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La naissance est un processus sexuel

Matthew Appleton

Traduction © Christian Isidore ANGELLIAUME le 27 avril 2005

titre original "Childbirth As a Sexual Process"

paru dans "Pulse of Planet #5 spring 2002 : Heretic's Notebook" édité par James DeMeo http://www.orgonelab.org

(pour certains termes, on peut aller voir le glossaire de acorgone)



Introduction

Le processus de la naissance est souvent décrit en des termes mécaniques, anatomiques et physiologiques, ou comme un processus dans lequel la mère et l’enfant sont, autant l’un que l’autre, des participants passifs. Je veux toutefois, dans ce survol du processus de la naissance, atténuer les lumières de la salle de délivrance et envoyer les obstétriciens, avec leurs drogues et leurs instruments rutilants, en vacances de sorte que nous puissions voir ce processus sous un aspect plus humain et plus intime. Je veux en particulier porter l’attention sur l’élément sexuel de la naissance et sur les dispositions dans lesquelles les attitudes sociales envers la sexualité affectent le processus de la naissance. Des références que j’utilise, beaucoup sont extraites des ouvrages médicaux des orgonologues, ces médecins qui ont reçu une formation de thérapie par l’orgone développée par le psychiatre et scientifique de la nature autrichien Wilhelm Reich. C’est pourquoi apparaîtront ici et là beaucoup de mots dérivés du terme orgone. Il s’agit du nom que Reich a donné à l’énergie de la vie qui est spécifique et qu’il a découverte, mais que l’on peut considérer être synonyme d’autres concepts de l’énergie vitale existant dans d’autres cultures, tels que chi, ki ou prana.

Le mot cuirassement fut utilisé par Reich pour décrire les moyens par lesquels le corps se contracte et se raidit contre les sensations énergétiques, du fait de prohibitions externes ou de traumatismes, qui transmuent ces sensations de source de plaisir en source d’angoisse. En raison de ses effets sur l’organisme, en agissant comme un tout, la cuirasse musculaire limite et déforme tout autant la capacité d’une pensée rationnelle que d’une expression émotionnelle. Nous sommes tous un tant soit peu cuirassés.

Les sensations sexuelles lors de l'accouchement

Beaucoup de femmes décrivent leur expérience d’accouchement comme étant atroce, rongée d’angoisse et traumatisante. D’autres femmes parlent de sensations sexuelles très fortes. Shelia Kitzinger, mère de cinq enfants et auteur de plusieurs livres se rapportant à la grossesse et à la naissance, écrit :

« A l’accouchement se mêlent des vagues d’énergie qui sont complètement différentes de celles que la plupart des femmes ont apprises lors de leur classes d’éducation à l’enfance. Une sexualité féminine se centre autour de vagues de désir ascendant, chacune culminant dans sa réalisation. Cette sorte de rythme sexuel est ce qu’on expérimente lors de l’accouchement. Il implique le corps entier et non pas les seules parties génitales. »

L’orgonologue Michael Silvert décrit le processus de la naissance de cette façon :

« La mère capable de se donner à l’accouchement se sert délicatement du support sterno-claviculaire de sa poitrine, le coude fléchi et relâché. Sa tête va en arrière et sa poitrine s’abaisse doucement lorsqu’elle respire, son pelvis s’avance en un mouvement de reddition sexuelle, les genoux se plient et un doux spectacle se montre de sa bouche partiellement ouverte. Sa couleur est rose, ses yeux sont brillants et ses pensées sont également expressives : “Pourquoi cela n’est-il que sexuel ? J’en éprouve réellement tant  de plaisir. Pourquoi les gens n’en connaissent-ils rien, c’est merveilleux. Je suis si heureuse.” »

Il y a eu beaucoup de tentatives pour faire de l’accouchement un moment plus détendu, plus porteur de plaisir, en particulier dans les mouvements pour une naissance naturelle et pour les accouchements à domicile. Un chercheur, pionnier en matière de naissance, Michel Odent, souligne l’importance de l’intimité, alors que les dispositions de la médecine classique sont portées sur les projecteurs, une surveillance continue et des constantes interférences des obstétriciens, infirmières, sages-femmes et même d'un partenaire de naissance. Shelia Kintzinger énonce ainsi le thème de l’intimité :

« Dans une atmosphère intime, la physiologie de la naissance peut être très proche de l’acte d’amour. L’utérus gonflé forçant contre la paroi abdominale, la respiration haletante de la femme, sa peau moite, ses cheveux humides et ses yeux brillants, l’inextinguible besoin de pousser, l’énergie se déversant par flot à travers elle, ses grognements et gémissements alors qu’elle presse vers le bas le bébé, le périnée protubérant, l’apex de la tête du bébé semblable à une noix froissée dans le vagin, tandis que tout n’est que suintement -- tous ces éléments présents dans l’accouchement sont sexuels quand ils ne sont pas pris sur le mode médical dans le contexte des dispositions hospitalières. »

Elle suggère aussi une stimulation sexuelle ou un rapport sexuel pour encourager les contractions si la délivrance est retardée. Une stimulation sexuelle amène à une décharge d’ocytocine dans le flux sanguin, tandis que le sperme est riche en prostaglandine, ces deux éléments étant procurés thérapeutiquement sous une forme synthétique pour initier le travail. Michel Odent a écrit à propos de l’ocytocine :

« Il n’y a pas longtemps, l’ocytocine était considérée comme une hormone féminine dont l’unique rôle est de stimuler les contractions de l’utérus durant le travail et la délivrance, et les contactions des seins au cours de la lactation. Maintenant elle est vue comme une hormone mâle et femelle impliquée dans tous les différents aspects de la vie sexuelle. Son rôle dans l’excitation sexuelle et l’orgasme ne sont [seulement] apparus que tout dernièrement. »

Du fait que la naissance est si profondément confondu avec la sexualité, il n’est pas étonnant que tant notent qu’un environnement détendu et intimiste est une alternative préférable aux dispositions médicales classiques. Après tout, combien d’entre nous seraient capables d’être détendus au cours d’une expérience sexuelle intime tandis que des gens vont et viennent, vous conseillant vivement de presser et de ralentir votre rythme, et essayant sur vous des ustensiles médicaux divers. Par ailleurs, une naissance, qu’elle soit naturelle ou à domicile, ne garantit en rien un accouchement exempt de douleur ou d’angoisse, et il y a assurément beaucoup de femmes qui ont senti qu’elles avaient perdu quelque chose quand leur accouchement « naturel » ne s’était pas passé comme les livres les conduisaient à l’espérer. Sur ce point, nous parlerons plus loin de l’environnement immédiat de la naissance où il faut prendre en compte ce dernier dans sa globalité physique, émotionnelle, psychologique et culturelle, dans laquelle la sexualité, et conséquemment le processus de la naissance, est façonnée.

Le rayonnement de l’amour

Le psychothérapeute David Boadella, grandement influencé par des découvertes de Wilhelm Reich, écrit :

« Pour former le corps d’une nouvelle personne, les cellules germinatives, qui sont intégrées dans les tissus des parents, ont d’abord dû être libérées et s’admettre pour devenir un libre flottement. Il s’agit d’événements explosifs et périodiques. Une ovulation, filmée en utilisant les techniques de la fibre optique, est un processus à couper le souffle, spectaculaire ; la vision du follicule mûr sur le point d’éclater pour expulser le futur ovule provoque à la fois un hoquet de stupéfaction et de crainte, et de respect à ceux qui le regardent. L’orgasme lui-même, au cours duquel les spermatozoïdes sont jetés par les pulsations de l’éjaculation sur plusieurs milliers de fois leur propre longueur pour commencer leur journée, est capable d’un déploiement, telle une lame de fond d’excitation, à travers l’ensemble des tissus du corps. »

C’est ainsi que commence le processus de la naissance, par le mélange du masculin et du féminin, la convulsion sexuelle à partir de laquelle une nouvelle vie débute en forme et en croissance.

« L’étreinte sexuelle, écrit Wilhelm Reich, réduite à une abstraction et à sa forme princeps, représente la fusion bio-énergétique de la superposition de deux systèmes orgonaux. »

Á partir de là, si conception il y a, le corps de la mère commence à changer physiquement, chimiquement et hormonalement, donnant naissance à de nouvelle pensées, sensations et émotions. De la fusion énergétique de la rencontre sexuelle, un troisième système énergétique est créé, agissant de concert et modifiant l’état énergétique de la mère dans laquelle il se développe.

« Le fœtus agit comme un fourneau :  il est un autre système énergétique présent dans la mère et il énergétise la globalité de l’être maternel. »

Cet accroissement de l’excitation orgonale est particulièrement perceptible dans ce « rayonnement » dont tant de gens s’aperçoivent en regardant les femmes enceintes. Il est visible aussi sur le visage lumineux des amoureux. Dans les deux cas, cette lumière advient comme le produit de deux systèmes orgonaux s’excitant mutuellement l’un l’autre. Ceci n’est rien d’autre que sexuel.

L’expansion énergétique et le gonflement des tissus, tandis que le corps entame le façonnement de sa transformation, comportent certaines similitudes avec celui qui apparaît lors de la puberté où le corps devient hautement chargé du point de vue de la sexualité. Jasmine Lamb, ancienne interne de l’école de A.S. Neill, à Summerhill, décrit son expérience de la puberté en ces mots :

« Cela commença par un engourdissement ressenti à l’estomac lorsque je voyais des baisers ou des scènes d’amour au cinéma, qui tourna, alors que je grandissais, en une palpitation, non plus seulement dans mon estomac, mais en une pulsation qui me prenait le corps tout entier. Ou alors cela se faisait ressentir comme un océan qui me submergeait, comme des vagues s’écrasant contre chacune de mes cellules et de mes veines. Je ressentais un feu et une solitude nouvelles que je n’avais jusqu’alors jamais éprouvés. J’avais déjà passé de bien nombreuses nuits allongée sur mon lit, étonnée de la signification de telles sensations et de ce que pouvait m’apprendre cette solitude. Au fur et à mesure que je grandissais dans ce nouveau corps et ressentais mes émotions différentes, je commençais à m’assouplir avec ces sensations. Je savais, bien sûr, qu’elles étaient reliées au sexe et j’avais une idée qu’elles étaient ce que certains nomment sexualité, mais je ne saisissais pas la signification de ces désirs et de ce feu.  »

Cette vivacité émotionnelle, accompagnée d’intenses sensations corporelles, n’est d’ailleurs pas sans commune ressemblance avec les sensations que beaucoup de femmes enceintes ressentent. L’extrême désir arrive souvent tôt, quand la grossesse et le bébé prennent la place des « baisers » et des « scènes d’amour ». Il s’agit là de désirs puissants et plusieurs femmes décrivent une urgence et un sentiment d’inachèvement sexuel, alors qu’elles atteignent la trentaine sans avoir donné naissance [note : dans une société rigidement cuirassée, c’est à dire sexuellement répressive, dotée de sa famille compulsive, de ses attentes et de ses mariages insatisfaisants, c’est à dire la plupart de celles de ce monde, l’« urgence de procréation » dénote souvent le secret d’une culture profondément névrotique, et n’est en rien biologique ; ailleurs, la procréation est plus souvent liée à l'amour].

Cuirassement du bassin

S’accordant avec Wilhelm Reich, A.S. Neill, l’enseignant, éducateur et fondateur de l’école de Summerhill, a fortement appuyé sur l’importance de l’approbation de la sexualité de la prime enfance, de l’enfance et de l’adolescence. Il me semble important ici de souligner le mot approuver, dans son acception de ne ni interférer ni même encourager cette sexualité. Le formateur se rend compte de ce qu’il advient de l’enfant dépourvu de l’approche d’une sexualité gratifiante et naturelle, entendu que celle-ci n'est pas imposée par l’insistance d’un adulte, ce qui ne conduirait qu’à des comportements précoces et empreints de tristesse. J’ai travaillé neuf années comme éducateur de chambrée à Summerhill, où l’attitude envers la sexualité est des plus sincères et franches. Les enfants sont capables de parler librement de  leurs sensations et, dans la mesure de ce que permet la loi, ils discutent les uns les autres de ces sensations.

Selon mon expérience, ces enfants et adolescents, qui ont été davantage approuvés dans leur sexualité, sont ceux qui sont dans l’ensemble le plus en contact avec leurs propres besoins et sensations : comparés à ces enfants qui ont été élevés dans des maisonnées sexuellement négatives, ils sont plus ouverts et chaleureux, doux dans leur affection et dans leur attitude, avec une pensée claire, plus rapidement sûrs d’eux, confiants, de bonne humeur. D’un autre côté, ces enfants qui ont développé une attitude négative envers leurs sensations sexuelles auront tendance à être plus tendus, collants, peureux et anxieux, provocateurs, méprisants, dépourvus de sincérité, avec un penchant à la pornographie, à l’hystérie, incapables de se concentrer, rigides et « durs ». L’idée selon laquelle la sexualité est d’une certaine manière un comportement séparé du reste de leur vie, est fausse. Notre sexualité est une expression de ce que nous sommes : la sexualité et la personnalité sont inexorablement intriquées.

Tout en étant à Summerhill, j’avais suivi des cours d’ostéopathie crânienne et j’ai travaillé dans cette thérapie sur un large panel d’enfants et d’adolescents dans cette école. L’ostéopathie crânienne est une forme de thérapie corporelle dans laquelle le thérapeute se met, par les mains, en résonance avec les pulsations subtiles présentes dans le corps du patient pour stimuler doucement les mécanismes d’autorégulation afin d’y restaurer les équilibres et la santé. Le pivot de ce traitement réside dans le « rythme primaire crânien » ou encore « pulsation rythmique crânienne », que l’on décrit comme « la force fondamentale de la vie se répandant partout à travers les tissus du corps, l’alimentant d’un mouvement rythmique, non seulement dans chacune de ses cellules, mais aussi dans chaque agrégat de cellules, c’est à dire dans chaque organe, chaque organisation d’organe et, en conséquence, dans l’ensemble du corps. » Une telle description du rythme primaire crânien est identique à ce que Wilhelm Reich appelait « la pulsation orgonale ».

Un des enfants sur lequel je travaillais, un garçon âgé de douze ans, a été élevé de sorte à n’avoir pas de mauvaises sensations envers la sexualité et à qui on a permis ouvertement son expression dans la maisonnée alors qu’il était petit enfant : pas d’entraînement à une mise au pot, mais il avait la possibilité de réguler ses intestins à son propre rythme. (Je devrai revenir sur cet entraînement à la propreté plus tard.) L’ensemble de son système pulsatile semblait très ouvert, doté d’un rythme puissant et profond. Lorsque je mettais mes mains sur ses apophyses iliaques, je fus surpris du degré d’expansion et de contraction que j’y sentais présent. L’amplitude était la plus pleine que je n’avais auparavant jamais ressenti chez aucun des autres enfants sur lesquels j’avais travaillé. L’ensemble du bassin « respirait » avec une douceur à laquelle je n’étais assurément pas habitué. Chez les autres enfants et adultes, j’avais trouvé leur bassin plus rigide, moins mobile, avec une pulsation agitée ou parfois difficilement perceptible aux mains. Quelques semaines plus tard, il m’était arrivé de voir un documentaire sur un banc de méduses à la télévision : l’alternance claire et rythmée des expansions et des contactions que l’on y voyait de leurs mouvements de translation dans l’eau m’a fait repenser à ce rythme allant de soi et ininterrompu que j’avais senti dans le corps de ce garçon.

Dans leur approche thérapeutique, développée par Reich, les orgonologues reconnaissent le cuirassement selon une succession de segments répartis le long du corps, qui interrompent le flux et le reflux de l’énergie allant d’une extrémité à l’autre, pieds-bassin et tête. On dénombre les segments oculaire, oral, cervical, thoracique, diaphragmatique, abdominal et pelvien. Le travail des thérapeutes consiste à réduire les tensions présentes dans ces segments et à réintégrer le libre cours du flux et du reflux dans le corps. Pour cela on utilise une combinaison d’exercices corporels et vocaux qui encouragent la plus part du temps l’expression émotionnelle, en précisant des attitudes émotionnelles rigidifiées, telles que faux sourires, politesse excessive, jérémiades, colères et autres chagrins retenus. Une grande importance est attribuée au fait de ne pas contrôler sa respiration mais plutôt de l’encourager à être ample et décontractée. Le thérapeute travaille méthodologiquement, sans esprit mécanique, sur ces segments, en allant généralement dans la direction caudale du corps pour atteindre finalement le segment pelvien.

« Le segment pelvien consiste en toutes les parties situées en dessous de l’anneau pelvien, incluant les extrémités basses. La plupart des muscles pelviens sont mis à contribution dans le cuirassement de ce segment, et parmi ceux-ci les plus fréquemment impliqués sont les sphincters de l’anus, le bulbo-caverneux, l’ischio-caverneux, (qui régule l’érection du pénis ou du clitoris), le gluteal [?] et les grands adducteurs. Le segment pelvien contient l’utérus et les ovaires, l’appareil reproducteur mâle, les organes génitaux externes, la vessie urinaire, l’uretère et la portion distale de l’intestin avec le rectum et l’anus. »

Le thérapeute par l’orgone Morton Herskowitz explique :

« Lorsqu’on commence à travailler sur le cuirassement du bassin pelvien, on rencontre invariablement plus d’angoisse qu’on en a rencontré auparavant. Du fait que ce bassin est l’endroit où persiste l’ensemble des attitudes négatives vis à vis de la sexualité et aussi toute la répression sexuelle, tout le monde, dans nos cultures, souffrent d’angoisse pelvienne. En plus de l’anxiété générée lorsqu’on commence à travailler sur ce segment, on voit apparaître toutes les manifestations de seconde couche [expressions déformées des besoins primaires] du pelvis qui sont la rage et le mépris que contient ce bassin. Ce n’est pas un hasard si dans pratiquement toutes les cultures occidentales, l’expression « va te faire foutre » est la plus haineuse chose que l’on puisse dire. »

On peut ajouter à cela plein d’autres expressions de haine et de mépris, elles aussi associées au bassin pelvien : con, trou du cul, merde, branleur, bite. Il est pourtant vrai que c’est par ce segment du corps que nous voyons le jour dans ce monde, à moins qu’il arrivât que nous dussions naître par césarienne. On ne peut pas plus s’étonner combien l’inconscience des attitudes envers le bassin a une influence sur le nombre de césariennes que l’on pratique. Une récente étude parue dans le Lancet révèle que sur 282 obstétriciens questionnés, 31% des femmes et 17% des hommes pratiquant ce métier choisiront la césarienne plutôt que la voie vaginale, comme naissance, même dans les cas exempts de complications.

« L’anxiété est le poinçon du cuirassement pelvien. L’angoisse… résulte de la peur intense d’un puissant plaisir. La rage est derrière cette anxiété qui décrit la colère amère de dénier que l’on puisse ressentir ce qui peut l’être agréablement. »

Cette profonde angoisse est tenue à l’écart par le cuirassement, mais aussitôt qu’on mobilise ce cuirassement et que l’énergie initie son mouvement de flux et de reflux dans le bassin, le patient fait l’apprentissage des tensions profondes et des angoisses qui y sont retenues.

« Ce n’est pas inhabituel, explique Dorothea Fucker, elle aussi orgonologue, que les patients ressentent des attaques intenses d’angoisse, qu'ils sombrent dans l’angoisse ou dans la peur de mourir, dans l’impuissance sexuelle ou une anesthésie (quelques fois pour la première fois de leur vie). »

Il n’est donc pas si étrange que la naissance soit entourée de tant de tension et d’angoisse dans notre culture.

L’étiologie du cuirassement pelvien n’est pas uniquement une idée sexuelle. Un autre facteur important à prendre en considération est l’apprentissage à la propreté et les attitudes vis à vis de la défécation. Les enfants n’ont pas besoin d’apprentissage à la propreté car ils apprennent d’eux-mêmes à réguler leurs intestins, habituellement entre deux et trois ans. Un apprentissage prématuré peut être particulièrement malfaisant, et devenir un cuirassement chroniquement ancré, puisque le contrôle des intestins n’est pas parfaitement développé avant l’âge de 18 mois à 24 mois ; le seul recours que l’on puisse avoir durant cette période est de laisser l’enfant se souiller, jusqu’au moment où la musculature du plancher pelvien soit suffisamment affermie.

Les pressions ou les dégoûts des parents envers les fonctions naturelles s’ajoutent tous au processus de cuirassement parce que l’enfant est une ouverture béante et vulnérable à toutes ces influences subtiles. Nombre des enfants avec lesquels j’ai vécu à Summerhill transportaient en eux ces attitudes de profond dégoût, et corrélativement une préoccupation hors naturel avec quoi qui soit d’anal. Toutes ces attitudes sont ancrées dans l’organisme même, dans un bassin raidi qui se contracte contre sa propre existence dans des schémas fixes de dénigrement. J’ai été moi-même patient de l’orgonothérapie et je me souviens d’une fin de session où j’avais exprimé une grande quantité de la rage et du dépit que contenait mon bassin en ruant et en le frappant contre le matelas. Au fur et à mesure que je me détendais, je ressentais une prégnante et chaude douceur me traverser, les yeux pleinement ouverts et parfaitement éveillés vers le thérapeute, traversé par une agréable sensation de flux allant de mon visage au bassin. Je commençais alors à sentir la musculature du plancher pelvien se raidir et à ressentir une grande anxiété, de sorte que je voulais faire un vent. Du fait du raidissement, l’ensemble de ce flux d’énergie commença à se fragmenter et à décroître. Je pris le temps de quelques minutes pour rassembler mon courage avant d’en parler au thérapeute, et dans la mesure où elle m’assura que ce n’était pas inconvenant d’émettre un vent, l’angoisse se dissipa et je connus à nouveau la joie d’être en pleine vie et de ressentir toute la douceur de mon corps. Il s’agissait clairement d’une vieille angoisse qui avait pris racine du temps où, encore enfant, je ne m’étais pas suffisamment senti approuvée dans mon corps et ses fonctions, de sorte que je suis devenu chroniquement fixé au niveau du bassin, sous la forme d’un réflexe de raidissement dès le moment où j’en ressentais quelque chose.

Au cours du travail, le bassin de la mère doit être capable de s’ouvrir autant qu’il est possible pour suivre les contractions de l’utérus qui propulse le bébé dans cette voie. Á cette fin, elle ne doit pas seulement supporter la douleur de la nature qui se prononce avec la distension des tissus au fur et à mesure que la tête du bébé s’y immisce, mais aussi la peine contenue dans des siècles de mépris et de dégoût amoncelés sur ses organes génitaux et ses fonctions corporelles naturelles. Pour le nouveau-né, c’est ici la première barrière qu’il/elle doit traverser avant de passer dans un monde qui récréera d’identiques schémas de dureté et de dénigrement dans son propre corps doux et ouvert.

« Quand une femme est proche de l’accouchement, dit Michel Odent, en insistant sur le droit à l’intimité, elle a souvent besoin de déféquer. Ce n’est pas ce que vous faites en présence de votre partenaire sexuel, mais c’est ce que vous faites en présence de votre mère alors que vous étiez enfant [outre l'aspect mécanique de l'appui du bébé sur le rectum]. »

La bataille devient encore plus forte si, enfant, en plus du fait que votre mère a projeté ses propres complexes anaux sur vous, vous les avez captés. De même, la sexualité n’est pas quelque chose que nous abordions face à notre médecin, ainsi la naissance devient un spectacle médical.

« Un enfant qui passe dans le canal de la naissance touche et stimule les mêmes aires qui sont stimulées lors de l’étreinte sexuelle. »

Une fois encore, la bataille devient plus difficile quand on a été élevé dans une atmosphère acerbe et négative envers les douces et agréables sensations sexuelles. En place d’un abandon aux sensations, vous vous raidissez contre elles.

« La douleur n’apparaît que lorsque des contractions de l’utérus poussent le fœtus qui ne peut pas participer à ces contractions parce qu'elles le maintiennent en bas. Chez beaucoup de peuples primitifs, on rapporte que le travail est très court en durée et se passe le plus souvent avec nonchalance. Des cas identiques peuvent arriver dans notre société… Lorsque le col utérin est pleinement dilaté et que l’accouchement entre dans sa deuxième phase, les mères sans cuirassement rapportent des sensations d’intense joie et de puissance sans plus d’inconfort. Cette sensation de joie de vivre et de bien-être perdure encore durant plusieurs heures. Elle est accompagnée parfois d’une sensation de flottement et de douce extase. »

La manière dont on élève son enfant aujourd’hui affectera énormément la manière dont ils donneront naissance plus tard, et conséquemment à celle des générations futures.

Angoisse et obstétrique moderne

J’ai porté une attention attentive sur le cuirassement du bassin pelvien parce qu’il est central dans les problèmes de la sexualité et de la naissance, ce n’est cependant pas pour laisser penser qu’il est un segment de la cuirasse qui opère seul durant le processus de la naissance. L’entremêlement de différentes émotions et les tentatives de l’organisme de les contenir et de les restreindre sont un canevas toujours changeant. Les différents segments ne représentent simplement que des aspects précis de la cuirasse, avec leurs assemblages de muscles qui fonctionnent comme un groupe fonctionnel destiné à restreindre la sensation et l’expression émotionnelle dans une aire particulière du corps. Á travers cette relation dynamique, certains nœuds de restriction seront plus profondément et plus durablement ancrés, mais ils seront toujours en relation avec une constellation plus large, façonnée et répartie à partir de l’ensemble de l’expérience que l’on a de la vie. Les angoisses sont liées à la cuirasse, et l’organisme poursuit ses tentatives afin de les séquestrer et de les contrôler par l’intermédiaire du processus de cuirassement, qui lui-même, dans son ensemble, entre en jeu durant le processus de la naissance.

L’assistant d’une naissance qui a connaissance du processus naturel de l’accouchement et du cuirassement est plus à même d’apporter un soulagement à cette problématique.

« Autant qu’il est possible, nous essayons de faire décroître la tension du cuirassement de la mère au cours de sa grossesse. Le libre mouvement d’une poitrine accroît l’oxygénation sanguine de la mère et du fœtus, en augmente le niveau énergétique, lui rendant possible de fonctionner plus librement dans ses émotions, et cela sera une aide pour donner une naissance plus rapide à son enfant. Éclaircir la cuirasse dans le segment oculaire l’aidera à passer de la parturition d’une manière vivante au miracle du processus proprement dit, et à être prête à accueillir son enfant. Pardessus tout, nous essayons de relâcher les segments les plus bas, particulièrement le segment pelvien, de sorte que le bassin ne se contracte pas sur le fœtus lors de la grossesse, ni ne gêne le processus de la naissance au moment de la délivrance. Dans plusieurs délivrances passées sous l’égide des auspices orgonales, l’obstétricien veille à une délivrance positive de l’enfant et l’orgonologue porte son attention contre toute tentative de cuirassement, particulièrement au niveau des yeux. »

Deux de ces accouchements sont rapportés et condensés dans les cas « Roxanne » et « Cynthia » dans le Journal of orgonomy :

Á mesure que les contractions se faisaient plus intenses, le bassin se mobilisait dans un accroissement énorme de sa charge énergétique. Le corps de Roxanne devenait érythémateux et son champ énergétique grandement étendu. Toutefois, un cercle plus pâle indiquait la persistance d’une contraction au niveau du diaphragme. Chaque contraction était accompagnée de trois vagues d’énergie qui se déplaçaient à travers le corps en s’achevant par un réflexe pelvien [un basculement spontané vers l’avant, comme dans l’orgasme]… Á mesure que l’énergie atteignait le bassin, les segments de la gorge et du thorax s’intensifiaient… Une forte décharge énergétique passa par les organes génitaux (décharge orgastique) en accompagnant la naissance… Dans les trois mois qui suivirent la naissance, Roxanne se sentit « largement ouverte » au niveau du bassin, et une aptitude à un intense plaisir sexuel lors de ses étreintes amoureuses. »

Dans une seconde description d’accouchement, Cynthia est plus sévèrement cuirassée, particulièrement au niveau oculaire, et cela présente quelques difficultés :

« Pour elle, ses contractions étaient fortes, bien que le médecin orgonologue le sentît différemment, constatant plutôt un manque d’intensité à sa charge et à son champ énergétiques ; ce dernier en particulier semblait diffus et désorganisé. Aucun des mouvements pulsatiles ou des vagues observés dans le premier cas n’étaient présents, si ce n’est un accroissement d’énergie qui suivait chaque contraction. Le réflexe pelvien [d’orgasme] était absent…

Á mesure que le travail progressait, Cynthia connaissait des épisodes de panique et « était partie » du regard. Les contractions devinrent moins efficaces à mouvoir le bébé dans le canal de la naissance. Le maintien du contact par les yeux avec le médecin orgonologue, par ailleurs, l’aidait à garder l’attention sur le fait de conserver des contractions plus efficaces…Comme dans le cas précédent, eurent lieu de palpables décharges d’énergie au moment de la délivrance, bien que moins fortes et moins pleines. Au cours des heures qui suivirent, Cynthia était tremblante -- une manifestation de son énergie demeurée sans décharge au cours de la naissance proprement dite. »

Plus la mère est sujette à une angoisse sollicitée de l’extérieur, par la provocation de stimuli, et davantage son cuirassement est provoqué, le rendant plus excessivement tonique. Elle devait avoir entendu beaucoup d’histoires effrayantes à propos des naissances traumatiques, qui l’avaient conduite à en attendre le pire. Et la présence des projecteurs, d’étranges ustensiles étincelants, les moniteurs divers avec leurs bips-bips et leurs flashes, les infirmières et les médecins trois fois propres et habillés comme s’il s’agissait d’une grave opération, l’ensemble de ce dispositif médical : tout cela vient s’ajouter à la sensation de crainte et de confusion qu’elle ressent de ne pas savoir ce qu’il va en advenir. Elle voit qu’on s’adresse à elle d’un ton docte, comme si elle était écolière indisciplinée. On l’a mise à la fouille et à la palpation, s’est vu son pubis rasé et être assujettie à un lavement ou à l’introduction de suppositoires, de sorte que son corps a rapidement perdu la perception de sa propre appartenance, mais est de loin devenu un convoyeur anonyme porté à une procédure dont elle ne détient aucun contrôle. Pour quelques femmes qui ont eu déjà à assumer une grande peur pour ce qui tourne autour de la naissance, toute cette animation huilée et hautement technologique est faite pour la rassurer, mais pour beaucoup d’entre elles, c’est un ajout d’angoisse, et en conséquence, davantage de pression sur un cuirassement déjà présent.

L’orgonologue Chester M. Raphael, décrit un de ces accouchements. Une mère de 27 ans était après terme, mais sentait qu’il « n’y avait pas besoin de s’en mêler ». Et bien qu’il n’y eut pas de complications, son obstétricien lui recommanda de provoquer l’accouchement. Après l’administration d’une dose d’huile de ricin et un lavement, « elle eut de courtes contractions et fut expédiée à l’hôpital. Elle fit l’objection que cela lui paraissait précipité ». Avant ce contact avec le milieu hospitalier, elle était, selon ses propres mots « dans un état d’esprit excellent. Je n’étais pas particulièrement effrayée. Je savais que je pouvais un peu souffrir, mais je sentais avec certitude que je ne trouverai pas cela intolérable ». Á l’hôpital, elle fut transportée tout de suite à la chambre de travail, où « mon attitude changea avec tant de soudaineté que ce fut effrayant ». De l’endroit où on l’avait mise, elle pouvait entendre tout de long deux autres délivrances en cours, avec « des cris saisissant le cœur d’effroi, des appels à assistance qui tombaient dans des regards glacés. » La chambre était une pièce stérile, et la vision des médecins en uniforme souillé de sang donnait l’impression « d’être dans une chambre de torture médiévale. » Après cinq heures de contractions continues, elle se vit donner une injection de demerol et elle sombra dans le sommeil.

Lorsqu’elle se réveilla, les contractions avaient presque disparu et le col n'était pas dilaté. Le reste de la journée fut passé à entendre les cris provenant de la chambre de délivrance, avant que les contractions reviennent à nouveau dans la soirée. Cela continua jusqu’au jour suivant, durant lequel elle fut bouleversée d’entendre les unes après les autres les femmes ayant eu des enfants mort-nés. Les contractions devinrent extrêmement douloureuses et un autre lavement fut pratiqué, suivi de trois injections de « pituitine obstétricienne » [ocytocine]. Finalement, l’obstétricien rompit les membranes. Le docteur Raphael continue l’histoire :

« Lorsque j’arrivai à l’hôpital, la patiente était au travail depuis plus de 40 heures. Sa condition semblait désespérée. Je la trouvai assise, se supportant elle-même, les bras tenant rigidement des deux côtés du lit, un visage de cendre, les lèvres cyanosées, le pouls filant, les mains froides et moites, le cou dans ses épaules raides. Á chaque contraction, qui avait lieu toutes les cinq minutes, elle criait qu’elle ne pouvait plus en endurer et voulait mourir. Entre les contractions, ses yeux remontaient dans leurs orbites, et sa détresse était extrême au cours de chacune d’elles. Elle retenait sa respiration, et maintenait son corps roide. J’avais devant moi l’image d’une contraction aiguë de l’organisme dans son ensemble…

Cela me demanda un considérable effort pour qu’elle baisse ses épaules. Ayant réussi ici, je lui demandai de respirer plus profondément, de prolonger sa respiration. En moins de deux minutes, son corps devint de plus en plus agité de tremblements, des mouvements cloniques apparurent dans ses extrémités basses et s’étendirent vers le haut, au niveau de sa mâchoire, elle se mit à claquer des dents et devint follement bavarde. Elle serra sa mâchoire, mais je l’en décourageais immédiatement, l’aidant à la laisser tomber. Je vins progressivement à bout du spasme de ses épaules et de ses muscles intercostaux --  qui étaient excessivement tendus. Sa respiration s’améliora. Elle s’est plainte alors d’un block dans le diaphragme. Des fibrillations apparurent dans ses cuisses, ainsi que de fortes sensations de courants dans ses bras et ses doigts. La sévérité de la douleur due aux contractions utérines commença à se calmer.

Son visage reprit en couleur, son pouls devint plus plein et plus lent, et ses mouvements respiratoires progressaient maintenant suivant un rythme plus involontaire. Elle commença alors à éructer et de ce fait son inconfort dans la région du diaphragme s’amenuisa. Elle se calma progressivement, et commença à sourire. Très rapidement les contractions prirent un intervalle de deux minutes. Elles parurent être d’un relativement petit inconfort et elle fut capable de se reposer entre chacune d’elles. En dépit de plus de 40 heures de travail, en grande partie d’une douleur insupportable, elle commença à prendre un air plus dispos et plus plaisant. »

Ce compte rendu de 1951 d’une naissance en milieu hospitalier est particulièrement poignant, et je ne suggèrerais pas que chaque naissance en hôpital soit aussi difficile que celui-ci. Quoi qu’il en soit, bon nombre de femmes racontent une histoire contenant beaucoup des éléments qui le composent. Pourquoi donc, finalement, la naissance est-elle traitée comme une maladie, et non pas comme un événement naturel, comme une expression de la sexualité féminine ? Il est indéniable qu’utilisée d’une manière adéquate, l’obstétrique moderne tient sa place : dans les cas particuliers de circonstances critiques, des vies peuvent être sauvées. Mais des études telles que The American scientific Research on Childbirth Alternatives : What it Tells us About Hospital Practice, et plus récemment, ici en Angleterre, le Winterton Report, montrent qu’en dépit de toute sa technologie, l’hôpital moderne n’est pas réellement le plus sûr endroit pour naître, nous pouvons poser la question du raisonnement qui conduit la pratique des obstétriciens d’aujourd’hui. Odent dit :

« L’histoire de l’obstétrique… est largement l’histoire de la graduelle exclusion des mères de leur rôle dans le processus de la naissance. L’obstétrique moderne a vu le jour dans les années soixante-dix en France au moment où les docteurs mâles sont entrés dans la chambre des naissances et ont pris le rôle traditionnel des sages-femmes.  Pour la première fois, on a demandé à des femmes de donner naissance couchées sur leur dos, de sorte que les docteurs puissent utiliser plus aisément leurs forceps. »

Ce scénario dans l’esprit, nous avons besoin de changer de point de vue sur le cuirassement et son angoisse sous-jacente chez la mère pour que précisément ces problèmes soient institutionnalisés dans la pratique de l’obstétrique moderne. Odent poursuit :

« La pratique de la discipline médicale, que nous appelons obstétrique, n’a jamais porté son regard sur l’aide à donner aux femmes qui donnent naissance, mais plus sur un contrôle au plus près du processus. C’est pour cette raison qu’ont été créées des écoles de sages-femmes, de sorte que celles-ci ne soient plus des femmes qui ont envie d’aider d’autres femmes, mais de parfaites professionnelles qui ont été entraînées à contrôler le processus, et c’est de cette manière que les médecins ont pu développer cette technologie du contrôle du processus. »

N’éludons pas la question de savoir d’où vient le besoin de « contrôler le processus ». Remise sur ses pieds et replacée dans le contexte de la sexualité humaine, cette question reprend de sa largeur : pourquoi donc avons-nous besoin de contrôler l’expression de la sexualité humaine, que ce soit au cours des jeux innocents des gamins ou des enfants, dans la maturité du désir sexuel des adolescents ou l’intense fait de donner naissance ?  Aucune autre créature sur terre ne tente de contrôler ses impulsions sexuelles, tel que l’animal humain agit. Aucune autre créature sur terre n'éprouve autant de difficulté autour de l’acte de la naissance. Que ce soit ce qui relève de la naissance ou des autres expressions sexuelles inhérentes, le principe commun qui est en jeu, et qui est derrière notre approche, réside dans le processus du cuirassement, et en particulier le cuirassement du bassin pelvien. Le cuirassement est un moyen de contrôler les sensations intérieures, de les porter à un niveau tel qu’elles peuvent être tolérables. Ainsi l’enfant à qui on dit que la masturbation est « sale » ou « pas belle » resserrera encore ses cuisses serrées pour tuer la douceur de ses sensations, une douceur telle qu’il ne peut la ressentir dorénavant que comme source d’angoisse. Pareillement, tout ce qui évoque cette anxiété et la sensation de colère du fait d'avoir encore présente cette douceur initiale étouffée, devient « sale », haineux, méprisant, bon à être renié ou contrôlé.

Par sa médicalisation on désexualise la naissance. En plaçant la femme sur le dos, et en la subjuguant au miracle de la « merveilleuse technologie moderne », c’est son propre organisme qui est dénigré.

« Être sanglée allongée sur le dos, les jambes dans des étriers, est la pire position possible pour donner naissance. Les veines et les artères principales qui longent la colonne vertébrale, la position du poids du bébé, l’utérus et le liquide amniotique, tout est en arrière. La formation de caillots de sang est fréquente dans cette position. »

Dans une culture où le mâle est socialement et économiquement dominant, il est inévitable que l’angoisse sexuelle du mâle devienne celle qui soit la plus institutionnalisée. Se faire l’avocat de la position couchée et passive de la femme lors de l’accouchement est fonctionnellement peu différent de la position couchée et passive que beaucoup d’hommes attendent de la femme lors du rapprochement sexuel. Bien sûr, il y a bon nombre d’hommes qui deviennent impuissants sexuellement lorsque la femme prend la «position « dominante ».

Il est aussi intéressant de noter que, dans les cultures où la sexualité est davantage approuvée et où la naissance est le domaine des femmes, la sexualité féminine l’est tout autant, avec des corps  pleins de sève et aux belles formes, aux hanches larges et la poitrine évidente. La beauté féminine et la maternité ne sont pas dissociées, mais sont des aspects de la vie liés l’un à l’autre. Dans notre culture, la femme moderne idéale, telle que la reflètent les modèles de mode et les médias, est émaciée, a les hanches étroites et des petits seins, comme une jeune fille ou un garçon adolescent. Elle semble passive et vulnérable, sans aucun pouvoir et pleinement dotée de ce que la nature l’a pourvu comme corps sexué. Elle est plus facilement contrôlable.

En guise de conclusion

Le processus de la naissance, et l’environnement dans lequel il se situe, prend place dans la toile des mœurs culturelles au sens le plus large, et sous la pression sociale. Personne n’est à blâmer du fait de la situation où nous nous trouvons présentement : elle est le fruit d’une évolution des générations ayant crû dans des attitudes négatives vis à vis des fonctions naturelles du corps, et en particulier des fonctions sexuelles. Aucune mère ne doit se sentir coupable ou sentir qu’elle a quelque part failli, alors qu’elle se trouve dans la situation d’un accouchement difficile et douloureux. Aucun être humain ne doit se sentir coupable d’être un être humain. Nous, en tant que société, avons besoin de reconnaître et de prendre d’une manière responsable notre situation en main si nous voulons la changer. Il n’est pas possible d’espérer des naissances et des accouchements plus détendus à moins que nous portions un regard sur les sources de l’angoisse qui perturbent la capacité au plaisir dans tous les aspects de la sexualité humaine. Une compréhension de la nature sexuelle du processus de la naissance et des origines du cuirassement de sorte que les enfants et les adolescents puissent soutenir tout contact avec leurs propres besoins sexuels, est fondamental pour que cet espoir devienne une réalité.

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Il y a un excellent livre de langue française sur le sujet : "A corps consentant" de Marie et Thérèse Bertherat et Paule Brung, le Seuil 1996 ISBN : 2-02-023554-4 : à lire !

Sites en correspondance : http//naissance.ws et l'Alliance francophone pour l'accouchement respecté : http://afar.info ou encore la naissance à domicile