Né en 1897 en Autriche, mort en 1957 en prison aux USA pour offense à la Cour. Élève très tôt apprécié de Freud dont il finira par se distancer, mis trop souvent et trop acerbement en but à ses disciples, Wilhelm Reich fut l'un des plus brillant et des plus prolifiques psychanalystes de la génération des années 20-30. Ayant lui-même connu la misère, suite à la guerre de 1914, où il s'engagea comme officier (sur le front italien), et confronté à divers drames familiaux, il s'intéresse très tôt aux raisons de la pauvreté et de l'indigence intellectuelle qui l'accompagne, et s'engage activement dans les mouvements politiques, socialiste d'abord, communiste ensuite, qui étaient alors ceux qui se préoccupaient le plus de du problème de la paupérisation et qui lui permettaient d'atteindre un plus grand nombre de personnes et notamment les adolescents, en qui il voyait le sel de la terre. Il fit une jonction entre la psychanalyse de Freud et la critique économique de Karl Marx après avoir saisi la cohérence et la sagacité de chacune des deux pensées. Homme libre il a été déçu par l'évolution du communisme russe, dont il a dénoncé les formes de « fascisme rouge » et de la société autoritaire, grande pourvoyeuse de souffrances affectives et matérielles, dont il dénonce aussi le « fascisme noir ». Médecin, psychiatre, psychanalyste, sociologue, homme ayant approché la politique pour ensuite s'en défaire, éducateur, chercheur, Wilhelm Reich nous offre une oeuvre vaste et complexe, toute entière tournée vers l'homme et la vivacité de la vie.
Cette oeuvre est dense et multiple, aussi est-elle habituellement divisée en trois périodes successives :
- de 1919 à 1927, la période psychanalytique, durant laquelle il travaille intimement aux côtés de Freud ; Die Function des Orgasmus 1927
- de 1928 à 1938, une période freudo-marxiste où, très engagé socialement, il réussit une synthèse des apports de Freud et de Marx au sein de ce qu'il appelle la Démocratie du travail ;
- de 1935 à 1957, une période orgonale (l'énergie de la vie) dans laquelle l'essentiel de ses travaux est consacré à une recherche approfondie sur le phénomène du vivant et sur l'énergie vitale émanent de ce qu'il a nommé orgone : la vie incroyablement cosmique ; La superposition cosmique.
Cette division, pour schématique et arbitraire qu'elle soit, a le mérite de nous montrer, d'un coup d'oeil, l'évolution de l'activité de Wilhelm Reich. Voyons maintenant ce que fut sa vie.
Né le 24 mars 1897 dans une famille juive non-pratiquante aisée, en Galicie, dans ce qui était alors l'Empire austro-hongrois, où son père dirigeait une vaste exploitation agricole, le jeune Wilhelm Reich est élevé d'une façon autoritaire, dans l'attachement aux valeurs allemandes. L'enfance de Wilhelm Reich y est assez solitaire et elle est marquée par le suicide de sa mère après qu'il l'eut dénoncée à son père pour l'avoir surprise en intimité avec son propre percepteur. Il sera particulièrement touché par la stupidité de son acte. Nous sommes en 1910, Wilhelm Reich a 14 ans. Le père, désespéré par la mort de sa femme, meurt de tuberculose en 1914. La guerre achève de ruiner la maison.
Wilhelm Reich, qui s'est engagé dans l'armée autrichienne en 1916, est libéré en 1918. Il s'inscrit à la faculté de droit de Vienne qu'il abandonne quelques mois plus tard pour entrer en médecine. Avoir fait la guerre lui permettra d'effectuer ses études en quatre ans au lieu de six. Étudiant pauvre et curieux, passionné de sciences naturelles et de philosophie, le jeune Wilhelm Reich est un travailleur facile et un lecteur insatiable, pas seulement curieux de connaissances, mais qui en a aussi réellement faim. Pour survivre et payer ses études, il donne des leçons à des étudiants plus jeunes. Il s'intéresse aux idées philosophiques de Bergson, dont la conception d'élan vital et d'une énergie créatrice le passionnent, et à la psychanalyse.
De 1919 à 1927, Wilhelm Reich est un jeune psychanalyste enthousiaste, qui travaille étroitement aux côtés de Freud, mais qui, très vite, abandonne la seule attitude d'écoute silencieuse de la psychanalyse classique et donne une importance particulière à l'orgasme comme régulateur des fonctions affectives et nerveuses de l'être humain. Il constate alors l'importance particulière de la formation du caractère, l'adaptation individuelle de la personne à son monde environnant comme source essentielle et régulatrice des plaisirs possibles, admis et tolérables.
En janvier 1919 il participe, avec quelques camarades de faculté, à la création d'un séminaire de sexologie, d'où il mettra sous presse, à la fin de l'été, un travail sur le concept de pulsion et de libido de Forel à Jung ; travail dans lequel il établit un parallèle entre la conception freudienne de la libido et l'électricité, pour conclure: "la libido de Freud ne saurait être que l'énergie de l'instinct sexuel". Cette même année, il rencontre Freud qui l'accueille chaleureusement. Ce sera le début de quatorze ans d'intense collaboration.
En mars 1922, il épouse Annie Pink qui deviendra elle-même une psychanalyste de renom. Ensemble, ils auront deux filles, Eva (1924) et Lore (1928).
En mai, l'Ambulatorium (clinique de ville) psychanalytique de Vienne ouvre ses portes. Wilhelm Reich en sera le premier assistant jusqu'en 1928, puis le sous-directeur élu jusqu'en 1930. Afin que ce dispensaire fonctionne, chaque psychanalyste accepte de donner, chaque jour, une heure de son temps en consultation gratuite. Cela s'avère bientôt insuffisant car les patients affluent. Cette clientèle populaire, bien différente de celle vue en pratique privée, ne tarde pas à convaincre Wilhelm Reich que :
-les névroses sont très largement répandues, à la manière d'une épidémie ;
-les troubles de la fonction génitale sont, de loin, les plus nombreux ;
-la psychanalyse n'est pas une thérapie applicable sur une large échelle ;
-la psychothérapie individuelle n'a qu'un rayon d'action très limité.
Reçu docteur en médecine en juillet, Wilhelm Reich poursuit sa formation psychiatrique. En septembre, il participe au Congrès psychanalytique de Berlin. Sur le chemin du retour, il propose à quelques jeunes collègues de fonder un « séminaire technique » dont le but serait de perfectionner la technique psychanalytique par l'étude systématique des cas. Freud acceptera l'idée et Hitschmann, le directeur du dispensaire psychanalytique de Vienne, en prendra la direction.
En 1924, Wilhelm Reich, dont les préoccupations sociales se font pressantes, entre au Parti socialiste autrichien. Naissance de sa fille aînée, Eva, qui deviendra médecin et poursuivra son oeuvre, surtout auprès des femmes enceintes et des nouveau-nés.
En 1924, au Congrès de Salzbourg, il présente une communication : « Observations complémentaires sur l'importance thérapeutique de la libido génitale » dans laquelle il introduit pour la première fois le concept de « puissance orgastique » qu'il différencie nettement de celui de « puissance érectile » et insiste sur le fait que l'orgasme est l'expression de l'abandon mutuel des partenaires. Il démontre l'importance thérapeutique de la satisfaction sexuelle et de l'orgasme. Il insiste aussi sur le fait que la pérennité d'une guérison apportée par traitement psychanalytique est en relation directe avec le retour et le maintient de la satisfaction orgastique de la personne que ce traitement a réussi à réinstaurer (« retour » car elle a été perdu dans le cours de la vie — le plus souvent lors de la petite enfance, qui donnera les modalités de la perte qui seront fixées lors de la puberté — de ce patient).
Dans ce séminaire de technique psychanalytique, il élabore, pour l'essentiel, les idées qu'il développera dans L'Analyse caractérielle.
Cette même année, il prend la direction du séminaire technique (Wiener Seminar fur Psychoanalytische Therapie) qu'il dirigera jusqu'en 1930, date de son départ pour Berlin. Pratiquement tous les analystes de la troisième génération, y compris Anna Freud, y assisteront. Ce séminaire technique le mit en présence de deux choses : d'un côté il y avait la situation clinique, la névrose de stase, les enfants, la misère pécuniaire et sexuelle des masses. De l'autre, la répugnance des psychanalystes à se pencher sur ces problèmes, répugnance qui est toujours identique de nos jours. Cette sensibilité sociale de Wilhelm Reich aura d'importantes répercussions sur son existence et sur son oeuvre. Dans La fonction de l'orgasme, il raconte qu'il alla un jour voir une jeune ouvrière dans son taudis. « Là, dit-il, j'eus à me poser non pas les nobles problèmes de l'étiologie des névroses, mais la question de savoir comment il était possible à un organisme humain de tolérer si longtemps une telle vie. » « Le heurt entre Wilhelm Reich et Sigmund Freud n'est que le reflet de l'opposition entre le monde cultivé, bien installé, et la vie réelle des gens luttant pour leur existence. C'est un chapitre effrayant de l'histoire de la science », dira-t-il plus tard.
En 1926, Wilhelm Reich remet à Freud, à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire, le manuscrit qu'il publiera l'année suivante: Die Funktion des Orgasmus, assorti de la dédicace suivante: « À mon maître, le professeur Sigmund Freud, en témoignage de profond respect ». Wilhelm Reich mettait beaucoup d'espoir dans ce livre où il avait réuni la majeure partie de ses découvertes cliniques sur l'orgasme. Freud le reçut sans enthousiasme. De plus, lui qui habituellement lisait un manuscrit en quelques jours, tarda deux mois pour envoyer à son auteur une note assez laconique. Celui-ci en fut cruellement déçu.
De 1927 à 1938, très engagé socialement, Wilhelm Reich tente une synthèse des apports de Freud et de Karl Marx au sein de ce qu'il appelle l'économie sexuelle et la démocratie du travail.
Pour désigner la ligne qui s'affirme désormais comme la sienne, Wilhelm Reich n'utilise plus dans ces travaux le terme « psychanalyse » mais celui d'« économie sexuelle » : « L'économie sexuelle est le prolongement de la psychanalyse de Freud à laquelle elle apporte le solide soutient des sciences naturelles, de la biophysique et de la sexologie sociale ». Dans cette dernière, il intègre le point de vue socio-économique de Marx (c'est-à-dire la critique de la « force de travail », de celui qui la fournit et de celui qui l'utilise, puisqu'il est un fait qu'il y a encore de nos jours deux personnes pour une seule chose : celle qui la fournit est déresponsabilisée de son usage et l'autre qui s'en sert est déresponsabilisée de son résultat) et prête une attention particulière à la manière dont un individu emploie son énergie biologique, sa vitalité, selon des facteurs sociologiques, psychologiques et biologiques afin de comprendre ce qui préside à sa régulation.
Pour un Wilhelm Reich toujours soucieux de prévention, la connaissance psychanalytique se devait de se préoccuper du besoin de satisfaction des masses. Il ouvre des dispensaires d'hygiène sexuelle, d'abord en Autriche, puis en Allemagne, dispensaires d'hygiène sexuelle où il était procuré informations, aides, pratiques et conseils sur les moyens de contraceptions, diverses brochures répondant aux questions les plus brûlantes des adolescents, des femmes, des couples adultes ou non.
En 1929, il fonde avec quatre autres analystes, trois gynécologues et un avocat qui partagent les même convictions, la Société socialiste d'information et de recherche sexuelle afin de faciliter l'ouverture de cliniques d'hygiène mentale et sexuelle destinées aux ouvriers et salariés. Au contact de la réalité de ces gens, Wilhelm Reich ne considérait pas que les ouvriers avaient davantage besoin de soins que les « bourgeois », mais que les gens de basse condition sont de loin les plus nombreux et que, principalement chez les jeunes, les conditions sociales de leur existence leur permettaient un retour à la santé plus rapide car, subissant plus la morale qu'ils ne la corroboraient pour maintenir leur statut de classe sociale, ils sont plus proches de la vie que ceux qui produisent cette morale. Il portera quelques altérations à ce jugement dans sa Psychologie de masse du fascisme et dans son Les hommes et l'État un peu plus tard, sans cependant que son point de vue sur la jeunesse ne faillisse un jour.
Après son voyage en URSS (1929), où il rencontre notamment Vera Schmidt qui dirige un jardin d'enfant expérimental, il présente un rapport, « Psychoanalyse und Weltanschauung » (1930), dans lequel il affirme que la psychanalyse ne peut adopter une attitude neutre vis-à-vis du désir des gens, manifesté dans la lutte sociale, à se défaire du joug de la misère pécuniaire et amoureuse. Il se heurte alors ouvertement à l'hostilité de ses confrères qui l'accusent de « vouloir traîner une Science dans l'arène du politique » ou d'être à la botte des Socialistes russes et de « recevoir des ordres de Moscou ». Freud lui répond indirectement dans la dernière partie des « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse », en affirmant que la psychanalyse, faisant partie de la Science, est tenue d'adopter une « position scientifique » et ne doit pas se soucier de défendre une vision particulière du monde (Weltanschauung). Cette science nouvelle était déjà séparée de son contexte social par les personnes qui, soit ne comprenaient rien à ce contexte social (il suffirait, comme aujourd'hui, de s'y pencher pour assez vite comprendre de quoi il retourne), soit ne voulaient en rien savoir : ici ou là, il s'agit toujours de garder un pouvoir sur la plèbe en en perdurant l'existence; ils étaient les syndicalistes de l'époque.
Wilhelm Reich qui est alors par son dynamisme, sa compréhension des gens et de leur implication sociale, l'une des figures les plus en vue du communisme autrichien (bien qu'il n'ait jamais pris de responsabilité dans ce mouvement, mais simplement une carte d'adhésion), commence à gêner sérieusement tant les dirigeants du Parti que ceux de l'Association psychanalytique. De part et d'autre, on le trouve trop entreprenant, alors que lui voudrait faire plus encore. En septembre, il part s'installer à Berlin, ville moins conservatrice que Vienne, où il sait qu'il va retrouver des collègues politiquement engagés et plus ouverts aux idées neuves et réalisables. Il participe au IIIe Congrès international pour la Réforme Sexuelle et ne tarde pas à organiser, avec l'approbation du Parti Communiste allemand, une Association pour une politique sexuelle prolétarienne, la Sexpol, dont le programme insiste sur le rapport de cause à effet entre le capitalisme, sa morale et la misère sexuelle que cette organisation sociale inflige à tous, bien que sous deux formes différentes et scissionnaires. Sexpol, en peu de mois, arrivera à regrouper 40 000 membres. À cette époque, il y avait dans tout le monde de langue germanique, une grand intérêt pour la satisfaction de la « chose sexuelle » et il existait de nombreuses associations, dispensaires, conseils, etc. qui s'en préoccupaient et s'y rapportaient. Le mouvement impliqué par Wilhelm Reich a réussi à donner un ensemble cohérent à ces initiatives.
Au travers de l'éducation et du conseil individuel donné dans les dispensaires, il espère permettre à de nombreuses personnes, aux jeunes en particulier, de retrouver ou de développer une vie amoureuse satisfaisante sans qu'ils aient à recourir à une forme ou une autre de psychothérapie. Le programme de Sexpol mentionnait notamment la possibilité de logement pour tous, jeunes ou moins jeunes, que la femme ait aussi de son propre chef la possibilité d'obtenir le divorce et ait droit à un revenu décent autonome, qu'elle ait droit au travail, que tous aient accès à discrétion à des moyens de contraceptions. Ces années-là, les activités de Wilhelm Reich ne se limitent pas à Sexpol. Il participe aussi personnellement aux manifestations de protestation sociale.
En 1932, la rupture théorique avec la psychanalyse orthodoxe est consommée. Elle sera d'autant plus manifeste les années suivantes que Wilhelm Reich donnera plus d'importance aux facteurs sociaux, à la satisfaction génitale, à la régulation énergétique, et à l'approche corporelle dans la thérapie.
Au début de l'année 1932, Wilhelm Reich envoie à la Revue internationale de psychanalyse (Internationale Zeitschrift fur Psycho-analyse) un essai intitulé « Le caractère masochiste » dans lequel, sur la base d'observations cliniques précises (dont les premières remontent à 1928), il conteste l'hypothèse freudienne du « masochisme primaire », c'est à dire de l'instinct de mort, de Tanathos. Cet essai, qu'on peut lire au chapitre XI de L'Analyse caractérielle, provoqua une vive réaction de Freud.
L'essai sur le masochisme, considéré comme manifestation secondaire de l'altération de la satisfaction sexuelle, marque la rupture de Wilhelm Reich avec la doctrine psychanalytique orthodoxe qui le chagrinait déjà depuis longtemps à cause de son manque d'efficacité pratique dans le cours même de la cure et par les écrits de ses collègues qui tournaient autour de la question sexuelle tout en en protégeant le côté aliéné. Ce que Wilhelm Reich discute méthodiquement chez eux comme chez Freud, c'est l'hypothèse de la « pulsion de mort », formulée en 1920 dans Au-delà du principe de plaisir par ce dernier lorsqu'il refond sa théorie des pulsions pour la faire reposer sur le couple antagoniste Éros-Thanatos. Par ailleurs, Wilhelm Reich donne une importance particulière au concept non plus de « pulsion », mais de pulsation , et de son ampleur possible, de l'organisme entier comme facteur de santé biopsychique.
Le 29 janvier 1933, Hitler prend le pouvoir. « En raison de la situation politique », la maison d'édition du mouvement psychanalytique allemand qui devait publier L'Analyse caractérielle annule son contrat. Wilhelm Reich la publiera quelques mois plus tard, à Vienne, à ses propres frais.
Diverses manoeuvres sont entreprises dès 1933 à la fois par le Parti communiste et par la Société viennoise de psychanalyse pour pousser Wilhelm Reich à la démission. Trop psychanalyste pour les uns, trop politique pour les autres, il finit par se voir exclu de l'un pour « entraînement de la jeunesse à la débauche et à la perte de l'esprit du Parti » et de l'Association psychanalytique pour « politisation de la Science de l'Esprit ». Les nazis s'intéressent aussi à son cas (Hitler ordonnera l'autodafé de ses oeuvres, tout comme la justice des États-Unis quelques années plus tard, après que le FBI se fut aussi intéressé à son cas) ; il quitte alors Berlin et part s'installer à Copenhague. Comme il se voit refusé la prorogation de son permis de séjour allemand, il déménage en Suède.
En août, parait Psychologie de masse du fascisme, enrichi à la dernière minute de réflexions sur les récents événements qui secouent l'Allemagne, un livre où Wilhelm Reich démasque les dynamismes biopsychologiques de toute structure grégaire-autoritaire, tant nazie (fascisme noir) que communiste (fascisme rouge) qui conduisent l'être humain à de telles aberrations sociales.
Depuis longtemps Wilhelm Reich désirait vérifier si la fameuse découverte de la vivante libido par Freud n'était seulement qu'un concept ou bien encore une réalité corporelle. Il entreprit des expériences de mesures bio-électriques qui le conduisirent à la conclusion de l'existence d'une énergie vitale dans les organismes vivants, dont il fait paraître les conclusions dans un long article en deux parties L'antithèse fondamentale de la vie végétative. Il nomme celle-ci "bio-énergie". Il présente l'orgasme comme une décharge bio-électrique. C'est à partir de ces expériences qu'il exprimera sa célèbre formule : tension mécanique => charge électrique => décharge électrique => détente mécanique.
En août, alors qu'il arrive à Lucerne pour le Congrès de psychanalyse où il va présenter sa communication Contact psychique et courant végétatif, il apprend par le secrétaire de la Société psychanalytique allemande qu'il a été exclu l'année précédente sans que personne ait cru bon un jour de l'en informer. Il ne pourra présenter sa communication que comme « invité ». Son allocution jeta un froid dans l'Assemblée. Cette exclusion, qui n'est pas valable dans sa forme, et dont les raisons étaient politiques — c'est-à-dire qu'elles cachaient des raisons beaucoup moins avouables (entre autres que ce refus des psychanalystes de prendre parti socialement dénonce leur propre incapacité à retirer, eux, librement du plaisir de la vie qui est sociale) — il en demandera l'effectivité à l'Association psychanalytique internationale afin que les choses soient claires. Le problème principal de cette exclusion est d'ordre pratique : il se voyait aussi retiré la caution et l'autorisation de l'Association de psychanalyse d'enseigner la psychanalyse en son nom. Les psychanalystes norvégiens lui proposent néanmoins d'entrer comme psychanalyste dans leur groupe. Il refuse. C'en est fini pour lui de l'organisation psychanalytique.
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De 1935 à sa mort en 1957, d'abord en Europe puis aux États-Unis, Wilhelm Reich s'intéresse de plus en plus à l'énergie de la vie, à la forme énergétique de la vie, sous toutes ses manifestations.
Installé à Oslo, Wilhelm Reich entame des recherches sur la charge bioélectrique de la peau et des muqueuses. Ces recherches, très en avance sur son temps et jugées par certains scandaleuses, sont centrées sur La fonction électrique de la sexualité et de l'angoisse. Elles démontrent par des mesures faites à l'aide d'un oscilloscope enregistreur, que le potentiel électrique des zones érogènes varie notablement en fonction directe d'une sensation, agréable ou désagréable. Wilhelm Reich les poursuivra jusqu'en 1938. Elles le conduiront à présenter le plaisir et l'angoisse comme les deux pôles de la vie végétative, le premier comme l'expression vive de l'énergie vitale allant du centre du corps vers sa périphérie, se tournant vers le monde, la seconde comme étant le vif mouvement centripète de cette énergie allant de la périphérie du corps vers son centre, se protégeant du monde. Elles l'amèneront ainsi à passer de l'analyse du caractère à une méthode agissant directement sur le corps et l'équilibre neurovégétatif de la personne, qu'il nomme végétothérapie, et, lorsqu'il considère avoir mis expérimentalement en évidence l'existence d'une énergie de vie, qu'il baptise orgone (organe-orgasme), il regroupe tous ses travaux sous le nom d'orgonomy (orgonologie en français).
En Allemagne, les Nazis ferment les Centres de consultation d'hygiène mentale et sexuelle. Un mandat d'arrêt est lancé contre Wilhelm Reich. À Berlin on brûle ses livres et toutes les publications de la Sexpol.
Il publie ensuite une étude sur le Réflexe orgasmique, Attitude musculaire et Expression corporelle, publiée en 1937. Ce réflexe est souligné comme étant de l'ordre de l'orgasme lorsque librement possible, car il implique une participation globale du corps à la fonction vitale de la respiration, qui est accompagnée de libres mouvements ondulatoires, parfois convulsifs lorsqu'elle est profonde. Avant la décharge orgasmique lors de l'étreinte sexuelle, ce mouvement ondulatoire est amplifié par sa résonance couplée à celui du compagnon ou de la compagne, pour s'étendre à l'ensemble de l'organisme, psyché comprise. La décharge énergétique amoureuse (vitale) commune est complète et englobante lors de l'acmé sous forme de convulsions involontaires : c'est ce qu'on nomme orgasme. Suit ensuite une période de détente et de gratification envers la/le partenaire et la vie en générale. Cette période de relâchement fait aussi partie de l'orgasme, comme conséquence, bien évidemment.
La question suivante est : « Ce réflexe de plaisir et d'angoisse, de tension et de détente, d'alternance entre la charge et la décharge relève-t-elle aussi du monde microscopique ? ». Wilhelm Reich se rend à l'Institut de Biologie d'Oslo pour y requérir des culture de protozoaires et d'amibes. On lui répond qu'il lui suffit seulement de faire tremper pendant quelques jours de l'herbe ou de la salade dans de l'eau pour en obtenir une : selon eux, ces substances retiennent sur leur surface tous les « germes aériens » qui donnent naissance à ces macrophages ! En respectant ce protocole, il poursuit sur l'amibe le phénomène de contraction et de détente (acide/sucré) et leur relation bioélectrique. Mais parallèlement il observe aussi le processus même de la transformation de l'herbe en protozoaires et en amibes. Ce qu'il remarque est différent de ce qu'on lui a dit : il semblerait que les protozoaires et les amibes proviennent, au travers d'un processus toujours identique, de l'herbe ou de la salade en décomposition même. Le végétal semble se déliter en vésicules (auxquelles il donne le nom de bions) qui ensuite s'amassent les unes aux autres par attraction pour s'entourer d'une pellicule, d'une peau dans laquelle elles s'organisent en mouvements d'abord rotatifs et pour finir pulsatiles. Elles se transforment alors en « proto-protozoaires » qui donneront ensuite soit des protozoaires, soit des amibes. Face à ces découvertes auxquelles on oppose le sempiternel « cela provient des germes aériens », Wilhelm Reich lessive, ébouillante, cuit à l'autoclave ses préparations et, chose étrange, le phénomène de décomposition bioneuse est amplifié. Il pousse ses recherches sur les matières minérales et voit le fer, lui aussi, se décomposer lentement en bions, vésicules visibles à grossissement microscopique faible à moyen, présentant grossièrement la forme d'un hématite gonflée, de couleur jaunâtre, réfractant le bleu et dotée, en lumières indirecte, d'un champ coloré bleu. Qu'en est-il des « germes aériens » ?
Il est un fait que le processus adopté pour la stérilisation des substances soumises à l'observation, ne concoure pas à proprement parlé à l'élimination de la vie, mais, au contraire, au développement de la vie sous une forme précise ; c'est l'exact procédé inverse utilisé pour la stérilisation des confitures : les mélanges (à base de blanc d'eau, de lécithine, de bouillon de soupe) sont des éléments nutritifs, favorable au développement de la vie, même soumise à des contrainte extrêmes telles que la cuisson à l'autoclave (120°) durant vingt minutes.
Après trois ans de recherches, parution en 1938 à Oslo, de Die bione, zur Entstehung des vegetativen Lebens (Les bions), étude sur ce qu'il considère être des vésicules d'énergie vivante, visibles au microscope à fort grossissement (entre 2 et 4000 fois), présentant aussi des stades de transition entre la matière non-vivante (purement minérale) et la matière vivante (déjà animale). Étude qui intéresse quelques scientifiques, mais qui lui vaut d'être traité par beaucoup de « charlatan, fou, psychopathe, délirant... ». Une campagne de presse pour grande part organisée des psychiatres norvégiens fait de lui un « paranoïaque » ayant séjourné en asile psychiatrique ; il s’avéra plus tard que le colporteur de cette faramineuse nouvelle avait lui-même dû séjourner en hôpital psychiatrique et avait été un ancien collaborateur de Wilhelm Reich à Berlin.
Il fit une communication de ces découvertes à l'Institut des Sciences de Paris, qui en donna la vérification au français Roger Du Theil. Celui-ci confirma les faits. Mais l'Institut, au moment de sa publication, voulu adjoindre une « introduction » au texte de Wilhelm Reich, qui dénigrait toute découverte originale faite par lui ; il refusa alors la publication de sa communication.
Un laborantin, lors d'une démonstration, se trompa un jour, et porta à incandescence du sable de plage (au lieu de limaille de fer) pour le plonger dans le bouillon de culture à stériliser. À l'observation au microscope, la décomposition a offert à la vue de gros paquets de vésicules, qui reçurent le nom de « bions SAPA ».
Les bions SAPA étaient remarquable en ceci que toutes les personnes qui les ont observés pendant suffisamment longtemps au microscope contractaient une conjonctivite. Diminuant la fréquence de ses observations sur les conseils de son médecin, et cependant sans vouloir en cesser l'observation, Wilhelm Reich fabriqua une petite boite en fer dotée d'une ouverture à laquelle on pouvait adapter un petit système de grossissement optique : il s'agissait de savoir si la conjonctivite était provoquée par une « sorte » de rayonnement, et dans ce cas, de pouvoir observer ce rayonnement dans le noir le plus complet. Il y avait, effectivement, dans la boîte contenant une culture de bions SAPA, un rayonnement de particules bleutées de la taille d'une très petite tête d'épingle s'y déplaçant comme aléatoirement de part en part en zigzaguant. Intrigué, il sortit quand même la culture de bions de l'enceinte métallique qu'il recouvrit d'un tissu de laine pour l'isoler thermiquement et constata que, même sans la culture de bions, le rayonnement y était encore présent.
C'est pour mieux observer ce rayonnement, qu'il se fit construire une boîte de structure semblable (alternance de métal et de laine) d'une taille suffisante pour pouvoir y tenir assis. Il donna plus tard, après de nombreuses observations autour de ce qu'il avait nommé orgone, dans un livre « La fonction de l'orgasme : La biopathie du cancer » un résumé de son travail. Et l'enceinte métallique était le prototype de l'accumulateur d'orgone.
Son intérêt pour le cancer se précisa dans l'observation de la décomposition bioneuse : une cellule vivante, lorsqu'elle meurt, se décompose et libère sa charge orgonale sous la forme de bions. Suivant sa vitalité initiale, se libèrent aussi des « bacilles T » (todt) « visibles » à un grossissement de 3000 à 4000 fois. « Visibles » car on sait bien qu'un tel grossissement ne donne à voir que du trouble, le grossissement optique atteignant ses limites vers 2500 fois environ. Mais l'avantage essentiel de l'observation optique est que la matière observée peut l'être encore vivante, tandis qu'une observation électronique met dans l'obligation d'utiliser une matière précédemment tuée.
Le cancer est mit en relation avec une insuffisance d'oxygénation des tissus, un blocage émotionnel, une stase énergétique et une désintégration excessivement rapide des cellules. Et sa guérison, ou le ralentissement de la décomposition bioneuse présentant un excès de bacilles T, est soumise à une régénération des tissus de l'organisme par une recharge en énergie orgonale (énergie de la vie), et l'élimination subséquente de ces bacilles T. L'élimination de ces derniers est essentielle, car en s'agglutinant autour des charges orgonales que sont les bions, ils s'en accaparent l'énergie, d'une part, et d'autre part, leur nombre excédentaire les rend difficiles d'élimination par les voies naturelles. Rétablir la santé, c'est rendre à l'organisme vivant l'amplitude suffisante de sa pulsation : un organisme à l'amplitude pulsatile restreinte se voit dans l'impossibilité de retirer de son environnement — par une ample respiration, une nourriture attrayante et saine, la satisfaction que l'on requiert du contentement de vivre et de créer son environnement vivant — l'énergie nécessaire à son entretient et sa régénération.
En 1939, quelques jours avant que la guerre n'éclate, Wilhelm Reich pose le pied sur un embarcadère de New York, aux États-Unis, sur l'invitation officielle de Bronislav Malinovski avec lequel il s'était lié d'amitié. Là, de cette date à 1941, il donnera un cours sur « Les aspects biologiques de la formation du caractère » à la New School for Social Research. Quoi dire encore, sinon que le FBI s’intéressa à son cas, peu après son arrivée, en le maintenant quelques jours en prison, car il avait été un jour adhérent au Parti communiste ?
Il poursuivra ses recherches dans son laboratoire privé. Il en vient à considérer que ce qu'il nommait « bioénergie » est en fait une énergie-vie qui anime le cosmos dans son ensemble et que, présente dans l'atmosphère (qui fait partie du cosmos !), elle agit sur le vivant comme une énergie biologique spécifique pour des éléments de la vie spécifiques. Il la nomme alors orgone (1940), mot construit sur la racine grecque organ, "bouillonner d'ardeur", d'où dérivent les mots orgasme, organisme et organe. Pour la densifier, à des fins expérimentales, il fait tapisser une chambre entière de feuilles de métal, obscure à la lumière, afin d'y installer d'autres accumulateurs pour augmenter la tension de la charge orgonale en ce lieu en bien supérieure à celle de l'environnement dans le but d'en mieux observer, à l'aide d'instruments de mesure (thermomètre, électroscope, appareils par lui inventés), les modalités de fonctions. Wilhelm Reich expérimente sur des souris saines des injections de bacilles T, qui induisent des cancers à l'endroit précis de l'injection, et sur des souris cancéreuses des injections de bions, ce qui retarde la mort de l'animal. Il entreprend la vingtième expérience (XX experiment) : après avoir fait séjourné de l'eau distillée dans un accumulateur d'orgone, il la met à geler à l'air libre, enfouie dans le sol, ou mise dans un accumulateur dehors et constate qu'au coeur de la glace formée s'est agglomérée une substance colloïdale, contenant elle aussi, à l'observation microscopique, des bions libres : la vie est présente partout, s'immisce partout là où la sollicite, il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en apercevoir et de cesser de la tuer parce qu'on en craint les manifestations à l'extérieur de soi, comme on en craint les manifestations à l'intérieur de soi.
Le 13 janvier 1941, il se rend à Princeton où il a rendez-vous avec Albert Einstein. L'entretien, très cordial, pendant lequel Wilhelm Reich expose ses expériences sur l'orgone à un scientifique bienveillant et intéressé, dura près de cinq heures. Ils conviennent que Wilhelm Reich lui envoie un petit accumulateur d'orgone pour qu'il puisse vérifier par lui-même certains résultats inexplicables par les lois physiques connues. Car le mouvement orgonal va du potentiel orgonal le plus faible au potentiel orgonal le plus fort (plus il y a de tension d'orgone, plus l'orgone attirera l'orgone, jusqu'à un point maximal où il se déchargera de sa tension excédentaire — nuages, attraction planétaire, mouvements galactiques, la tourmente en général précédant ce point de décharge), on constate que son principe est opposé au principe de Carnot qui dit que le mouvement des forces physiques va du potentiel le plus fort (haut) au potentiel plus faible (bas). Einstein l'assure que « si les observations se confirment, il soutiendra sa découverte ». Wilhelm Reich apporta lui-même ce petit accumulateur les premiers jours de février. Celui-ci fut installé sur une table dans la cave d'Einstein et aussitôt ils firent ensemble quelques observations. Einstein demanda à poursuivre ses observations pendant quelques jours encore et promit à Wilhelm Reich de lui écrire, ce qu'il fit dix jours plus tard. Dans sa lettre il confirmait d'abord ce qu'il avait observé lors de l'installation de l'accumulateur et les jours qui suivirent ; puis il indiquait comment l'un de ses assistants avait alors attiré son attention sur les « phénomènes de convection calorifiques existant dans la cave ». Cette réponse fut pour Wilhelm Reich un coup très dur. Moins d'une semaine plus tard, il envoya à Albert Einstein une longue lettre-mémoire d'observations qui balayait l'interprétation de son assistant. Einstein ne répondit rien.
En 1942, il publie La fonction de l'orgasme (version en langue anglaise, différente de Die Funktion des Orgasmus de 1927), ouvrage en grande partie biographique qui présente une synthèse de ses recherches.
Il trouve à acheter tout au nord des États-Unis, dans l'Etat du Maine, en pleine nature, un grand domaine qu'il baptise Orgonon pour s'y installer à résidence. Il y fait construire un ensemble comprenant sa propre maison, un laboratoire, un observatoire astronomique et une salle de cours pour ses étudiants, des annexes. C'est là qu'il développera la dernière partie de son œuvre, celle qui concerne surtout la biophysique de l'orgone. Plusieurs conférences internationales seront organisées dans ces lieux ... souventes fois agrémentées des vicissitudes du FBI lors de l'obtention des visas de frontière de ses visiteurs.
De son union avec Ilse Ollendorff (dont la biographie sur son mari est très intéressante), naît, en 1944, un fils : Peter. Son intérêt pour l'observation des nouveau-nés s'accroît, comme devant lui croît un petit être plein de vie. Il réaffirme avec vigueur l'importance d'une attitude préventive de la névrose chez l'enfant et l'adolescent.
Dans les années 1945, une violente campagne de diffamation se déchaînera contre lui. L'accumulateur d'orgone est devenu, sous la plume d'une journaliste, une boîte à érection et Orgonon (le laboratoire de Wilhelm Reich) un lupanar.
La dernière décade (1947-1957) sera marquée, toute entière, par ses démêlés avec l'administration et la justice états-uniennes, ce qui ne l'empêchera pas de poursuivre ses recherches sur l'énergie de la vie et de s'intéresser à divers phénomènes atmosphériques.
Suite à un article diffamatoire dans le Harper's Magazine, en 1947, les difficultés recommencent. C'est l'époque de l'utilisation intensive des accumulateurs d'orgone (acorg) avec la participation de patients. Ces accumulateurs lui vaudront de graves ennuis avec la pointilleuse Food and Drug Administration qui l'accuse de publicité frauduleuse et de charlatanisme, quand bien même il ne faisait pas commerce de ces accumulateurs, se contentant de les louer en contrepartie d'une participation aux frais et charges inhérents à cette location. Wilhelm Reich dénie à cette administration la moindre compétence pour juger de ses techniques thérapeutiques et encore moins de la plus simple des découvertes scientifiques.
En 1950, il crée, à New York, l'Orgone Energy Clinic, destinée au dépistage des maladies énergétiques (biopathies), et l'Orgonomic Infant Research Center, dédié à l'étude de la sauvegarde de l'enfant depuis le stade prénatal jusqu'à l'adolescence. Il écrit Children of future.
Installation définitive à Orgonon où, le 15 décembre 1950, débute l'expérience Oranur (Orgonotic Anti-Nuclear Radiation). Wilhelm Reich enferme une aiguille de 1 gramme de radium (radio-actif) dans un accumulateur à vingt couches situé dans la chambre des accumulateurs. L'objectif est de vérifier si l'orgone concentrée peut contrer les effets mortifères des radiations atomiques : la désintégration de la matière sera-t-elle contrée par la matière qui construit la vie ? Ce fut une catastrophe. Des souris situées jusqu'à une centaine de mètres de là moururent de cancer ou de déshydratation, l'ensemble des bâtiments était entouré d'une masse d'ambiance sombre, lourde, oppressante, les pierres se dégradèrent à vue d'oeil. Les oiseaux se turent. Tous les participants tombèrent gravement malades, le laboratoire était rendu inutilisable durant des mois. L'énergie de vie avait été excitée au plus haut point, comme rendue folle, ce qui l'avait vite épuisée et elle cherchait à retirer de la vie de tout ce qui l'entourait.
Wilhelm Reich avait déjà remarqué qu'un tube pointé vers le ciel au dessus de l'eau provoquait un léger souffle d'air visible par des rides sur la surface de l'eau. Il eut l'idée d'enterrer le « dor » (death orgone : l'énergie de vie épuisée, comme morte) en l'obligeant à retourner à la terre (l'orgone attire l'eau et l'eau attire l'orgone) ; en pointant une série de tubes reliés à un puits, sur le nuage de dor qui chapeautait les environs : le premier cloud-buster avait donné une solution au résultat de l'expérience. Mais il est évident que l'énergie nucléaire est incompatible avec une construction positive de la vie au sens végétal et animal du terme. L'utilisation industrielle de la décomposition de la matière est aberrante, dangereuse, nuisible et induit l’aberrance en raidissant plus encore la structure caractérielle des personnes par la production ici-et-maintenant d'une énergie de vie, de la vie, totalement épuisée sur lesquelles elle se répercute. On ne peut percevoir la vie qu'en fonction de ses propres sensations, et la vie épuisée sans satisfaction ne perçoit plus d'elle-même qu'une sombre souffrance.
En 1952, construction d'un cloudbuster (têteur d'éther) destiné à agir au travers de l'orgone atmosphérique sur la concentration ou la dissipation de l'énergie orgonale responsable de la formation des nuages ou des ouragans. Expérimentation durant l'été au Texas ; les journaux locaux signalent plusieurs pluies inespérées. La Superposition cosmique en résulte, bientôt suivie de Contact with space. Les déserts sont des endroits de la terre où s'est amassée, pour des raisons topologiques ou géographiques, une grande quantité d'énergie totalement épuisée, avide d'eau ; et on sait que l'eau c'est aussi la vie. En soutirant de ces endroits le dor, en rétablissant la faculté du lieu à attirer et retenir l'humidité, les algues et les mousses repoussent, et retiennent de plus en plus d'eau qui, à son tour, se prête aux gonflement et à la germination des graines de l'herbe ! Et l'herbe attire la pluie. Le monde est un organisme vivant, compréhensible comme un gigantesque ensemble que l'organisme humain est à même d'appréhender dans la mesure où il se considère lui-même comme un sensationnel organisme vivant. Une année ou deux avant que la forêt ne meurt, elle a perdu déjà son champ orgonal, il est déjà visible que son énergie a été épuisée, qu'elle ne retient plus l'eau.
La même année, un représentant des Archives Sigmund Freud, Kurk Eissler, vient l'interviewer sur ses relations passées avec S. Freud. Au cours de deux longues conversations enregistrées au magnétophone, il discute de son oeuvre et de leurs relations avec « ce grand homme, ce maître ». Il en résultera un livre très vivant : Wilhelm Reich parle de Freud. Cependant les archives du « maître » relatives aux relations épistolaires de Wilhelm Reich et de Freud, restent hélas hermétiques à la publication.
1954. Devant son refus de répondre à une citation en justice, parce qu'il estime qu'aucune cour juridictionnelle ne peut rendre de jugement sur aucunes découvertes scientifiques (souvenons-nous de Galilée et de son « elle tourne quand même »), le juge prescrit la destruction des accumulateurs et la destruction par le feu ses livres contenant le mot orgone car « l'orgone n'existe pas » (J. D. Clifford, juge états-unien dans son rendu de justice), c'est-à-dire de la majeure partie de ses oeuvres, considérées comme « propagande » ou « textes publicitaires » ! Le FBI vient chez lui détruire à la hache ce qui est qualifié de « machines à orgone » bien que les accumulateurs soient des instruments entièrement passifs.
En automne il part quand même pour l'Arizona où il réalise avec un cloudbuster l'opération OrOp-Desert. L'opération est télévisée ; les journaux confirment son succès : « Il pleut dans le désert et le désert reverdit ! ». L'orgone n'existe toujours pas.
Les dernières années de sa vie sont marquées par les tracas du procès et la recherches d'équations cosmiques. Condamné à deux ans de détention pour outrage à la cour, car un de ses assistant a été arrêté lors du déplacement d'un têteur d'éther (cloudbuster) à plus de 1000 km de là, Wilhelm Reich est incarcéré le 12 mars 1957 au pénitencier fédéral de Danbury, Connecticut. Le 22, on le transfère à celui de Lewisburg en Pennsylvanie où il se porte volontaire pour suivre un protocole d'expérimentation médicamenteuse, afin de voir réduite sa peine. Toute prison détruit, autant que ces protocoles, celle-ci tuera encore : Wilhelm Reich y mourra dans la nuit du 3 novembre. Il comptait se remarier avec une nouvelle compagne et aller vivre en Suisse pour y poursuivre libre ses études du vivant libre en train de vivre libre.
J'ai personnellement découvert que de vivre libre veut dire surtout être moi-même responsable de la vie qui m'est à échoir.
Divers textes de Wilhelm Reich.
Bibliographie exhaustive de Wilhelm Reich et sur l'orgone en langue anglaise, par James DeMeo : http://www.orgonelab.org/bibliography.htm