Plaisir du corps et origine de la violence

par

James W. Prescott

Extrait du "The Bulletin of The Atomic Scientists", Novembre 1975: 10-20

Un neuropsychologue affirme que la plus grande menace pour la paix mondiale émane des contrées qui entretiennent l'environnement le plus autoritaires envers leurs enfants et qui sont les plus répressifs envers l'affection sexuelle et l'expression de la sexualité féminine

~Traduction initiale fortement revue par acorgone, septembre 2013~

Introduction à l'article dans le "Bulletin of the Atomic Scientists":

James W. Prescott est neuropsychologue et gestionnaire dans le domaine de la santé au National Institute of Child Health and Human Development (Institut National de la Santé des Enfants et du Développement Humain) à Bethesda dan le Maryland. Il est membre du comité de direction de l'American Humanist Association (Association humaniste américaine). Cet article est paru en partie dans le numéro d'avril 1975 du The Futurist, publié par la World Future Society, et est réimprimé ici avec leur permission. Les opinions exprimés ici sont uniquement celles de l'auteur et ne reflètent pas forcément celles du National Institutes of Health.

~~~Note de retraduction de acorgone

Nous présentons ici une re-traduction de ce texte démontrant l'opposition sans retour entre la violence et le plaisir, dont la traduction initiale est parue ici : http://www.violence.de/prescott/bulletin/article-f.html et le texte original ici : http://www.violence.de/prescott/bulletin/article.html. "Re-traduit" car les manques, les sens approximatifs et les contre-sens étaient trop nombreux pour qu'il puisse être directement "linké" ; d'autant qu'il a intéressé beaucoup de sites qui y font référence.

Acorgone a tenté de se mettre en relation avec l'animateur du site contenant la traduction initiale et aussi bien qu'avec les auteurs de cette traduction sans avoir obtenu de réponse. C'est pour cette raison qu'acorgone édite ce texte sur son propre site. ~~~

James W. Prescott

Plaisir du corps et origine de la violence

La violence humaine se répand de manière expansive sous forme d'une épidémie mondiale. Sur toute la planète, la police fait face à des foules belliqueuses ; des terroristes perturbent les jeux olympiques ; des pirates détournent des avions et des bombes détruisent des immeubles. Durant ces dernières années, les guerres ont fait rage au Moyen-Orient, à Chypre et dans le Sud Est asiatique, tandis que les combats de guérilla poursuivent leur escalades en Irlande. Pendant ce temps le crime croît plus vite que l'inflation aux États-Unis. Les chiffres du Federal Bureau of Investigation (F.B.I.) montre que les crimes graves ont crû de 16% dans les six premiers mois de 1974, une des croissances les plus considérable depuis que le FBI tient ces registres.

À moins que les causes de la violence ne soit isolées et traitées, nous continuerons à vivre dans un monde de peur et d'appréhension. Malheureusement, la violence est souvent proposée comme solution à la violence. De nombreux membres des forces de l'ordre préconisent une application plus sévère des lois comme la meilleure façon de réduire le crime. Notre façon habituelle de faire face au crime qui est d'emprisonner les gens, ne résoudra pas le problème, parce que les causes de la violence résident dans nos valeurs fondamentales et dans la façon dont nous éduquons nos enfants. Les punitions corporelles, les films et les émission télévisées violentes enseignent à nos enfant que la violence physique est une choses normale. Cependant, ces précoces expériences de la vie ne sont pas les seules, ni même les principales racines de la violence des comportements. Des recherches récentes soutiennent le point de vue selon lequel la privation de plaisir physique est l'élément principal de l'expression de la violence physique.

p. 11, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

L'association habituelle qui est faite entre la sexualité et la violence nous permet de comprendre la violence physique comme l'expression du dénuement du plaisir corporel.

À la différence de la violence, le plaisir semble être quelque chose dont le monde ne peut se rassasier. Les gens sont toujours à la recherche de nouvelles formes de plaisirs, alors que la plupart de nos activités "plaisantes" se présentent comme des substituts des plaisirs sensoriels lié au toucher. Nous touchons par plaisir ou pour infliger de la douleur, ou nous évitons de toucher. Même si le plaisir corporel et la violence physique paraissent être à un univers de distance, il semble qu'entre eux deux, il existe une connexion subtile et intime. La violence poursuivra son expansion tant que la relation entre le plaisir et la violence ne sera pas comprise.

Comme neuropsychologue du développement, j'ai consacré bon nombre d'études à la relation particulière entre la violence et le plaisir. Je suis maintenant convaincu que la privation de plaisir corporel constitue la principale racine de la violence. Les expériences de laboratoire sur des animaux montrent que le plaisir et la violence maintiennent une relation réciproque, autrement dit, la présence d'un facteur inhibe celle de l'autre. Un animal enragé et violent se calmera soudainement si des électrodes stimulent les centres du plaisir de son cerveau. Réciproquement, la stimulation des centres cérébraux de la violence peut mettre fin au plaisir sensuel et au comportement pacifique de l'animal. Quand les circuits du plaisirs sont stimulés, ceux de la violence sont inactifs, et vice versa. Pour les être humains, une personnalité orientée vers le plaisir manifeste rarement un comportement agressif, tandis qu'une personnalité violente n'est guère capable de tolérer, d'expérimenter ou de jouir d'activités sensuellement plaisantes. Quand le plaisir ou la violence s'accroît, l'autre décroît.

Carence sensorielle:

Le rapport réciproque entre le plaisir et la violence est hautement significatif parce que certaines expériences sensorielles de la période de développement de l'enfant vont créer des prédispositions neuropsychologiques, que ce soit dans la recherche de la violence ou la recherche du plaisir. Je suis convaincu que l'anormalité de nombreux comportements sociaux et émotionnels résulte de ce que les psychologues appellent la carence "socio-maternelle" qui est un type particulier de carence sensorielle, la privation sensuelle due à un manque de soins tendres et amoureux [au cours de l'enfance]. Dérivé d'un terme grec dénommant le "corps", ce mot renvoie à la sensation du toucher et aux sollicitations corporels par opposition aux perceptions lumineuses, à l'ouïe, à la perception des odeurs, au goût. Je crois que la privation du toucher, des contacts et des sollicitations corporels est la cause fondamentale des désordres émotionnels qui incluent les comportements dépressifs et autistiques, l'hyperactivité, les aberration sexuelles, les abus de drogue, la violence et l'agressivité.

La violence à l'encontre de la sexualité et l'usage de la sexualité à des fins de violence, particulièrement contre les femmes, trouvent de profondes racines dans la tradition biblique

Ces idées sont principalement inspirées des études des laboratoires de Harry F. et Margaret K. Harlow de l'University of Wisconsin. Les Harlow et leurs étudiants ont séparé des nouveaux-nés singes de leur mère à leur naissance. Chacun de ces singes a été élevé dans une simple cage d'où ils pouvaient développer des relations sociales avec les autres animaux par l’intermédiaire de la vue, de l'ouïe et de l'odorat, mais non par le toucher ou le bercement. Ces études et d'autres montrent que c'est la privation de contacts physiques et de sollicitations corporelles, et non pas la privation des autres sens, qui produit une large variété de comportements émotionnels anormaux chez ces animaux élevés dans l'isolement. Il est bien connu que les nourrissons et les enfants humains hospitalisés ou placés en institutions pendant une longue période et qui ont reçu peu de contacts physiques tactiles et de "prises dans les bras", développent des comportements anormaux presque identiques, tels le balancement ou le fait de se cogner la tête.

Bien que la violence pathologique observée chez les singes élevés dans l'isolement soit bien documentée, le lien entre la carence sensuelle précoce et la violence physique chez l'humain est moins clairement établie. De nombreuses études sur des délinquants juvéniles et des criminels adultes ont montré un arrière-plan familial aux ménages brisés et/ou de parents physiquement abusifs. Ces études ont rarement mentionné, et encore moins mesuré, le degré de privation de l'affection physiquement exprimée, bien qu'on puisse souvent en déduire l'importance d'une négligence ou d'un abus. Une étude qui fait exception à cet égard est celle de Brandt F. Steele et C. B. Pollock, psychiatres à l'University of Colorado, qui ont étudié l'abus d'enfants de trois générations de familles ayant physiquement abusé leur progéniture. Ils ont découvert que les parents ayant abusé sexuellement de leurs enfant ont systématiquement eux-mêmes subi une privation d'affection physique au cours de leur enfance et que leur vie sexuelle adulte était restée extrêmement pauvre. Steele remarque que les femmes, presque sans exception, qui ont abusé de leurs enfants n'ont jamais connu l'orgasme. Le degré de plaisir sexuel expérimenté par les hommes ayant abusé leurs enfants n'a pas été établi, mais leur vie sexuelle était généralement insatisfaisante. L'hypothèse selon laquelle le plaisir corporel inhibe activement la violence physique peut être évaluée à la lumière de notre propre expérience sexuelle. Combien d'entre nous ont-ils envie d'agresser quelqu'un juste après avoir vécu un orgasme ?

La contribution de Freud quant à l'effet des expériences de la première enfance sur les comportements adultes et quant aux conséquences de la répression sexuelle est particulièrement bien reconnue. Malheureusement, le temps et la place ne nous permettent pas de discuter ici des différences qui l'ont opposé à Wilhelm Reich dans son Au delà du principe du plaisir.

L'hypothèse selon laquelle la privation de plaisir corporel provoque la violence, requière une évaluation formelle et systématique. Nous pouvons mettre à l'épreuve cette hypothèse en examinant les études transculturelles relatives à l'éducation des enfants, les comportements sexuels et la violence physique. Nous pouvons nous attendre à ce que les sociétés humaines qui procurent à leurs enfants une grande quantité d'affection corporelle

p. 12, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

(par le toucher, la "prise dans ses bras", le bon-soin) seront physiquement moins violentes que celle qui donnent peu d'affection aux nouveaux-nés et aux enfants. De manière identique, les sociétés humaines qui tolèrent et acceptent la sexualité pré-maritale et extra-maritale devraient être moins violence que celles qui prohibent ces possibilités.

Les anthropologues culturels ont précisément rassemblé les données nécessaires pour examiner notre hypothèse sur les sociétés humains, et leurs travaux sont commodément réunis dans A Cross-Cultural Summary de R. B. Textor [1]. L'ouvrage de Textor est un outil de recherche fondamental pour l'analyse statistique interculturelle. Les données nous procurent 20'000 corrélations statistiquement significatives tirées de 400 échantillons de culture des sociétés primitives.

Négligence de l'enfant - Violence de l'adulte

Certaines variables tenant compte de l'affection physique (tel que les taquineries affectueuses, les caresses et les jeux des adultes avec les enfants) ont été associées à d'autres variables qui mesurent le crime et la violence (la fréquence du vol, du meurtre, etc.). Ces corrélations marquantes sont exposées dans des tableaux. Les indications en pourcentage reflètent la corrélation entre les variables, par exemple, forte affection/faible violence - moindre affection/forte violence. Cette procédure est suivie pour tous les tableaux.

Les sociétés classées haut ou faible dans l'échelle d'affection physique chez l'enfant (Infant Physical Affection Scale) ont été examiné quant à leur degré de violence. Les résultats (tableau 1) indiquent clairement que ces sociétés qui prodiguent à leurs enfants la plus grande quantité d'affection physique sont caractérisées par une faiblesse du vol, la faible [imposition de] douleur physique, une mollesse de l'activité religieuse, et une absence ou une quantité négligeable de meurtres, de mutilations et de tortures des ennemis. Ces données confirment nettement que la carence en plaisir corporel durant l'enfance est significativement liée à un niveau élevé de crime et de violence.

Certaines sociétés punissent physiquement leurs enfants pour leur inculquer la discipline et d'autres non. Nous pouvons déterminer si cette [récurrence de la] punition reflète une préoccupation pour le bien-être de l'enfant en la corrélant avec les soins qui leur sont données. Les résultats (tableau 2) montrent que ces sociétés qui infligent de la douleur et de l'inconfort à leurs enfants tendent aussi à les négliger. Ces résultats n'offrent pas d'appui à la prescription tirée des Proverbes (24: 13-14): "Ne ménage pas à l'enfant la correction, si tu le frappes de la baguette il n'en mourra pas! Frappe-le de la baguette et tu délivreras son âme du shéol".

La violence physique adulte a été prévue dans 36 des 49 cultures (73%) avec la variable "affection physique pour l'enfant". La probabilité qu'une corrélation de 73% soit due au hasard n'est que 4 pour 1000.

Des 49 sociétés étudiées, 13 cultures semblent faire exception à la théorie selon laquelle un manque de plaisir sensuels rend les gens violent physiquement (voir tableau 3). Nous supposions que les cultures qui attribuent une grande valeur au plaisir physique durant l'enfance maintiendraient ces valeurs à l'âge adulte. Il n'en est pas ainsi. Les pratiques d'éducation des enfants ne permettent pas de prédire les modèles de comportements sexuels ultérieurs. Cette surprise initiale et cette apparente contradiction deviennent cependant avantageuses pour des prédictions supplémentaires.

Prodiguer plaisir ou douleur et ses conséquences sur le long terme

Les sociétés humaines différent considérablement dans le traitement de leurs enfants. Dans certaines cultures, les parents débordent d'affection corporelle à leur égard, tandis que dans d'autres, les parents leur affligent des châtiments corporels. Une étude des données anthropologique par l'auteur [2] a montré que ces sociétés qui prodiguent à leurs enfants une plus grande quantité d'affection corporelle subissent moins de vol et de violence chez les adultes ; ce qui appuie la théorie selon laquelle la privation de l'affection physique durant l'enfance est liée significativement à un taux important de crimes et de violence. Le tableau ci-dessous montre comment l'affection ou la punition à l'égard des enfants est corrélée avec d'autres variables. Par exemple, les cultures qui infligent de la douleur aux enfants paraissent plus portées à pratiquer l'esclavage, la polygynie, etc. Dans les tableau, N fait référence au nombre de cultures comparées et P est la probabilité que la relation observée puisse résulter du hasard, calculée avec l'échelle de probabilité de Fischert

TABLEAU 1

Les comportements adultes dans les sociétés où les enfants sont choyés d'affection corporelle

Comportements adultes Pourcentage
%
N Probabilité
P

Faible ostentation de la richesse 66 50 .06
Faible incidence du vol 72 36 .02
Grande indulgence envers les enfants 80 66 .0000
Faible douleur physique subie par les enfants 65 63 .03
Meurtre, torture et mutilation de l'ennemi négligeable 73 49 .004
Faible activité religieuse 81 27 .003

TABLEAU 2

Comportements adultes dans les sociétés où les parents ou les tuteurs infligent de la douleur physique aux enfants

Comportements adultes Pourcentage
%
N Probabilité
P

Présence de l'esclavage 64 66 .03
Polygynie 79 34 .001
Statut inférieur de la femme 78 14 .03
Faible affection corporelle à l'égard des enfants 65 63 .03
Faible indulgence à l'égard des enfants 77 66 .000
Faible développement du caractère nourricier chez l'enfant 67 45 .05
Dieux agressifs 64 36 .01

L'échelle sur l'enfance a été développée par les anthropologues culturels Barry, Bacon et Child [3]; celle sur les comportements sexuels par Westbrook, Ford et Beach [4]; et celle sur la violence physique par Slater [5].

p. 13, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

Deux variables fortement corrélées ne sont pas aussi utiles pour prédire une troisième variable autant que deux variables qui ne sont pas corrélées. Conséquemment, il est significatif de se pencher sur les comportements sexuels des 13 cultures dont la violence adulte n'était pas prévisible à partir du plaisir physique durant l'enfance.

Apparemment, les coutumes qui influencent et déterminent l'affection sexuelle sont différentes de celles qui soulignent l'expression de l'affection physique à l'égard des enfants.

Si l'on compare les six sociétés caractérisées à la fois par une forte affection pour l'enfant et par une forte violence en termes de comportements sexuels prénuptiaux, on découvre avec surprise que cinq d'entre elles font preuve de répressions de la sexualité prénuptiale, valorisant hautement la virginité. Il semble que les effets bénéfiques de l'affection physique peuvent être annulées par la répression ultérieur du plaisir corporel (la sexualité prénuptiale).

Les sept sociétés caractérisées par une faible affection physique pour l'enfant et une faible violence physique adulte s'avèrent toutes caractérisées par des comportements sexuels prénuptiaux permissifs. Ainsi l'effet négatif de la carence en affection physique pour l'enfant semble compensé plus tard dans la vie par des expériences sexuelles plaisantes durant l'adolescence. Ces découvertes ont mené à une révision de la théorie de la carence en plaisir sensuel, en faisant une théorie du développement [permissif de l'affection] à deux étapes [enfantine et prénuptiale] permettant de classifier avec précision la violence physique présente dans 48 des 49 cultures.

En bref, la violence peut émerger d'une carence en plaisir sensuel soit durant l'enfance soit durant l'adolescence. L'unique exception véritable dans cet échantillon de cultures semble être la tribu de chasseur de tête Jivaro d'Amérique du Sud. Visiblement des études plus détaillés sont nécessaires pour y déterminer les causes de la violence. Le système de croyances Jivaro peut jouer un rôle important, car comme le signale l'anthropologue Michael Harner dans Jivaro Souls [6], ces indiens ont une "[...] croyance profonde en ce que le meurtre mène à l'acquisition des âmes qui procurent une puissance surnaturelle et confèrent l'immunité vis-à-vis la mort".

Affection sensuelle de l'enfant et violence physique de l'adulte

Les sociétés qui procurent à leurs enfant une grande quantité d'affection physique sont caractérisés par une faible violence chez les adultes. Dans 36 des 49 cultures étudiées, un fort degré d'affection envers les enfants était associé avec un faible degré de violence adulte et vice versa. L'analyse des 13 exceptions montre que dans tous les cas sauf un (la tribu Jivaro d'Amérique du Sud) cela pouvait être expliqué par la présence ou l'absence de comportements sexuels prénuptiaux.


TABLEAU 3

Relation entre la carence en affection et la violence adulte

Forte affection pour les enfants Faible affection pour les enfants Forte affection pour les enfants Faible affection pour les enfants

Violence adulte faible Violence adulte forte Violence adulte forte Violence adulte faible

Andamanese Alorese Cheyenne Ainu
Arapesh Aranda Chir-Apache Ganda
Balinese Araucaniens Crow Kwakiutl
Chagga Ashanti Jivaroa Lepcha
Chenchu Aymara Kurtatchi Pukapuka
Chuckchee Azande Zunic Samoansb
Cuna Comanche
Tanala
Hano Fon
Lau Kaska
Lesu Marquiséens
Maori Masai
Murngin Navaho
Nuer Ojibwa
Papago Thonga
Siriono
Tallensi
Tikopia
Timbira
Trobriandais
Wogeo
Woleaians
Yahgan

Sexualité prénuptiale réprimée: souligné Sexualité prénuptiale permise: italique

a Selon Harner (1972) la culture Jivaro est mal classifiée et devrait figurée dans la colonne 2 (communication personnelle).
b Selon Derek Freeman, Professor of Anthropology, Australian National University, les Samoans appartiennent à la colonne 2 (communication personnelle).
c Les Zuni sont aussi reclassifiés à la colonne 1.

Source: Textor [1]; échelle du comportement de l'enfant tirée de Barry, Bacon and Child [3]; et échelle de la violence chez l'adulte de Slater [5].

Ce tableau est une version révisée mise à jour sur la base d'informations tirées de l'article "Can More Touching Lead to Less Violence in Our Society?" (Plus de contacts peut-il conduire à moins de violence dans notre société?) de Lionel Gambill, publié dans The Truth Seeker, March/April 1989. Gambill écrit:

Subséquemment à la publication originale dans The Futurist en Avril 1975, des anthropologues culturels ont informé Prescott d'erreurs dans le codage original dans les manuels de références qui fondaient la comparaison. Une fois ces erreurs corrigées, aucune exception ne demeure. La théorie du rapport réciproque entre le plaisir et la violence, telle qu'appliquée aux cultures listées, possède une valeur prédictive de100%.

La version originale du Futurist est disponible ici.

La solidité de la théorie de la violence liée à la privation [de l'affectivité] au cours des deux périodes [enfance-adolescence et prénuptiale] est plus clairement illustrée lorsqu'on compare les sociétés faisant preuve d'un haut niveau d'affection physique durant l'enfance et l'adolescence à celles qui s'avèrent faibles en affection physique au cours de ces deux périodes. Les statistiques corrélant cette relation sont extraordinaires. La probabilité qu'une société soit violente alors qu'elle fait preuve d'affection physique à l'égard de ces enfants est de 2%. Il n'y a qu'une chance sur 125 000 pour que cela soit dû au hasard. Je ne connais aucun autre variable de développement qui possède un tel pouvoir prédictif. Nous sommes donc en terrain sûr : les sociétés affectueuses ont très peu de chance d'être violentes.

Ainsi, quand l'affection sensuelle et le plaisir au cours de l'adolescence et de l'enfance correspondent à des taux statistiques de violences, on trouve clairement une relation significative entre la punition de la sexualité prénuptiale et diverses mesures du crime et de la violence. Comme le montre le tableau 4, des agrégats additionnels de relations associent la punition et la répression de la sexualité prénuptiale à des communautés de grande taille, à une haute complexité sociale, à la stratification en classes, à des familles peu étendues, à l'achat de femmes, la pratique de l'esclave et à un dieu supérieur qui guide la morale. La relation entre les familles peu étendues et les attitudes opposées à la sexualité prénuptiale mérite qu'on s'y attarde, car cela suggère que les cultures occidentales à familles nucléaires peuvent constituer un facteur contributif à nos attitudes répressives à l'égard de l'expression sexuelle.

p. 14, November 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

On peut suggérer le même phénomène quant à la taille des communautés, la complexité sociale et la stratification en classes.

De façon peu étonnante, si se présentent de grands besoin envers soi-même en combinaison avec une privation d'affection corporelle, il en résulte un auto-intérêt et un fort niveau de narcissisme. De la même manière, les danses exhibitionnistes et la pornographie peuvent être interprétées comme des substituts à une forme normale d'expression sexuelle. Certains pays particulièrement répressifs quant à la sexualité féminine possèdent des formes élaborées d'art pornographique.

Sexualité extraconjugale

J'ai aussi examiné l'influence des tabous relatifs à la sexualité prénuptiale sur le crime et la violence. Les données montrent clairement que des attitudes punitives et répressives sont liées à la violence physique, au crime contre la personne et aux pratiques d'esclavage. Les sociétés valorisant la monogamie mettent l'emphase sur la gloire militaire et vénèrent des dieux agressifs.

Ces données inter-culturelles confortent les opinions des psychologues et des sociologues qui estiment que les besoins sexuels et psychologiques ne pouvant être satisfaits par le mariage devraient l'être autrement, sans pour autant détruire la primauté de la relation conjugale.

Sexualité prénuptiale, violence physique et autres comportements adultes

La liberté sexuelle prénuptiale chez les jeunes gens peut contribuer à réduire la violence dans une société et le plaisir physique que les jeunes retirent de la sexualité peut compenser un manque d'affection physique durant l'enfance. Une autre recherche montre également que les sociétés qui punissent la sexualité prénuptiale ont tendance à être impliquée dans l'achat de femmes, à vénérer un dieu supérieur qui détermine leur morale et à pratiquer l'esclavage. D'autres résultats sont indiqués dans le tableau ci-dessous.

TABLEAU 4

Comportements adultes dans les sociétés où la sexualité prénuptitale est sévèrement réprimée

Comportements adultes Pourcentage
%
N Probabilité
P

La taille de la communauté est grande 73 80 .0003
L'esclavage est présent 59 176 .005
La complexité sociale est élevée 87 15 .01
Les crimes contre la personnes sont fréquents 71 28 .05
La stratification sociale est importante 60 111 .01
Forte occurrence du vol 68 31 .07
Famille peu étendue 70 63 .008
La sexualité extraconjugale est réprimée 71 58 .005
Les femmes sont achetées 54 114 .02
Forte angoisse de castration 65 37 .009
Tabou long sur la sexualité post partum 62 50 .03
Comportement extrêmement belliqueux
68 37 .04
Taux élevé de dysfonction sexuelle 83 23 .004
La torture, le meurtre et la mutilation de l'ennemi sont courantes 69 35 .07
Narcissisme élevé 66 38 .04
Valorisation de danses exhibitionnistes 65 66 .04
Dieu supérieur qui guide la morale 81 27 .01

Ces découvertes confortent grandement la thèse selon laquelle les privations en plaisir corporel au cours de la vie, mais particulièrement durant les période formatrice de l'enfance et de l'adolescence, sont très intimement liées à la violence guerrière et interpersonnelle. Ces connaissances doivent être aussi appliquées aux sociétés industrielles et post-industrielles complexes. Le crime et la violence physique ont substantiellement augmenté durant les dernières décennies aux États-Unis. Selon les statiques du FBI, les meurtres et les agressions graves ont augmenté de 53% entre 1967 et 1972, tandis que les viols ont augmenté de 70%.

Ces chiffres nous amène à nous interroger de nouveau sur la relation particulière qu'entretiennent la sexualité et la violence. Au delà des statistiques sur le viol, d'autres éléments signalent une inclination pour la violence sexuelle plutôt que le plaisir sexuel aux États-Unis. Cela se reflète dans notre acception de films qui intègrent la violence et le viol, mais dans notre rejet de film sexuellement explicite qui ne montre uniquement que le plaisir (pornographie). Des cinémas de quartier montrent des films aussi violent sexuellement que Straw Dogs, Clockwork Orange (Orange Mécanique), et The Klansman, mais bannissent des films qui exposent le plaisir sexuels (Deep Throat, The Devil in Miss Jones). Les tentatives de fermeture de salon de massage sont une autre illustration de nos attitudes hostiles envers le plaisir. Apparemment le sexe mêlé au plaisir est immoral et inacceptable tandis que le sexe mêlé à la violence et la douleur est moral et acceptable.

Un questionnaire que j'ai développé pour explorer cette question a été complété par 96 étudiants du collège dont l'âge moyen était 19 ans. Les résultats de ces questionnaire conforte la liaison entre le rejet du plaisir physique (et particulièrement de la sexualité prénuptiale et extraconjugale) et l'expression de la violence. Les interrogés qui rejettent l'avortement, la sexualité prénuptiale responsable et la nudité au sein de la famille, sont plus portés à approuver des punitions physiques sévères infligées aux enfants et à penser que la douleur aide à la construction d'un caractère moral fort. Ces sondés étaient portés à trouver la consommation continue d'alcool et les drogues plus satisfaisantes que la sexualité. Les résultats extraits de ce questionnaire fournissent un soutient statistique de poids à la relation opposée du plaisir et de la violence. Là où la violence est forte, le plaisir est faible, et inversement, là où le plaisir est présent, la violence est faible. Le questionnaire conforte la théorie l'opposition du plaisir et de la violence que l'on trouve dans les culture primitives, et s'avère identiquement vraie dans les sociétés industrialisées.

Une autre façon d'envisager la relation opposant le plaisir et la violence, consiste en l'examen des attitudes d'une société face aux drogues. Une société supporte des comportements qui corroborent ses valeurs. La société américaine est une société compétitive, agressive et violente. Conséquemment, elle soutient des drogues qui encouragent

p. 15, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

les comportements compétitifs, agressifs et violents et s'opposent aux drogues qui neutralisent de tels comportements. L'alcool est bien connu pour faciliter l'expression de la violence et bien qu'il créé une dépendance et puisse être très dommageable aux usagers chroniques, il est acceptable dans la société américaine. Par ailleurs, la marijuana est une substance qui accroît le plaisir lié au toucher et inhibe activement les comportements agressifs : je pense que c'est pour ces raisons que la marijuana est rejetée par la société étasunienne. De même, tandis que la méthadone (une drogue additive amoindrissant le plaisir) est acceptée, l'héroïne est rejetée.

Les données de mon questionnaire appuie ce point de vue. Comme le montre le tableau 5, une très forte corrélation entre l'usage de l'alcool et la punition parentale indique que les gens qui reçoivent peu d'affection de la part de leur mère et ont eu des pères qui leur administraient des punitions physiques, sont portés à devenir agressifs et hostiles lorsqu'ils boivent de l'alcool. Ces personnes trouve la prise d'alcool plus satisfaisante que la sexualité. La relation est encore plus forte entre les punitions corporelles et l'usage des drogues. Les interrogés ayant subi des punitions corporelles au cours de leur enfance font preuve d'hostilité et d'agression, induites par l'ingestion d'alcool et ont tendance à trouver l'alcool et les autres drogues plus satisfaisantes que la sexualité. Le questionnaire révèle également une forte corrélation entre la répression sexuelle et l'usage de drogue. Ceux qui décrivent la sexualité prénuptiale comme "non agréable" ont tendance à devenir agressif sous l'influence de l'alcool et à préférer les drogues, dont l'alcool, aux plaisirs sexuels. Cela constitue une preuve supplémentaire à l'appui de l'hypothèse selon laquelle les plaisirs des drogues sont des substituts aux plaisirs sensuels (note de acorgone : dans le cas d'une sexualité insatisfaisante, les drogues ont deux fonctions : à la fois de se dispenser des plaisirs liés à la sexuation et d'accepter comme un fait acquis que ceux-ci ne peuvent pas être atteints).

Violence et plaisir :attitudes des étudiants des collèges

La relation opposée de la violence et du plaisir se montre également vraie dans les sociétés modernes industrialisées. La théorie a été éprouvée au moyen d'un questionnaire distribué à 96 étudiants collégiaux d'âge moyen de 19 ans. Les résultats montrent que les étudiants qui ont des attitudes relativement négatives à l'égard du plaisir sexuel tendent à favoriser des punitions sévères pour les enfant et à croire que la violence est nécessaire pour régler les problèmes. Les étudiants évaluaient une série d'affirmations selon une échelle de 1 à 6 allant d'absolument d'accord (1) à absolument pas d'accord (6). En utilisant une technique statistique (l'analyse factorielle), un profil de personnalité de la personne violente a été développée. Le tableau 5 montre le degré de corrélation entre les diverses affirmations qui reflètent des valeurs morales et sociales. Les données situées à gauche sont des coefficients de corrélation. Elles indiquent l'importance par laquelle chaque variable contribue à la personnalité générale du sondé ainsi que défini dans son profil.


TABLEAU 5

Index sensuel de l'affection humaine
Facteur 1:66.6%


Violence approuvée
.85 La punition physique sévère est souhaitable pour l'enfant très désobéissant
.81 La punition physique et la douleur contribue à construire moralement un individu
.80 L'avortement devrait être réprimé par la société
.76 La peine capitale devrait être autorisée par la société
.75 La violence est nécessaire pour résoudre nos problèmes
.74 La punition physique devrait être permise à l'école
.69 J'aime la pornographie sadique
.54 J'ai souvent envie de frapper quelqu'un
.43 Je supporte facilement la douleur


Plaisir physique condamné
.84 La prostitution devrait être socialement réprimée
.80 Je suis hostile à la sexualité prénuptiale responsable
.78 La nudité familiale nuit à l'enfant
.73 Le plaisir sexuel contribue à construire un faible caractère moral
.72 La société doit intervenir dans les activités sexuelles entre adultes consentant
.69 Je suis hostile à la sexualité extraconjugale responsable
.61 Les odeurs corporelles sont désagréables
.47 Je n'aime pas la pornographie consensuelle


L'alcool et les drogues sont préférés à la sexualité
.70 L'alcool est plus agréable que la sexualité
.65 Les drogues sont plus agréables que la sexualité
.60 Je deviens agressif quand je bois de l'alcool
.49 Je préfère l'alcool à la marijuana
.45 Je bois de l'alcool plus souvent que j'éprouve d'orgasme


Conservatisme politique
.82 Opinions politiques de droite
.77 Plus vieux que la moyenne
.51 Je rêve souvent que je flotte, je vole, je tombe ou je grimpe
.45 Ma mère est souvent indifférente à mon égard
.42 Je suis souvent embarrassé quand on me touche
.40 Je me souviens des punitions physiques infligées par mon père

J'exprime ma reconnaissance à Douglas Wallace, du Human Sexuality Program, University of California Medical School, San Francisco, pour sa collaboration pour l'étude par questionnaire.
Ce tableau est une version très légèrement révisée. La version originale a été préservée.

Racines religieuses

Les origines de la relation fondamentalement opposée entre la violence physique et le plaisir corporel, peuvent être retracées dans le dualisme philosophique et la théologie de la relation entre le corps et l'âme. Dans la pensée philosophique occidentale, l'homme n'est pas un être unitaire, car divisé en deux partie : le corps et l'âme. La conception philosophique de la relation entre le corps et l'âme des Grecs était très différente du concept judéo-chrétien qui établit une situation de guerre entre l'âme et le corps. Dans la pensée judéo-chrétienne, l'objectif de la vie humaine est la rédemption de l'âme et le corps est perçu comme un obstacle dans la poursuite de cet objectif. Conséquemment le corps doit être puni et contraint. St-Paul l'affirme sous cette forme : "Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez, mais si par l'Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez" (Romains 8:13). St-Paul soutient clairement que la privation du plaisir sensuel et la pratique de stimulation douloureuse

p. 16, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

sont des prérequis essentiels afin de gagner son ciel.

"J'en viens maintenant à ce que vous m'avez écrit. Il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme" (1 Corinthiens, 7:1).

Aristote ne concevait pas la relation entre le corps et l'esprit comme en guerre, mais l'envisageait plutôt comme une relation complémentaire dans laquelle l'état de l'âme ou de l'esprit était dépendant de l'état du corps. En fait, il affirmait que "le soin du corps doit précéder celui de l'âme." (Politique)

Aristote percevait aussi la relation réciproque entre le plaisir et la douleur et avait perçu qu'une recherche compulsive du plaisir corporel induit un état d'inconfort et de douleur corporels :

Or, l'excès est possible dans les bienfaits du corps ; et le vice — qui rend l'homme mauvais — sous cet aspect, consiste précisément à rechercher l'excès, et non pas à ne poursuivre que les plaisirs nécessaires. Tous les hommes sans exception trouvent une jouissance certaine à manger les aliments, à boire les vins, à se livrer aux actes de l'amour ; mais tous ne prennent pas ces plaisirs dans la mesure qu'il faut. Pour la douleur, c'est tout le contraire : la mauvaise personne n'en évite pas l'excès, mais le fuit absolument, du fait que le contraire d'un excès est la douleur pour celui qui poursuit l'excès…

C'est là ce qui doit nous engager à rechercher comment il se fait que les plaisirs du corps semblent plus désirables que tous les autres. Le premier motif, c'est que le propre du plaisir c'est de bannir la douleur, et que souvent dans la douleur excessive on recherche, comme moyen de guérison, un plaisir non moins excessif qui n'est en général que celui du corps. Mais ce sont là des remèdes violents, et ce qui fait qu'on les prend avec tant d'ardeur, c'est qu'ils semblent de nature à effacer les émotions contraires (Éthique à Nicomaque, livre 7, chapitre 8)

Il est clair que le monde dispose d'un temps particulièrement limité pour changer sa manière violente de résoudre les conflits. Nous ne savons pas si nous avons le temps de nous défaire des dommages accomplis par les générations sans nombre qui nous ont précédés, ni ne savons combien de futures générations seront nécessaires pour transformer notre psycho-biologie tournée vers la violence en une autre, tournée vers la paix

Dans son analyse du bien suprême, Aristote est très explicite :

"Mais il est très possible que le bon suprême soit une forme de plaisir, en dépit du fait que plus d'un plaisir soit mauvais, et si l'on accepte "mauvais" dans le sens absolu du terme." (Éthique à Nicomaque, livre 7, chapitre 12)

La conception judéo-chrétienne du plaisir corporel est manifestement opposée à celle définie par Aristote, en particulier quant au soulagement de la douleur du corps et de l'inconfort par le plaisir sensuel. Le refus du plaisir sensuel dans la doctrine chrétienne de Paul a conduit à des sources alternatives de "soulagements" tels que les stimulations douloureuses de l'auto-flagellation, l'auto-mutilation, la violence physique envers les autres et dans l'usage de drogues sans plaisirs sensoriels.

Des études expérimentales sur les animaux illustrent bien ce phénomène. On constate par exemple que des animaux privés de stimulations sensuelles se livrent à la mutilation de leur propre corps. Des animaux très tôt privés de contacts corporels, développent un affaiblissement de la perception de la douleur et une aversion pour les contacts corporels d'autrui. En conséquence, ils sont trop bloqués pour pouvoir bénéficier d'une thérapie orientée vers le plaisir du corps dont ils auraient besoin pour un retour à la santé. Dans ces conditions, ils n'ont d'autres alternatives que la violence physique dans laquelle le contact orienté vers la douleur est facilité par leur capacité altérée de ressentir la douleur. Donc la violence et la douleur physique deviennent des thérapies privilégiés pour ceux qui ont été privés de plaisir physique.

Ces considération soulèvent la question de comment la philosophie et la théologie chrétienne qui ont tant emprunté à Aristote ont-elles réussi à éviter les enseignements d'Aristote concernant la moralité du plaisir, ou même à franchement les rejeter ? Les fondements de cette question peuvent être découvertes tout au long du Vieux-Testament et en commençant par son initial, avec le compte-rendu dans la Genèse de l'expulsion d'Adam et d'Ève du jardin du paradis. La première conséquence de la faute d'Ève est que la nudité est devenue honteuse. Là pourrait bien se situer le début de l'hostilité des hommes envers les femmes et de l'équation de la femme liée au démon, particulièrement aux démons du corps. La chose est illustrée de façon frappante par Zacharie (5:5-8) dans la description d'un ange :

"Voici que s'avance un boisseau." Il ajouta : "C'est leur iniquité, dans tout le pays. Et voici qu'un disque de plomb se souleva, et je vis une Femme installée à l'intérieur du boisseau. Il dit : "C'est la malice". Et il la repoussa à l'intérieur du boisseau et jeta sur l'orifice la masse de plomb."

La violence à l'égard de la sexualité et l'usage de la sexualité pour la violence, particulièrement contre les femmes, a des racines profondes dans la tradition biblique et est exprimée très tôt. Le dix-neuvième chapitre de la Genèse (19:1-11), dans le premier livre du Vieux-Testament, soutient que le viol d'une femme est acceptable, mais que le viol d'un homme est une chose perverse. Le chapitre sur la destruction de Sodome et Gomorrhe décrit l'hospitalité offerte par Lot à deux voyageurs (en fait deux anges).

Ils n'étaient pas encore couchés que la maison fut cernée par les hommes de la ville, les gens de Sodome, depuis les jeunes jusqu'aux vieux, tout le peuple sans exception. Ils appelèrent Lot et lui dirent: "Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit? Amène les nous pour que nous en abusions. Lot sortit vers eux à l'entrée et, ayant fermé la porte derrière lui, il dit " Je vous en supplie mes frères, ne commettez pas le mal ! Écoutez : j'ai deux filles qui sont encore vierges, je vais vous les amener : faites leur ce qui vous semble bon, mais, pour ces hommes, ne leur faites rien puisqu'ils sont entrés sous l'ombre de mon toit". Mais ils répondirent: Ôte-toi de là ! En voilà un qui est venu en étranger, et il fait le juge ! Eh bien, nous te ferons plus de mal qu'à eux ! Ils le pressèrent fort, lui Lot, et s'approchèrent pour briser la porte. Mais les hommes sortirent le bras, firent rentrer Lot auprès d'eux dans la

p. 17, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

maison et refermèrent la porte. Quant aux hommes qui étaient à l'entrée de la maison, ils les frappèrent de berlue du plus petit jusqu'au plus grand, et ils n'arrivaient pas à trouver l'ouverture."

L'histoire se poursuit comme les deux anges escortent Lot et sa famille vers un refuge puis détruisent Sodome et Gomorrhe en raison de leur grand état de péché. Pas un mot de reproche n'est émis envers Lot pour sa volonté d'offrir ses deux filles vierges pour qu'elles soient soumises à un viol collectif. Le même récit est répété dans les livres d’Ézéchiel (23:1-49) et de Juges (19:22-30).

Étant donné une telle tradition, il est compréhensible que durant l'Inquisition, seules les femmes étaient accusées de forniquer avec le diable et étaient mises à mort pour ce crime de plaisir. Quel homme est mort pour avoir couché avec Satan ? Cette tradition est maintenue dans les cultures modernes où les femmes sont punies pour la prostitution, et non pas leurs clients masculins.

L'acceptation historique et biblique du viol à travers les âges a malmené la psyché des hommes élevés dans cette tradition. Ceci est bien illustré par le récit de Michael McCusker, un sergent de la marine américaine qui témoigne d'un viol collectif au Vietnam. McCusker [7] raconte comment une escouade de neuf hommes armés envahit un petit village.

Ils devaient trouver ce qu'ils appelaient une pute Viet Kong. Ils entrèrent dans le village et plutôt que de la capturer, ils la violèrent. Chaque homme la viola. Un d'entre eux me dit plus tard que c'était la première fois qu'il faisait l'amour à une femme en conservant ses bottes. Celui qui avait pris la direction de l'escouade était en fait un simple soldat. Le chef était sergent, mais il semblait impuissant et il a laissé le soldat mener son groupe. Plus tard le sergent affirma qu'il n'avait pas participé au raid, car c'était contre sa morale. Alors, plutôt que de commander à l'escouade de ne pas commettre [cet acte], car ils ne l'écouteraient de toute façon pas, le sergent était allé de l'autre côté du village et s'était assis pour regarder fixement le sol en se sentant lamentable. Mais quoi qu'il en soit, ils violèrent la fille et le dernier à lui faire l'amour lui tira une balle dans la tête.

Qu'est ce qui, dans la psyché américaine, permet l'usage du mot "amour" pour décrire le viol. Et quel acte d'amour que de l'achever par une balle dans la tête !


Une
                      mère heureuse caressant son enfant.
Les premiers mois. L'allaitement maternel et les caresses permettront à cet enfant de s'épanouir en un adulte non-violent. La privation de ces contacts corporels peut avoir l'effet inverse.

Pourquoi les hommes violent-ils les femmes? Les chercheurs rapportent que la plupart des violeurs ont un arrière-plan familial punitif, d'hostilité paternelle et de manque d'affection maternelle. J'interprète le viol comme une revanche de l'homme contre la femme en raison des manques initiaux d'affection physique. Un homme peut exprimer son hostilité à l'égard de la mère pour ne pas lui avoir donné suffisamment d'attention physique en violant sexuellement d'autres femmes.

On peut trouver une autre explication dans l'accroissement de la liberté sexuelle des femmes perçue comme menaçante pour la position de pouvoir et de dominance masculine, souvent maintenue à travers l'agression sexuelle. Le viol détruit le plaisir sensuel chez la femme et accroît le plaisir sadique chez l'homme. À travers le viol, l'homme ne s'autorise pas [de ressentir] ce plaisir sensuel de la femme qui menace sa position de pouvoir et de dominance.



Swedish paper doll that does not hide or
                      idealize female sexuality
Poupées réalistes. Les poupées de papier suédoises illustrent la franchise au sujet du corps humain nécessaire pour inculquer des attitudes saines à l'égard de la sexualité et de la violence. Chez ces poupées aucun effort n'est fait pour idéaliser ou désexualiser le corps humain : le corps est simplement accepté tel qu'il est.

p. 18, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

Selon moi, le viol a son origine dans la carence en affection physique lors de la relation parent-enfant et dans les relations sexuelles adultes, ainsi que dans un système de valeurs religieuses qui considère la douleur et les privations corporelles morale et le plaisir physique immoral. Le viol maintient la dominance de l'homme sur la femme et soutient la perpétuation des valeurs patriarcales de notre société.



L'environnement
                            éducatif et les cellules du cerveau.

Cette image montre les effets de l'environnement éducatif sur un type de cellule nerveuse (appelée astrocytes) trouvé dans la quatrième couche du cortex visuel d'un rat. Le nombre de branches des dendrites est beaucoup plus grand parmi les animaux élevés en groupe dans un environnent rempli de jouets (environnement aux conditions enrichies EC) que parmi les rats élevés par deux dans une cage ordinaire (condition sociale SC) ou parmi les rats élevés seuls dans des cages ordinaires (condition isolé IC).

Ces données montre que des conditions extrêmes de carences sociales ou sensorielles ne sont pas nécessaires pour endommager la structure du cerveau et qu'un environnement sensuel/social enrichi peu augmenter la complexité des cellules nerveuses (neurones) qui portent l'impulsion nerveuses aux autres cellules du corps et à travers lesquelles la communication s'opère dans le cerveau. Des cellules nerveuses pourvues de plusieurs dendrites peuvent influencer et réguler l'activité de autres cellules cervicales plus efficacement que celles pourvues de dendrites moins nombreuses ou anormales. On croit que la complexité du cerveau est lié à l'habilité de résoudre des problèmes complexes à la fois sur le plan intellectuel et social, et que des structures de dendrites anormales présupposent des décharges électriques anormales dans le cerveau.


Source: Volkmar et Greenough [9].

Il est clair que le monde dispose d'un temps particulièrement limité pour changer sa manière violente de résoudre les conflits. Nous ne savons pas si nous avons le temps de nous défaire des dommages accomplis par les générations sans nombre qui nous ont précédé, ni ne savons combien de futures générations seront nécessaires pour transformer notre psycho-biologie tournée vers la violence en une autre, tournée vers la paix.

Si nous acceptons la théorie selon laquelle le manque de plaisir sensuel est la cause principale de la violence, nous pouvons travailler à promouvoir le plaisir et encourager les relations interpersonnelles affectueuses comme une façon de combattre l'agression. Dans un contexte de relations humaines significatives, nous devons donner la plus haute priorité au plaisir du corps. Un tel plaisir du corps est très différent de la promiscuité qui reflète une inhabilité fondamentale à éprouver le plaisir. Si une relation sexuelle n'est pas agréable, une personne cherche un autre partenaire. Un échec continuel à parvenir à la satisfaction sexuelle mène à une recherche continuelle de nouveaux partenaires, en d'autres mots à un comportement de promiscuité. D'un autre côté, le plaisir physique affectueusement partagé tend à stabiliser une relation et à écarter cette recherche. Cependant, une variété d'expériences sexuelles semble normale dans les cultures qui en permettent l'expression et cela peut être important pour polir le plaisir et l'affection dans les relations sexuelles.

Les données disponibles indiquent clairement que les valeurs rigides de la monogamie, de la chasteté et de la virginité contribuent à produire la violence physique. Le déni de la sexualité féminine doit céder la place à son acception et un respect à son égard ; et les hommes doivent partager avec les femmes la responsabilité du don d'affection et de bon-soins envers les enfants. À mesure que le père assume un rôle plus égal à celui de la mère dans l'éducation des enfants et devient plus affectueux envers ses enfants, des changements devront s'ensuivre dans notre système socio-économique. Une structure de travail qui tend à séparer l'un ou l'autre des membres de la famille, soit par les déplacements lointains, les réunions interminables ou par les heures supplémentaires, affaiblit la relation entre les parents et l'enfant et nuit à la stabilité familiale. Pour développer une société pacifique, nous devons mettre davantage l'accent sur les relations humaines.

La planification des naissances est essentielle. Les enfants doivent être correctement espacés pour que chacun puisse recevoir des soins et une affection optimaux. Les besoins de l'enfant devraient être immédiatement satisfaits. Affirmer qu'un telle pratique va gâter l'enfant n'est pas corroborée par les données inter-culturelles. Contrairement à ce qu'affirme le docteur Benjamin Spock, il est nocif pour un enfant de s'endormir en pleurant. En ne comblant pas immédiatement et avec constance les besoins de l'enfant, nous enseignons à nos enfants la méfiance à un niveau émotionnel fondamental, et nous établissons conjointement

p. 19, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

des schémas de négligence qui peuvent blesser la santé sociale et émotionnelle de l'enfant. Le rejet de l'allaitement naturel en faveur du biberon et la séparation du nouveau-né de sa mère dans nos hôpitaux "modernes" sont autant d'exemples de pratiques éducatives nuisibles.

Environ 25% des mariages aux États-Unis se terminent par un divorce et un plus grand pourcentage encore ont vécu l'adultère. Cela laisse supposer que quelque chose est fondamentalement faux dans la conception traditionnelle de la monogamie universelle. Le besoin de créer un système de mariages pluralistes devient plus évident si on l'examine à la lumière des données inter-culturelles associées à la monogamie, concernant les carences physiques, la violence et la guerre. Des expérimentations actuelles de vie en commun et de mariage en groupe cherchent à combler les besoins fondamentaux au demeurant insatisfaits dans l'isolement du mariage nucléaire. Il nous faut considérer avec sérieux de nouvelles options, telles que des familles étendues comprenant deux ou trois couples qui partagent des valeurs et un style de vie. Par un partage des bénéfices et des responsabilités de l'éducation des enfants, de telles familles peuvent procurer un environnement varié et affectueux aux enfant aussi bien qu'aux adultes et réduire la fréquence des abus commis sur les enfants et des fugues.

Contrairement à la famille nucléaire moyenne, la famille communautaire, tout comme les groupes de familles étendues, peut fournir un environnement plus stimulant et plus encourageant pour les enfants et les adultes. La vie communautaire ne doit bien sûr pas être comprise comme équivalent à la sexualité en groupe, qui le plus souvent n'est pas une forme de partage, mais un échappatoire à l'intimité et à la vulnérabilité émotionnelle.

La franchise au sujet du corps

Peut importe le type de structure familiale choisie, il est important d'encourager la franchise au sujet du corps et des fonctions corporelles. À ce sujet nous pourrions bénéficier d'une restructuration de nos maisons suivant le mode japonais qui sépare les toilettes des équipements pour le bain. Le bain familial devrait être utilisé pour la socialisation et la relaxation, et devrait procurer une situation naturelle aux enfants pour pouvoir apprendre les différences anatomiques entre les hommes et les femmes. La nudité, comme la sexualité, peut être détournée et abusée et la peur nous empêche souvent d'accepter avec honnêteté notre configuration corporelle.

La stimulation bénéfique que procure le bain-tourbillons ne devrait pas être limité aux hôpitaux et aux établissements curatifs ou de relaxation, mais devraient être disponible au sein du foyer familial. Le bain familial devrait être suffisamment grand pour accueillir parents et enfants et être équipé de tourbillons pour maximiser la relaxation et le plaisir. La nudité, l'ouverture et l'affection au sein de la famille peut enseigner aux enfants et aux adultes que le corps n'est ni honteux ni inférieur, mais plutôt une source de beauté et de sensualité par lequel nous sommes en relation avec les autres. L'affection physique implique le toucher, le serrer-contre-soi et la caresse et ne doit pas être assimilée à la stimulation sexuelle qui est un type particulier d'affection corporelle.

L'éthique compétitive qui enseigne aux enfants qu'ils doivent progresser aux dépens des autres, devrait être remplacée par les valeurs de la coopération

Aimer plutôt que rivaliser

La morale compétitive qui enseigne aux enfants qu'ils doivent progresser aux dépens des autres, devrait être remplacée par les valeurs de coopération et une poursuite de son excellence comme notre propre intérêt. Nous devons éduquer nos enfant pour qu'ils soient émotionnellement capables de donner de l'amour et de l'affection plutôt que d'exploiter les autres. Nous devons reconnaître que la sexualité adolescente est non seulement naturelle, mais désirable et accepter la sexualité prénuptiale comme une satisfaction moralement positive. Les parents devraient aider les adolescent à se réaliser sexuellement en leur permettant d'utiliser la maison familiale pour leur épanouissement sexuel. Une telle honnêteté encouragerait une attitude plus mature envers les relations sexuelles et procureraient un environnement d'un soutien plus réel que le siège arrière d'une voiture ou tout autre emplacement inadapté hors du foyer. Les expériences sexuelles précoces font trop souvent l'objet d'un effort afin de démontrer son appartenance au monde des adultes, ou pour prouver sa masculinité ou sa féminité, plutôt qu'un partage joyeux d'affection et de plaisir.

D'abord et avant tout, il faut reconnaître l'égalité sexuelle des hommes et des femmes. Le droit traditionnel des hommes à de multiples partenaires sexuelles doit être étendu aux femmes. La peur qu'ont les hommes de la profondeur et de l'intensité de la sensualité féminine est la plus grande barrière entre les hommes et les femmes. Du fait que le pouvoir et l'agression sont neutralisés par le plaisir sensuel, la première défense des homme contre la perte de leur domination a été la négation, la répression et le contrôle du plaisir sensuel de femmes. L'usage de la sexualité dans le but de procurer un simple relâchement de la tension physiologique (plaisir apparent) ne doit pas être confondu avec l'état de plaisir sensuel qui est incompatible avec la domination, l'agression, la violence et la douleur. C'est par le partage mutuel du plaisir sensuel que l'égalité sexuelle entre les hommes et les femmes peut se réaliser.

L'environnement sensoriel dans lequel un individu grandi a une influence majeure sur le développement et l'organisation fonctionnelle de son cerveau. Les stimulations sensorielles constituent un nutriment dont le cerveau a besoin pour se développer et fonctionner normalement. Le fonctionnent du cerveau détermine le comportement de la personne. À la naissance, le cerveau humain est extrêmement immature et de nouvelles cellules cérébrales se développent jusqu'à l'âge de deux ans. La complexité du développement des cellules cérébrales se poursuit jusqu'à l'âge de 16 ans environ. Herman Epstein de Brandeis University a montré que des poussées de croissance dans le cerveau humain se produisent à peu près aux âge de 3, 7, 11 et 15 ans.

p. 20, Novembre 1975, Bulletin of the Atomic Scientists

Reste à déterminer comment des privations [sensuelles] précoces peuvent affecter ces poussées de croissance ; par ailleurs, des données suggèrent que la poussée finale peut être annihilée par une carence précoce.

W. T. Greenough, psychologue à l'University of Illinois, a démontré qu'un environnement sensoriel enrichi produit dans le cerveau des rats des cellules plus complexes qu'un environnement ordinaire ou appauvri (voir l'image). Ses études montre que la privation sensorielle n'a pas à être extrême pour induire des changements structurels dans un cerveau en développement. Plusieurs autres chercheurs ont montré que l'éducation des rats mis à l'isolement introduit des changements significations dans la biochimie du fonctionnement de leur cellules cérébrales. D'autres chercheurs ont montré une activité électrique anormale dans le cerveau de singe élevé dans l'isolement. J'ai avancé l'idée que le cervelet, une structure du cerveau impliqué dans la régulation de nombreux processus cérébraux, voit ses fonctions altérées quand un animal est élevé dans l'isolement et est impliqué dans les comportements violents et agressifs dû à la carence sensuelle. Il a été démontré qu'une neurochirurgie du cervelet peut transformer le comportement agressif du singe élevé dans la solitude en un comportement pacifique. Les comportement prédateur chez le chat peuvent être provoqué en stimulant le noyau fatisgial du cervelet, un des noyaux les plus profond du cervelet.

Des niveaux anormalement faibles de sérotonine plaquettaire ont été détectés chez des singes élevés dans l'isolement, ainsi que chez les enfants fortement agressifs et institutionnalisés. Ces découvertes laissent penser que la privation sensuelle au cours des périodes formatrice du développement, altère de façon significative un important système biochimique du corps, associé à des comportement hautement agressifs. Plusieurs autres chercheurs ont documenté des anormalités dans le système de réponse corticale adrénaline parmi des rongeurs élevés dans l'isolement et qui avaient développés des comportement hyper-agressif, hyperactif et hyper-réactif. On peut donc affirmer qu'un autre important système biochimique associé à l'agressivité est altéré par une privation sensuelle précoce.

Il faut souligner que je présuppose des stimulations sensuelles plaisantes comme procédure thérapeutique pour corriger les anormalités causées par une carence en plaisir sensuel. De semblables stimulations sensorielles peuvent influencer le fonctionnement du cerveau et il ne semble pas nécessaire, à l'exception de rares circonstances, d'avoir recours à la chirurgie ou aux stimulations électriques du cerveau pour modifier des comportements violents et pathologiques. Hélas, de tels programmes thérapeutiques fondés sur le plaisir sensuel n'ont pas encore été établis afin de déterminer leur efficacité thérapeutique. Le succès de la thérapie sensuelle auprès des singes élevés dans la solitude, rapporté par Harry F. Harlow et Stephen Suomi [8] après que d'autres formes de thérapies aient échoué chez ces animaux, fournit des encouragements supplémentaires et soutient l'utilisation du toucher et des sollicitations corporels dans le traitement des désordres émotionnels.

Inversement, nos prisons ont été configurées pour maximiser les conditions précisément responsable de la violence et de l'emprisonnement du délinquant social. Il n'est pas surprenant que la violence physique dans les environnements carcéraux soit un problème de taille. L'acceptation du plaisir sensuel comme forme de thérapie somatique sera difficilement acceptable pour notre société, comme l'indique l'opposition de plusieurs communautés, aux salons de massage.

Manifestement, si nous considérons les comportements agressifs et violents indésirables, nous devons alors développer un environnement sensuel où le cerveau puisse se développer et fonctionner d'une façon telle qu'il en résultera des comportements plaisants et pacifiques. La solution à la violence est le plaisir physique vécu dans un contexte de relations humaines qui ont du sens.

Pour beaucoup de gens, un principe moral fondamental est le rejet de tous credos ou politiques proposant d'infliger la douleur, la souffrance et la privation à nos congénères. Ce principe doit être élargi : nous devons viser non seulement l'absence de douleur et de souffrance, mais aussi le renforcement du plaisir, la promotion de relations humaines affectueuses et l'enrichissement de l'expérience humaine.

En nous efforçant d'accroitre le plaisir dans nos vies, nous allons aussi affecter la manière dont nous exprimons l'agressivité et l'hostilité. La relation opposée entre le plaisir et la violence est telle que l'un inhibe l'autre : quant le plaisir est élevé, la violence est faible et quant la violence est forte, le plaisir est insignifiant. Ces prémisses fondamentaux de la théorie de la carence en plaisir sensuel nous fournit les outils nécessaires pour modeler une société faite d'individus pacifiques, affectueux et coopératifs.

Cependant, la planète dispose d'un temps limité pour corriger les conditions qui nous incitent à la confrontation violente. Les technologies modernes de la guerre permettent à un individu ou une nation de provoquer la destruction totale de larges segments de population. Le plus grand péril vient des nations qui offrent à leurs enfants l'environnement le plus appauvri [en affection sensuelle] et qui sont les plus répressifs vis-à-vis de l'affection sexuelle et de la sexualité féminine. Nos craintes seront plus fondées quand ces nations auront acquis les armes de guerre modernes. La tragédie est que ce processus a déjà commencé.

~Traduction initiale fortement revue par acorgone, septembre 2013~



Notes

1. R. B. Textor, A Cross-Cultural Summary (New Haven, Conn.: Human Relations Area Files (HRAF) Press, 1967).

2. J. W. Prescott, "Early Somatosensory Deprivation as an Ontogenetic Process in Abnormal Development of the Brain and Behavior," Medical Primatology, édité par I. E. Goldsmith and Moor-Jankowski (Basel: Karger, 1971), 357-375; et Prescott, "Cross-Cultural Sludies of Violence," in Aggressive Behavior: Current Progress in Pre-Clinical and Clinical Research, Brain Information Report No. 37 (Los Angeles, Ca.: University of California, Aug. 1974), pp. 33-35.

3. M. K. Bacon, I. L. Child et H. A. Barry, III, "Cross-Cultural Study of Correlates of Crime," Journal of Abnormal and Social Psychology, 66 (1963), 291-300; et Barry, Bacon and Child, "Definitions, Ratings, et Bibliographic Sources for Child-Training Practices of 110 Cultures," in Cross-Cultural Approaches: Readings in Cooperative Research, édité par C. S. Ford (New Haven: HRAF Press, 1967).

4. J. T. Westbrook, Ford, et Beach, in A Cross-Cultural Summary, édité par Textor (New Haven: HRAF Press, 1967).

5. P. E. Slater, "Killing, Torturing or Mutilating the Enemy," in A Cross-Cultural Summary, édité par Textor.

6. Michael Harner, Jivaro Souls.

7. Vietnam Veterans Against the War, statement by Michael McClusker in The Winter Soldier Investigation: An Inquiry into American War Crimes (Boston: Beacon Press, 1972).

8. S. J. Suomi, et H. F. Harlow, "Social Rehabilitation of Isolate-Reared Monkeys," Developmental Psychology, 6 (1972), 487-496.

9. F. R. Volkmar et W. T. Greenough, "Rearing Complexity Affects Branching of Dendrites in the Visual Cortex of the Rat," Science, 176 (Juin 1972), 1445-1447; et M. Coleman, "Platelet Serotonin in Disturbed Monkeys," Clinical Proceedings of the Childrens Hospital, 27 (1971). 187-194.


Texte republié avec l'aimable permission de James W. Prescott. Parution originale dans THE FUTURIST magazine (Avril 1975). Reproduit avec la permission de la World Future Society, 7910 Woodmont Avenue, Suite 450, Bethesda, MD 20817 USA. WFS est une association éducationnelle et scientifique à but non lucratif comptant 30,000 membres dans 80 pays. Elle agit comme forum neutre et comme banque d'informations et d'idées sur les tendances actuelles et les développements futurs possibles.

Traduit par Eric Maheu. Les citations de la bible sont reproduites de la traduction de l'école de Jérusalem et celles d'Aristote de la traduction de J. Barthélemy Saint-Hilaire revue par Alfredo Gomez-Muler. Svp me signaler toute erreur.

Reconnaissance de caractères et édition HTML originale par Erik Möller. Si vous connaissez une autre traduction de cet article en une langue différente du français et de l'allemand ou si vous voulez en produire une, svp le contacter. Il est aussi intéressé à obtenir du matériel supplémentaire sur le sujet.