était accepté ou non, il avait un désir naturel d’acceptation. On sait que certaines unités de l'armée de l'air connaissaient bien Reich et son travail, et il y a de nombreuses preuves qu'elles suivaient ses activités de très près. Cependant, on ne sait pas jusqu’à quel point cet intérêt a grandi. Personnellement, j'ai de sérieux doutes quant au fait que quiconque, au sein de notre gouvernement, ou même de l'armée de l'air, s'intéressait sérieusement au travail de Reich. Je suis également convaincu que le programme Atomes pour la paix du président n'avait aucun lien avec les Atomes pour la paix de Reich, comme il le croyait, bien qu'il existe d'importantes similitudes. Reich avait fait connaître ses plans au résident et croyait que le plan ultérieur de ce dernier en était le résultat.

La conviction de Reich dans l'appui du gouvernement a eu une incidence directe sur son comportement à l'égard de l'injonction. Jusqu’à la toute fin, il s'attendait à recevoir un mot ou un acte de soutien, et ce n'est que dans son mémoire adressé à la Cour suprême qu'il a finalement désespéré de le recevoir. Cette croyance était fondée sur son opinion concernant l'urgence nationale : que lui seul avait trouvé un moyen possible de lutter avec succès contre une urgence nationale causée par deux sources de danger, la conspiration communiste et les conditions désertiques qui s'aggravaient rapidement dans le monde. Il a considéré la controverse brûlante sur les retombées radioactives, la diminution marquée des ions négatifs dans l'atmosphère résultant de la sécheresse, l'augmentation du smog, l'augmentation générale de la prévalence de la fatigue et des infections virales, et l'augmentation rapide de la leucémie comme preuve de l'urgence des conditions désertiques.

Reich pensait que, plus encore que les essais atomiques, ces conditions étaient produites par des hommes de l’espace qui introduisaient du DOR dans notre atmosphère, et il donna au monde environ un quart de siècle pour survivre à moins que les téteurs d’éther ne tombent dans l'utilisation générale. Aujourd'hui, dix ans après la mort de Reich, le monde est toujours vivant, et surtout ignorant de cette urgence ; mais je crois que la situation atmosphérique est de plus en plus grave. Cependant, elle ne ressemble pas tout à fait à l’urgence que ressentait Reich, une urgence qui exigeait qu'il s'expose et se sacrifie. Le monde est cependant dans une situation bien pire à cause de sa mort, le manque d'aide et de génie. Il est possible que Reich ait anticipé une plus grande urgence qu'il n’’y ait eu à cause de la position dans laquelle il se trouvait à l'époque, et que cela lui ait donné plus de raison et de soutien pour sa lutte. Certains de ses collègues l'ont encouragé dans cette position ; d'autres, qui ont exprimé des doutes, ont été regardés avec méfiance.

Tous ces facteurs ont contribué à mettre Reich dans l’enchevêtrement d’une situation de laquelle il ne pouvait pas se soustraire. Il n'avait aucun désir de devenir martyr ; en fait, il attendait avec impatience et confiance une longue vie et se vantait souvent qu'il allait vivre quatre-vingt-dix ans. Il soutenait aussi qu'il ne succombait pas au martyre, comme la plupart des grands hommes du passé, parce qu'il comprenait le fléau émotionnel et la façon de le gérer. Il est vrai qu'il a comparé sa vie à celle de Jésus, puisque tous deux essayaient d'introduire l'amour au lieu de la haine dans le monde, mais il n' y avait pas d'identification réelle. Ceux qui insistent sur le fait que Reich s'est identifié au Christ à cause de son livre Le Meurtre du Christ considéré comme autobiographique, ne comprennent pas sa signification.

En fait, il semblait que Reich était poussé autant par ses partisans que par ses ennemis, à la destruction. Cependant, il est possible qu'il aurait pu suivre le même chemin, même s'il n'avait pas été encouragé dans l'action qu'il a entreprise. Sa conception de l'affaire était tout à fait différente de celle du tribunal qui ne s'intéressait qu’à la distribution de l'accumulateur comme dispositif inacceptable. Reich y a vu une signification beaucoup plus profonde, une conspiration pour tuer la découverte de l'énergie d’orgone et détruire toute sa vie de travail. Il luttait contre le fléau émotionnel et croyait que la survie de ce pays et de toute l'humanité pourrait bien dépendre de l'issue de son affaire. C’est une question plus vaste  dont il s'attendait que voit la cour, et ses nombreux partisans l'ont appuyé. Son attitude était correcte. Ce qui a été contesté par d'autres, c'est cette possibilité que le tribunal comprenne un jour son point de vue ou qu’elle lui accorde foi. Reich ne pouvait pas être convaincu de la futilité d'attendre du tribunal qu'il accepte son point de vue sur l'affaire. En outre, personne n’a eu le sentiment qu’elle avait le droit de croire que son jugement était meilleur que celui de Reich quant à la voie à suivre. On peut voir la rationalité de s'en remettre à son jugement lorsqu'on lit son mémoire à la Cour d'appel. Il montre ici une pensée exceptionnellement claire et donne des arguments remarquables. Cependant, le tribunal, dans son intérêt restreint, n’a pas été impressionné : les arguments de Reich, bien que rationnels, se sont révélés vains. Vers la fin, Reich changea d'attitude en reconnaissant que Silvert l'avait empêtré. Ses sentiments de loyauté envers ce qu'il considérait comme des intentions utiles de Silvert l'ont empêché de présenter toute la situation devant le tribunal ; ce qui, bien sûr, n'aurait peut-être pas fait de différence. Je suis certain que le juge n'aurait pas cru que Silvert aurait pu travailler sans la direction de Reich. Reich accepta donc sa sentence et refusa d'obtenir une suspension pour cause de maladie cardiaque. C’est ainsi qu’en prison, arriva la fin de la vie de l'un des plus grands hommes de tous les temps.

L'attitude de Reich, en fait toute sa vie, était peu conventionnelle et aussi difficile à comprendre que ses découvertes. Beaucoup de légendes, probablement même des religions, se développeront autour de lui. Déjà, certains le considèrent comme un surhomme qui ne pouvait pas errer, ou un homme de l'espace venu sur terre ; d'autres ont rationalisé et écrit des articles tentant de le prouver fou, charlatan, ou fraudeur. Fait significatif, ceux qui tentent de le discréditer sont des personnes qui l'ont vu une fois, ou pas du tout, et qui ne savent rien de son travail sinon qu’à partir d'une connaissance factuelle, ou qui projettent sur lui leur propre irrationalisme. Il s'agit de gens comme Edie Bradys et Henry H. Works, dont certains prétendent même être des « disciples » ou des « partisans ». L'histoire ne se souviendra d'eux que pour leurs attaques contre le Reich, comme Mocenigo est rappelé pour le meurtre de Giordano Bruno.

Peut-être les plus à craindre sont ces zélotes qui, structurellement incapables de comprendre Reich, feront de lui un sauveur et feront de l'orgonomie un dogme, comme inquisiteurs. Ils ne permettront ni un questionnement naturel, ni une argumentation rationnelle. Ils vont mystifier le sexe, chercher le pouvoir et la défense contre leur terreur de vivre, parvenant ainsi à détruire l'œuvre de Reich en vertu de leur soutien. Ce sont les personnages omniprésents de la peste émotionnelle, toujours prêts à offrir leurs services et à prendre des positions d'autorité pour tuer. Ils sont rarement reconnus avant qu'il ne soit trop tard.

Reich n'était ni un mystérieux surhomme, ni un homme de l'espace, ni un fou, ni un imposteur. Il était très humain, naturel, ouvert et, avant tout, un grand et véritable scientifique. Toutes ses constatations et ses intentions ont été honnêtement signalées aux organismes gouvernementaux compétents, et il était prêt en tout temps à collaborer avec ces organismes s'ils étaient sérieux et honnêtes. Il n'avait aucune patience avec les fouineurs et les chercheurs de curiosités, qu'il renvoyait plutôt avec force, mais il était infiniment patient avec ceux qu'il estimait sincèrement intéressés par son travail.

J'ai rencontré Wilhelm Reich pour la première fois le 6 janvier 1946, et je l'ai revu pour la dernière fois le 27 janvier 1957. Au cours de ces années, j'ai appris à très bien le connaître. C'était un véritable enfant de la nature, jamais tout à fait pris dans notre civilisation patriarcale. Il pouvait être aussi doux et chaleureux qu'une brise estivale ou aussi violent et furieux qu'un orage ; il était aussi confiant qu'un enfant, et pourtant il pouvait percer l'intrigue la plus subtile. Son analyse du caractère est un classique de la compréhension de la structure humaine, mais il était facilement trompé par les gens. Parfois, il semblait qu'il était incapable de saisir l'explication la plus simple, mais il pouvait faire comprendre les problèmes les plus difficiles à n'importe qui. Il changeait souvent d'avis, mais il n' a jamais fait abstraction de son intégrité scientifique. Son humour était parfois délicieux, mais parfois il en semblait dépourvu. Bien qu'impatient, il attendait deux ans après son écriture avant de publier un livre. Il était radical, dans le vrai sens du terme, mais il a voté avec les conservateurs, croyant qu'ils s'intéressaient le plus à la liberté humaine. Il aimait les activités sociales, mais passait une grande partie de sa vie seul. C'était un homme qui aimait les nouveaux-nés et les enfants, et il a laissé sa succession pour leur bien-être. Je ne l'ai jamais vu sans apprendre quelque chose. Il avait la qualité de ranimer les gens et de stimuler leur intérêt pour des horizons et des perspectives plus larges, au-delà de leurs propres vies plus étroites. Pour citer « Hamlet » de Shakespeare :
C’était un homme auquel, tout bien considéré, je ne retrouverai pas de pareil.
(traduction Victor Hugo, act 1 sc. 2)