L'Èrotisme au stade agricole de la sociÈtÈ

 

acorgone : page d'accueil

 

De l'érotisme au stade agricole de la société

(Notedu 8 mai 2005 : devant l’importance qu’a pris cette amusante étude, le lecteur est averti que parfois le contenu de ce texte trouvera mieux sa place dans les trois autres parties qui font son ensemble : Les rôles , Unité de temps, unité de lieu et une dernière partie qui n’a pas encore trouvé son nom, qui paraîtront plus tard ; mais cet article est encore à l'état d'ébauche !)

À Annie Ribaud.

Première partie : le décor

L'objet de cet article fait notre commun à tous et pourtant combien sommes-nous à penser que l'organisation sociale, après être passée par différents stades de civilisations lointaines, en est toujours, depuis huit mille ans environ, au stade agricole de son évolution ? Peut-être l'avons-nous oublié, ou bien, submergés par les détails que génère ce type de société, nous n'en avons plus conscience. L'humanité a trois cent mille ans d'existence, en gros (ou même sept cent cinquante mille ans, si on prend pour référence la maîtrise du feu) ce qui est extrêmement peu au regard de l'existence même de la planète sur laquelle elle a pris forme (on dit que cette durée d'existence équivaut à peine à une seconde de temps comparée à la circonvolution du temps que l'on nomme une année, soit au 0,3 millionièmes, comparativement, de la vie planétaire), et ce que nous appelons présentement « société industrielle » fait toujours partie de la période socialement agricole, de ces huit mille ans qui se perdurent par nos propres vies, car l'état d'esprit agricole réside encore dans ce « stade » industriel, qui n'en est qu'une sorte d'exacerbation ; et notre intérêt à tous, moi compris, est de s'en apercevoir vite pour qu'il disparaisse d'autant plus vite !

D'autant que, si je procède au ratio, qui doit être inférieur à un pour donner un semblant de positivité, d'espoir ou d'optimisme, de l'aliénation présente, tant en charge qu'en qualité, sur le temps à courir qu'il reste à pouvoir trouver une solution pratique tant à cette aliénation qu'à cette destruction qu'elle produit à notre planète pour considérer que ce qui a été commencé et qui a esquissé d'être perçu comme irréversible dans cette voie de la destruction, cesse son action délétère, je suis loin d'être le seul à considérer ce rapport de ce qui n'est plus possible sur ce qui l'est encore comme bien plus que sensiblement supérieur à un ; c'est à dire que se trouve déjà bien entamé, que nous avons déjà bien entamé le stade de l'auto-destruction, la nôtre et celle de la planète, qui n'a que faire de nous mais qui nous permet de vivre (pour dire simple), sans que l'on ne puisse plus y faire quoi qui soit de réversible sinon que de subir ce stade durant un ou deux siècles où, durant ce temps qui passera alors selon son cours, plus aura été détruit davantage, puisque nous sommes dans une phase reconnue par tout un chacun comme croissante du point de vue du néfaste, encore que nous cessions radicalement ce que nous provoquons présentement ; et ceci est malheureux pour nos enfants. Dit d'une autre manière, si nous avons la soudaine (et bienvenue) et subtile véléité, pleinement conscients de ce que nous commencerions alors, de cesser tout à coup de faire nos conneries, il en a tant déjà de faites qu'il faudra encore au moins deux siècles pour que l'ambiance dans laquelle nous baignons aujourd'hui la vie retrouve celle qui la baignait auparavant de cette période « industrielle », c'est à dire qu'elle recommence à son tour à croître en vivacité. C'est noter, malgré tout, l'urgence de l'affaire.

Si je pose que cet état de fait malheureux est la conséquence d'autres entendements malheureux, je peux montrer ici quelques unes de ces erreurs graves, tenter d'en dénouer le sens, et surtout de les éclairer par des précisions pratiques de sorte que la compréhension du présent permette en substance d'y palier ou d'y remédier conséquemment. Il s'agit de décrire l'érotique de ce type agricole et d'en mesurer l'emprise présente sur nos vies.

Certainement que le style sans académie de cet article sera décousu car il embrasse large. Je demande son indulgence au lecteur, car en maints endroits la description ne m'a pas été facile et mon caractère étant ce qu'il est, il ne facilite pas toujours les choses. Que le lecteur reçoive par avance ma gratitude pour sa commensale générosité.

Qu'est-ce que le stade agricole de l'organisation sociale humaine ? Qu'est-ce qui caractéristique ce stade d'un autre stade de la civilisation humaine ? Nous allons essayer de le préciser.

Comme tout stade de civilisation, le stade agricole de la société est caractérisé par divers éléments, servant à son existence, qui le spécifient, le certifient et le pérénisent. Ces éléments sont simples à déterminer et correspondent aux solutions pratiques de problèmes pratiques dont la méthode de résolution est spécifique à son mode d'action qui correspond à son état d'esprit.

L'élément central caractérisable de l'érotisme situé au stade agricole de la société humaine, son unité, réside, subsiste et consiste dans l'assimilation de la sexualité humaine à la reproduction de l'espèce animalement humaine, c'est à dire dans le mélange confus de la sexuation (le fait d'être tout simplement sexué), c'est à dire de l'assimilation de cette « fonction » que l'on nomme « de l'orgasme », à la reproduction de notre espèce. Il s'agit ici du plus grave, triste et désastreux événement qui ait jamais pu advenir à l'humanité. Tous les malheurs qui suivirent le moment où a été précisée et assertie cette embrouille qui tourne autour de la satisfaction paire, en découlèrent, en découlent et en découleront encore tant qu'elle continuera d'être agissante, pratiquée, fabriquée dans les âmes et les corps qui composent cette humanité. C'est la source du malheur de l'être humain qui se perdure depuis environ 7 500 à 9 000 ans, depuis la naissance de l'agriculture, la « révolution néolithique » (Jacques Cauvin). Il fallait un jour, somme toute, que la connaissance du rôle de la sexuation dans la reproduction de l'espèce humaine arrivât un jour à la conscience de l'humanité, mais que cette connaissance eût pu provoquer tant de malheurs et de violence, est là une question, et un état de fait, qui laisse pantois. On va tenter de décrypter cette sombre affaire dans les lignes qui vont suivre.

Le premier problème pratique que tend à résoudre toute civilisation, c'est à dire toute organisation humaine s'organisant autour d'une cohérence qui est la sienne propre, est la survivance de ses membres et de l'organisation biologique qu'elle a organisée à ses membres ; cette survivance et cette organisation tournent autour de sa nourriture (production, approvisionnement et répartition), de son logement, la protection de ses membres, parfois, contre les intrus qui cherchent à profiter de son organisation, et sa perpétuation. Cette organisation se retrouve dans l'état d'esprit de ses membres, dans leur structure caractérielle sociale.

Dans toute étude de ce genre de civilisation, ce qui importe est bien plus l'orientation qui est donnée aux objets plutôt que les objets eux-mêmes. On a vu des singes se servir d'un bâtonnet pour aller quérir dans un terrier des fourmis, d'autres offrir des gourmandises dans telle ou telle vue, d'autres comprendre le fonctionnement d'un appareil et s'en servir d'une manière surprenante, d'autres arriver au même but par l'utilisation d'objets semblables mais utilisés d'une manière différente. L'objet par lui-même ne détermine pas le stade de civilisation de l'utilisateur, mais bien ce qui a orienté l'invention de cet objet afin de satisfaire un autre besoin qui correspond exactement au stade de civilisation dans et par lequel cet inventeur existe. De fait l'inventeur en soi est bien peu de chose, sinon que ce que fait de son invention la société dans laquelle il vit.

Ainsi, l'usage qui est fait du soleil, ou de la lune, dans les événements de la vie, ne diffère en rien selon que l'on soit dans une société de type cueillette-chasse, et\ou jardinage ou de type agricole (il peut arriver que ce type de société oublie même sa relation organique au monde), puisqu'il s'agit toujours, même dans les cas les plus complexes -- tel que le transgénique (la science du Clone Chimérique Brevetable pour mieux dire que « Organisme Génétiquement Modifié ») -- du simple usage de la photosynthèse ; mais le système d'accumulation des produits de son activité, lui, diffère, et notamment. Ici il n'y a pas d'accumulation, là cette accumulation est l'objet même du désir social. Ici on vit « au jour le jour », si l'on peut dire puisque les jours se succèdent aux jours dans tous les cas, là on prévoit à l'année la déficience, soit de la récolte, soit de la semence, car ce qu'on n'aura pas est ce qu'on ne pourra pas avoir l'année suivante, d'une part, et d'autre part, du fait que la société à l'érotisme de type agricole est hiérarchisée, c'est à dire que les gens sont organisés sous forme de tutelle dont le tuteur est toujours le pupille d'un autre, jusqu'à l'extrême de l'absence, de prévoir ainsi l'avenir libère certaines personnes, qui sont « plus égales que d'autres » (Georges Orwell La ferme aux animaux), du manque de manquer de la base même de ce qui donne l'existence -- je veux dire : la richesse de la nourriture des corps -- car d'autres personnes « moins égales que d'autres » y pourvoiront, de toutes façons, sinon que par une mort commune, ce qui n'est, bien évidemment, pas envisageable, ici ou là.

Un mot du stade antérieur au stade agricole : le stade antérieur au stade agricole est le stade de la cueillette et du jardinage.

La cueillette est le commun de toutes les civilisations. L'humain est un cueilleur; il est devenu ensuite un cueilleur-chasseur avant d'être un jardinier qui élève aussi des animaux domestiques ; et le stade du chasseur est un cas particulier de la cueillette. C'est commettre une erreur sémantique que de dire que l'humain est un chasseur-cueilleur quand il est cueilleur-chasseur, car le chasseur a presque toujours été l'humain mâle et le cueilleur a presque toujours été l'humain femelle et le rapport de l'un à l'autre, dans l'apport de la nourriture, a toujours été (sauf dans les cas extrême des Inuits, par exemple) d'environ 30% pour 70%, et le fait donc de donner la prééminence de la chasse sur la cueillette (alors que l'apport de chacun est l'inverse) fait oublier l'apport de la femme dans sa persistance dans l'approvisionnement du plaisir de la nourriture à l'humanité, et fait oublier la division des tâches qui a été ainsi instituée comme spécificité sexuelle, donnant une spécialisation permise ici par une condition musculaire et empêchée là par l'allaitement, du point de vue de la chasse. C'est une caractéristique de la société au stade agricole que de donner la prééminence au sexe mâle, alors que la réalité, cachée, est toute autre. J'entends de loin des « commentaires » qui disent que cet apport de moins de 30% de protéines dans la nourriture humaine est fondamentalement un saut qualitatif, en ce sens minimal que les femmes ont certainement apprécié cet apport de protéines, ce confort et qu'elles n'ont pas senti ou pas su sentir venir que générations après générations s'instaurait la prééminence de cet apport, et qu'ainsi s'est engagé un pas dans la patriarcat dont elles ne pouvaient plus ensuite se défaire. Oui, mais il faudrait aussi considérer le patriarcat, c'est à dire l'exploitation de la femme et de l'enfant par l'homme à des fins de commerce -- c'est à dire dont on a procédé à la séparation du corps et de l'esprit, au clivage de ce plaisir de jouir uniment de la vie, en vue d'asseoir cette exploitation même -- comme un saut qualitatif, et là nous ne sommes pas, sur ce point, du tout d'accord, car c'est toujours l'usage que l'on fait d'une aptitude qui conforte un état d'esprit, et non le contraire. C'est l'état d'esprit qui donne une solution à un problème donné et qui le fait adopté comme indispensable. Prenons le cas de l'élevage : celui des « petits bestiaux » (chèvres, moutons, porcs) est justement cette connivence des deux sexes à partager un égal plaisir que l'on a de vivre aussi avec de la viande au dîner. La grande part des personnes qui se sont penchées sur la naissance du patriarcat a corrélé l'élevage du « gros bétail » avec l'apparition de la société dont l'érotique est de type agricole.

Changent maintenant les conditions de cette cueillette, ou pas de cueillette du tout (sinon que sous forme de salariat, qui demandera d'autres explications).

Le stade suivant, dans lequel nous baignons nos idées, nos désirs et nos amours est le stade agricole, de l'agriculture : labour, semailles principalement de céréales (les autres graines étant de l'ordre du jardinage), sarclage, récolte, engrangement : la préoccupation fondamentale de la société agricole est l'accumulation sans fin, de l'autant que possible dans tout son possible, que ce soit de prévoyance, d'intention, de spoliation ou d'accaparement.

Au stade agricole, nous ne sommes plus exactement dans le stade du pastoralisme, ou de la simple cueillette et de la chasse. Et le jardinage est, pour moi (si vous me permettez cet aparté), l'endroit même de la transition de la société de filiation matrilinéaire à la société autoritaire, à filiation patrilinéaire. Le rythme du jardinage est le semestre, celui de la cueillette-chasse est saisonnier ; celui de l'agriculture est l'an.

Le pastoralisme est du type pérégrinant : il suit les faveurs du temps, des saisons, suivant une rotation ayant un centre autour duquel on tourne pour pourvoir aux besoins des animaux que l'on doit faire paître et qui vous nourrissent. Le rythme est l'année, mais les trébuches sont hasardeuses, comme nécessaires à l'existence pour l'agrémenter de taches colorées et sporadiques. On remarque cependant, par les retours aux endroits identiques, le cycle du sempiternel, que des graines produisent des fruits par le simple passage du temps de l'absence, que le grain posé là grandit, fleurit et fructifie. Si on a vite compris que le grain est le fruit d'un grain, dans la société de type agricole, la semence est considérée comme de mâle origine ; ce n'est pas le produit résultant de la jonction et du mélange des deux gamètes.

Je pense (vous me pardonnerez certainement cette petite digression) que la femme, qui a un sens du temps assez différent de celui de l'homme, a été l'initiatrice du jardinage : il me semble que c'est de l'ordre de l'intelligence féminine que d'anticiper le fruit par cette sorte de ruse de cette chaleur qui consiste précisément à garder une graine, de l'enfouir aux temps chauds naissants pour la voir fructifier un bon moment avant les temps glaciaux qui s'amènent. Mais je peux me tromper : ce qui n'a, pour ma démonstration, pas trop d'importance.

Le jardinage oblige à rester un temps, au moins égal à la demi année, en un même lieu. Il fallut donc que parallèlement on trouvât d'autres accords pour qu'une telle chose soit possible. Disons que cela a pu se passer, et que cela se passa (Lautréamont Les chants de Maldoror, Chant premier). La transition du stade de la cueillette et du jardinage au stade de l'agriculture ne me paraît pas fondamentalement difficile à partir de ce point. Ce qui, par contre, paraît difficile à comprendre, et qui pourtant lui est corollaire, c'est la transition de la coparticipation à l'autorité ; et qui c'est bien plus intéressant pour l'entendement de notre problème de l'heure et peut-être son solutionnement.

La différence des sexes ne se mentionne que comme plaisir commun et semble essentiellement faite pour cela. L'endroit précis où une de ces deux (et uniques !) spécificités a tant pris d'ampleur, de sorte que le mâle excède la femelle, n'est pas sans étonner ... et interroger. Une des caractéristiques du stade de la civilisation agricole est justement la prédominance du sexe mâle sur le sexe femelle auquel ce dernier dû se trouver assujetti (rendu objet) ... avec une somme assez considérable de conséquences qui spécifient, très exactement, la société agricole. Les dialogues d'un Socrate, par exemple, n'ont eu lieu, finalement que dans une organisation sociale de type agricole : la femme en était totalement éclipsée, comme en sous-main. Si, en ces temps de félicité culturelle, on parlait de « démocratie », déjà, il s'agissait d'une démocratie unisexuelle, puisque la femme n'y avait aucun droit, donc aucune participation ou co-élaboration.

Une civilisation, c'est un état d'esprit dominant : à propos de l'usage humain du soleil, prenons à nouveau ce cas, il est bien évident que si on consacrait ne serait-ce que 1% (un pour cent) des investissements accordés au nucléaire (je ne parle pas de ceux investis dans la naphte –le pétrole !-- qui, au final, sont incommensurables), TOUS les problèmes énergétiques que pose cette société agricole seraient résolus avec élégance ; mais l'élégance, comme le disait je ne sais plus qui, n'est pas de mise dans la société de ce type, car cette élégance implique une remise en question impitoyable de l'usage que l'on fait de l'énergie consommée ; et comme dit plus haut, l'objet même d'une société étant d'être elle-même, elle ne peut songer à sa propre dissolution, bien évidemment. Je veux dire que c'est cet état d'esprit, dominant notre société dont l'érotique est de type agricole, qui fait NE PAS voir la proportion de mon assertion de sorte à la prendre pratiquement en considération et qui, même si elle envisageait sa réalité, la dénierait car elle ne peut pas entrer dans sa « manière de voir », ne pouvant y correspondre elle ne peut que la rejeter, l'écraser ou la juger inconvenante.

~oOo~

Loin de moi de dénigrer les agriculteurs : à l'origine de la société agricole nous étions, par le nombre, effectivement les bras, le coeur, le nerf, et la tête d'un système agricole coparticipatif. Nous fûmes ensuite, par le nombre, effectivement les bras, le coeur et le nerf, et en rien la tête. Si les agriculteurs sont aujourd'hui en Europe d'un faible effectif, c'est que les bras, le coeur et les nerfs de ce système se sont déplacés dans ce que l'on nomme les « ouvriers » ou les « employés » : c'est bien plus un état d'esprit qui régit les actes de la vie de tous les jours et de la plus grande partie des êtres, que de simples actes séparés de leur intention : on sera toujours dans l'obligation de retirer des fruits nourrissants du sol, seuls diffèrent les moyens de nous en pourvoir et de les distribuer. C'est bien plus ce que l'on fait de la nécessité de l'approvisionnement qui est important, dans un type précis de société, que l'action même de cet approvisionnement ; bien plus le mode de l'action que l'action en soi, qui est conditionné par ce mode de l'action.

Par exemple : la particularité que le jardinage soit du fait féminin n'a jamais incommodé qui que ce soit dans la société de cueillette et de jardinage, où existe par définition la coparticipation des deux sexes, mais cela lui est advenu particulièrement pénible dans la société agricole, car la charge qui lui incombait alors, socialement, ne lui a plus du tout correspondue : elle s'est trouvée séparée de son action sur le monde, le sien, action de laquelle elle retirait anciennement le plaisir de vivre au monde, et cela lui posa question, d'autant qu'elle, la féminin, aura toujours la transmission de cet état d'esprit du monde dans lequel elle vit, que celui-ci lui agrée ou non, sinon que de vive force, par les soins post-nataux. Car cette séparation changea fondamentalement son activité vitale en travail, en labeur (labeur et labour ont exactement la même étymologie, en latin).

Le mode de culture du type cueillette-jardinage diffère du mode de culture de type agricole : bien qu'ils aient en commun de deux fouir la terre arable afin de l'ensemencer pour en prévoir une récolte, c'est là leur seul point commun. La dissemblance réside dans l'état d'esprit dans lequel on opère ces actes somme toute évidents : il me faut insister ! Ici on utilise un bâton fouisseur, là on utilise l'araire, ici le bâton sert à fait tomber le grain qui pousse « naturellement », là le bâton sert à faire avancer l'animal qui tire le soc. Et pour passer de l'un à l'autre de ces usages, il faut, vraiment, un état d'esprit.

Par contre cela amène, semble t-il, à quelque chose qui n'est pas du tout, académiquement, clarificateur. L'érotique de la société agricole réside en d'assez simples préceptes, et un particulièrement dominant : celui du manque et de la crainte du manque ; toujours, dans l'érotisme agricole, on ne voudra pas se donner en pure perte (au temps qui passe, à la résolution réelle d'un problème, par exemple) car il en manquerait un trop supposé (un trop établi par définition comme ne pouvant être jamais atteint), je veux dire que : si vous dispensez trop de ce que vous avez, vous cessez de penser au nécessaire des semailles qui sont à venir, vous manquez doublement à votre avenir qui est de beaucoup l'empreinte de votre présent : c'est l'accent de la retenue. Dans la société de cueillette, on se voit pourvu en nécessaire au moment opportun ; dans celle du type agricole, ce moment est toujours incertain ou non-encore-avenu dans un au-delà ayant la mesure de l'an.

Cet état d'esprit explique beaucoup de choses. D'une indispensable prévoyance (le fait de devoir garder par-devers soi du semis pour envisager une récolte) nous en sommes venus, au stade agricole, à anticiper ce manque comme un indispensable besoin ; et une des conséquences majeures qui en découle est que d'autres personnes se pencheront, à votre place, sur ce besoin (besoin qui devient ainsi une nécessité pour d'autres, que d'autres, qui se disent plus égaux que vous, envisagent à votre place, sans que vous puissiez un jour concevoir pratiquement une solution autre que celle qui vous est proposée), ce qui vous amènera simplement à vous faire agir sur le précepte même (le manque pour un autre) de ce qui vous semble être votre besoin ; et ce besoin revu et corrigé est utilisé à l'escient de ces égaux (étant ce que vous désirez être, et seulement cela puisque vous faites vôtre ce qui est du ressort de l'autre) en pillant votre nécessaire pour vous donner une raison d'être, à la finale, qui consiste à continuer à vivre de labeur : cette structure caractérielle sociale, dont chacun s'en fait une part, perdure depuis environ neuf ou sept mille cinq cents ans.

Dans ce contexte il y a donc un érotisme, une excitation à la vivacité de la vie vivante dans une interprétation sociale précise de la vie qui passe et qui est d'ordre « sexuelle », (Sigmund Freud Introduction à la psychanalyse), c'est à dire une manière de s'exciter mutuellement l'é(té)rogénéité et tout ce qui l'entoure selon des dispositifs sociaux, ces diverses justifications qu'on nomme pudiquement « conventions sociales » ou « religions » ou « lois » qui réglementent les relations socio-affectives entre les spécificités sexuelles humaines (il n'y en a que deux, quoi qu'on en dise, sous les formes qui leurs conviennent), relations qui deviennent des rapports dans la société de type agricole et qui réglementent les apports sociaux des uns aux autres, des uns et des autres.

Un mythe satisfait à un état de fait : il corrobore par la théorie la description avantageuse, une prescription évasive des relations sociales qui le créent et qu'il explique. Pour nous, ce qui est intéressant dans un mythe est de tenter de trouver ce qu'il corrobore, ce qu'il certifie, ce qu'il explique aux esprits, à l'être pensant, pour que ces derniers n'aillent pas voir ailleurs une autre explication à la vie et de la vie, de sorte que la société qui crée ce mythe conserve sa cohérence. L'histoire du mythe passe par un rêve agréable, ou un cauchemar, qui trouve des mots qui sont répétés de bouches à oreilles et, ensuite, et bien après, écrits. Le fait d'écrire le mythe lui donne l'universalité qui correspond à l'écriture, c'est à dire la certification, le contrat et la pérennité : il trouve par là sa rigidification.

Il est indéniable que, dans la société à l'érotisme agricole, l'assujettissement de la reproduction de l'espèce à la sexualité, le mot pudique pour préciser la sexuation de notre espèce, apporte une immense restriction au plaisir de vivre, de participer à la vie, de la confondre en nous, en soi, en moi, en toi. Cette restriction va bien sûr se diviser en une multitude de détails dans laquelle elle cherchera à se perdre pour perdre davantage les êtres libres dans ses méandres et s'en faire admettre. Dans le cadre de cet assujettissement, et sa justification dans le mythe, il se trouve une distorsion certaine de la vérité, de ce qui est correspondant entre « le dire et ce qui est » et leur fusion, c'est à dire un frisson certain relativement à leur correspondance ; la vérité est une fusion éphémère et frissonnante entre « le dire et ce qui est ».

Il y a un phénomène que nous n'arrivons pas encore bien à saisir, qui est celui du comment peut-on passer, et l'admettre, à la restriction du plaisir des corps dans l'idée que cette relation ne devienne plus qu'utilitaire. J'ai une fois entendu la petite histoire d'un peuple encore vivant de nos jours qui n'a pas séparé la sexualité de la vitalité, et j'ai ouï la petite histoire dans l'histoire selon laquelle un mâle reprochât à un jeune couple en goguette d'avoir été s'aimer au fond d'une grotte, ce qui aurait eu pour conséquence d'irriter une sienne idée du monde qu'il matérialisait dans un dieu (pas une déesse ! un dieu), celui de la grotte. Je me suis dit que, ça y était, il y avait là un élément de la transition de la société à filiation matrilinéaire au patriarcat -- qui peut même s'exercer dans une société matrilinéaire (je m'occuperai bientôt de la traduction d'un petit livret qui démontre cette possibilité de l'assujettissement de la soeur au frère bien que la filiation -- ou peut-être : à cause de ? -- soit d'ordre matrilinéaire : Bronislas Malinowsky La paternité dans la psychologie primitive). Il n'y a pas ici à proprement parler d'assujettissement de la sexualité à la procréation, mais il y a ici indubitablement une restriction au plaisir de vivre en prenant pour cause d'une irréalité qui, plus est, est réalisée verbalement sous la forme mâle. Vous me demanderez comment donc les personnes ont pris cette recommandation stupide à leur yeux, sans doute, pour du pain blanc, et je vous répondrai que dans ce genre d'affaire, il ne s'agit toujours que de provoquer une angoisse sans base réelle, comme proprement irréelle, afin que cette angoisse, ne trouvant pas de résolution pratique (puisqu'elle est irréelle), perdure et gêne le rapport plaisant qu'on a au monde. Nous le savons bien, tous autant que nous sommes, ne le dénions pas, s'il vous plaît ! C'est le fondement même de l'interdit : l'irréalité pratique (paradoxe !) est, dans ce cas, la source de l'angoisse, sinon il ne serait plus possible d'interdire, puisqu'il y aurait une logique pratique immédiatement préhensile dans ce qu'on recommande de ne pas faire, et qui donc ainsi relaxe l'angoisse de sa réalité.

Il est indéniable que l'assujettissement de la procréation à la sexualité comporte certains inconvénients. Et là, permettez moi, je vais être grave. La première source de régulation des naissances, dans une société où la sexualité n'est pas liée à la reproduction de l'espèce, n'est pas obligatoirement la mort en bas âge des bambins, n'est pas les morts dus à des guerres (les rares fois qu'il en a dans une société de jardinage et de cueillette), n'est pas dans les maladies telles que celles qui rongent le coeur et le corps du Jacob biblique (pouah !) et toutes les facéties inventées par le « multipliez et croissez » ; la première source de régulation de l'humanité par l'humanité est son humanité, que cela vous en décoince un morceau, que diable ! C'est à dire que la première source d'une maîtrise de la croissance de l'humanité n'est pas le confort moderne ou ancien, mais le fait que l'humain est tant responsable de lui-même que cette humanité se vit dans la fertilité conjointe des deux sexes, car ils en sont innément responsables. J'en veux pour preuve la simple régulation du nombre parfaitement proportionnel entre les deux sexes sans que ceux-ci (ou même quand ceux-ci) y soient volontairement pour quelque chose. La fertilité des Trobriandais a étonné le monde entier des Chrétiens, mais pas eux, qui trouvaient cela naturel : ils naissaient, dans une société monothéistement pandémoniale, d'une régulation de la natalité telle que le monde de ces gens se suffisait de voir la jeunesse croître, la maturité atteindre sa pleine amplitude et la vieillesse heureuse de ses jours dans un espace qui leur suffisaient. Le seul fait de ne pas lier véritablement (c'est à dire par un frisson certain) la sexualité à la reproduction de l'espèce, j'entends bien de ne pas lier le plaisir sexuel à la procréation, fait qu'un peuple entier se régule dans sa croissance de sorte à rester dans les murs de son environnement avec aisance et espace, dans ses limites naturelles de croissance propre à pouvoir en jouir encore. La régulation de l'humanité par la présomption du morbide (guerre, maladies épidémiques, restriction du plaisir de vivre, etc.) ne se fait sentir que dans le cadre agricole de la société humaine.

Le deuxième problème (moment hégélien) que pose la transition entre ce temps de vive selon sa vivacité et sa participation libertaire, et non pas licencieuse, à celui de la répression de cette expression de l'amour par la sexualisation du rapport humain (c'est à dire la séparation de son âme et de son corps) est celui de l'assujettissement de la personne humaine à une autre personne humaine. Et bien sûr cela ne peut commencer que par l'assujettissement de la femme. Autrement dit, le noeud du problème pourrait résider dans l'usage de la force musculaire mâle sur le féminin. Oui ... ce n'est pas une explication suffisamment satisfaisante pour moi : « nécessaire mais insuffisante », dirait un réprouvé. Pourquoi user de sa force musculaire contre quelqu'un ? Quel peut être le cadre de l'usage de la force où cet usage provoque cet aboutissement qui est la restriction du plaisir de l'amour sans que cet usage, qui n'est pas favorable à l'amour expansif et réalisé, soit réprouvé par la communauté ? Et dans ce cadre, quel est le prétexte pour le faire ? Il a donc bien fallu admettre que quelque chose eut lieu, d'absolument (pour l'instant) incompréhensible, qui transforma le cadre de l'égalité coparticipatrice en cadre de l'assujettissement qui est de cet sorte de cadre d'égalité agricole de la ferme aux animaux de Orwell où nous sommes tous égaux, certes, mais où certains sont plus égaux que d'autres, et où les autres l'admettent, vaille que vaille !

Et si vous désirez un troisième problème, qui est la conséquence du deuxième, celui-ci résidera dans la satisfaction d'éprouver de la satisfaction dans une rétribution par les choses, c'est à dire qu'une chose peut remplacer le plaisir de vivre lorsqu'on rentre en possession d'elle, en lieu et place du plaisir profondément éprouvé dans le caractère de l'acte d'amour qui passe par les êtres ; la transformation de l'amour qui manque en fétiche.

On voit assez facilement que tout cela est fortement lié : la répression de l'expression amoureuse, l'assujettissement de la personne, son acceptation (celle qui renie son état d'être pensant et agissant comme proprement responsable sans en référer à quiconque qu'à ses propres idéaux qui sont parfaitement et véridiquement -- c'est à dire par un frisson certain -- vécus par et dans le plaisir) du remplacement par la chose dans la relation humaine vécu par défaut, par défaut d'affectivité, bien évidemment, car par ce cas devenu particulier tout s'écroule des véritables relations humaines.

~oOo~

Le plus vieux livre du monde, dit-on (aussi vieux, sans aucun doute, que ce que l'on considère comme le plus vieux métier du monde : la prostitution, c'est à dire la vente des « charmes », par un mec, de la femme à un autre mec, ou d'elle à un projet qu'elle a de différent que son devenir intrinsèque, de passage, ou de ceux d'un politicien au commerce, d'un syndicat au patronat, etc.) doit certainement contenir quelque chose qui corrobore l'ordre de l'érotique agricole. Je vais tenter de vous présenter quelques observations relatives à cette manière de s'exciter, d'exciter la vivacité engourdie, que j'espère non moins intéressantes comme clarification de notre cas non moins engourdi, que voici.

Il y a un mythe basé sur un autre mythe plus vieux de quelques centaines d'années, sur lequel on a tenté et réussi une quantité de malversations en vue de pourvoir à une malveillance que l'on possédait dans le coeur qui fait agir les bras. Les « dires de Jésus » (Ernest Renan La vie de Jésus) sont le premier mythe et le second est « la naissance de l'humain » dans les trois premiers chapitres de la Genèse. À l'attaque ! Voyons ce qui a été élaboré pour justifier la crainte de la profondeur, depuis environ douze à huit mille années :

Au commencement était la terre, que dieu avait auparavant créée, et sur cette terre, ce même dieu a créé un jardin enclos (II-8). Dans ce jardin, il y mit ce qu'on considère comme notre ancêtre, qui n'avait pas encore de nom : il était, point, jusqu'au verset II-19. Mais il l'avait, ce dieu, doté d'une sorte de discernement, de sorte qu'il puisse distinguer, dans le beau et grand jardin qu'il lui avait composé, d'entre tous les arbres, un seul arbre auquel ce dieu créateur lui interdit de goûter des fruits. Ainsi ce dieu fut le créateur du bien et du mal, car il est déjà mal que cet ancêtre puisse faire quelque chose qu'il lui est interdit de faire et ce faire est de toucher à cet arbre comme à part de la vie, et qui lui permettrait de distinguer d'entre le bien et mal.

Et quel est ce premier mal ? Quel est ce mal initial ? De toucher au fruit de cet arbre ! Quelle est donc l'intention d'un tel dieu lorsqu'il crée un tel arbre, qu'il pose au milieu du jardin d'Éden, que l'on ne doit pas distinguer et que l'on ne peut que distinguer à la fois d'entre tous les autres arbres ? Quel est l'intention d'un tel dieu, lorsque déjà, de ne point toucher au fruit de la connaissance du bien et du mal cela est le mal par absence. Comprends-tu ce que je te dis : le mal par absence. Quel est ce dieu qui peut composer une telle circonvolution dans le possible du discernement qu'il a doté afin que de ne pouvoir saisir la réalité de ce discernement que par un manque de discernement qui est de toucher à l'arbre du discernement ?

Comme dieu voyait que ce seul fait d'être était un ennui, car il vit, lui, dieu, que notre ancêtre s'ennuyait, il a créé d'une de ses côtes (dont on n'a jamais trouvé quelque part le manque ou la cicatrice, à moins qu'elle ne soit symbolique !) une compagne "une aide semblable à" lui (II-18), pour ainsi le distraire : ce que seul peut faire un dieu, d'une côte, une distraction pour des heures sans histoires.

Mais c'est précisément là que commence l'histoire, la tienne, telle que tu l'interprètes : la création par dieu de la femme, dont il est ainsi prouvé qu'elle est de la même chair que la tienne, c'est à dire aussi similairement dotée que toi de ce discernement qui est de n'en point faire usage, sinon sous peine de la perte du discernement qui écarte de la vie qui est agréable à ce dieu, discernement qui est précisément de ne rien discerner, puisque si tu discernes, tu as la connaissance du bien et du mal qui est le manque de discernement par excellence selon ce même dieu créateur. Ceci est dit rétrospectivement car il n'est mentionné nulle part les conséquences réelles propres à une réelle prévention de la catastrophe, dispositions préventives à un acte par toi accompli qui serait mauvais, c'est à dire qui te doterait du discernement d'entre le bien et le mal dont dieu ne t'avait fourni qu'une faible part, en tous cas insuffisante, puisque sans ce discernement tu ne puis discerner entre le bien et le mal, sinon que "certainement" par l'atteinte de la mort, ou bien par une condamnation à la mort (II-17). Hors, ils sont restés vivants ces humains damnés, puisque, plus tard ce dieu les condamnera à vivre (sinon je ne serais pas là en train d'écrire ce que j'écris, selon ces dires) mauvaisement (quel dieu !) selon les critères paradisiaques que lui-même avait auparavant établis.

Il y avait donc un jardin, de dieu fait, dans lequel il mit un humain de sexe mâle (puisque l'on ne peut être sexué que binairement, par relation à un autre sexe, en toute logique on n'aurait pu distinguer le sexe de ce premier humain mais ici, il est d'emblée spécifié qu'il s'agit du sexe mâle), seul, auquel ce dieu interdit de toucher aux fruits d'un arbre, dit de la connaissance ou de la science, humain qui s'ennuyait à mourir et auquel ce même dieu a donné une compagne, c'est à dire a créé un humain de sexe femelle, afin de lui égayer les jours et les nuits que ce même dieu s'était auparavant amusé à créer, apparemment sans aucune responsabilité aucune quant à des conséquences fâcheuses. Quel est ce dieu irresponsable ? Irresponsable de créer un jardin avec un arbre dont le fruit est interdit d'être mangé, irresponsable de créer un humain seul et irresponsable de créer un autre humain, dit de la chair du premier, mais comme complémentaire, en tout cas suffisamment complémentaire pour sortir du mortel ennui le premier humain qu'il a déposé dans son jardin ? Un dieu qui reporte son irresponsabilité sur des créatures qui n'ont finalement rien demandé et qui sont, par définition, bien moins loties en discernement que le dieu qui les a créées ?

Je vais immédiatement décrire dans ce paragraphe qui suit ce qu'était ce jardin d'éden, ce paradis, auquel tu aspires encore présentement dans ton enfantillage, en le comparant, par le négatif, à cette punition que dieu a infligé à ses créatures pour ne lui avoir pas obéi alors qu'elles ont mangé du fruit de l'arbre qui octroie le discernement du mal du bien et ainsi la connaissance.

·         les serpents ne rampaient pas sur la terre, autrement ils n'auraient de toutes les façons aucun des devoirs postérieurs qui est de se faire marcher dessus, et ces serpents ne mangeaient pas de la terre (ils ne le font toujours pas, d'ailleurs) : il doit y avoir ici une signification cachée, comme le dessein de dieu de créer le monde de cettemanière et ce qui s'ensuit ;

·         il n'y avait pas encore d'inimitié entre l'humain de sexe femelle et le serpent, et il ne s'agissait pas encore de distinguer entre eux deux une quelconque race ; puisque le serpent ne marchait pas sur terre, l'humain de sexe femelle ne pouvait bien sûr pas marcher sur la tête du serpent de sorte à la briser, et le serpent n'avait aucune propension à mordre le talon de l'humain de sexe femelle contre son gré, tel le commandement qu'il reçut plus tard de dieu (III-15) ;

·         l'humain féminin n'était pas affligé des maux de la grossesse et n'enfantait pas dans la douleur (mais ... c'est quoi une grossesse, dans ce paradis de délices ? un autre paradis ?)

·         et l'humain féminin n'était pas sous la puissance de son "mari", l'humain mâle, qui la dominera : mais c'est quoi ça, de quoi il s'agit là ? Il y avait une égalité, au paradis, entre l'humain de sexe femelle et l'humain de sexe mâle, et une des conséquences de la perception du mal et du bien est une dissension dans cette égalité, dissension où l'un doit dominer l'autre comme punition affligeant les deux êtres (car il est bien plus loisible aux deux êtres de vivre égalitairement, n'est-ce pas ?) lorsque l'un retire manifestement un avantage, puisque qu'il domine l'autre, et comme par hasard il s'agit de celui qui déteint une force sur celle qui ne la détient pas, qu'il ne se met plus à disposition des deux sexes, mais au sien propre. Et tout cela pour quoi ? pour avoir goûté du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, ce qu'on nomme le péché originel, ce pour quoi on devrait être coupable par avance ;

·         ensuite Adam n'écoutait pas la voix de sa femme (III-17) ; enfin, si, il l'écoutait mais avec confiance, sans qu'il pût un jour (oui, les jours existaient déjà) se douter (le doute : je ne sais pas, justement : ça c'est important) qu'en écoutant sa compagne il put advenir une catastrophe. Mais la femme, elle, a-t-elle douté de la créature de dieu qu'est le serpent : comment douter d'une créature de dieu dans un paradis de délices ? Quel est donc cet intrus de serpent qui fait agir l'autre sans qu'il se doutât des conséquences de cet agissement, ou bien qui remette en doute la sincérité qui régnait dans ce paradis de délices où la grossesse et l'enfantement étaient une joie.

·         car l'humain femelle n'a pas à se douter des conséquences de son agissement en agissant selon les sollicitations du serpent, puisque le serpent est une créature de dieu et que la condition même du paradis est l'absence de doute : vous êtes d'accord, j'espère ? Que serait un paradis de délices s'il s'y insinuait le doute ? En conséquence, dans un paradis le doute n'existe pas, ni chez le serpent, ni chez l'humain femelle, ni chez dieu !!! Mais alors c'est quoi cette histoire d'arbre de la connaissance : serait-ce de reconnaître le doute après en avoir mangé les fruits ? c'est à dire la distinction entre le bien et le mal susceptible d'être contenu chez l'autre ? autrement dit de mettre le doute comme princeps de la relation à l'autre, qui plus est, par la parole, le Verbe qui vous provient de dieu ? Quel est ce désir d'entendre chez l'autre ce que l'on pense soi ?

·         Et comment l'humain de sexe femelle n'a-t-il pas distingué, après qu'elle eut mangé, elle, du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, ce bien et ce mal de sorte qu'elle en dispense son compagnon, l'humain de sexe mâle ? Que n'a-t-elle pas eu, elle, cette connaissance acquise pour ne pas en donner à son compagnon afin de le dispenser du doute de l'autre, puisqu'elle aurait dû, elle, avoir cette connaissance en mangeant ce fruit ? Il devait bien y avoir quelque chose de jouissif dans ce savoir, cette connaissance pour qu'elle daigne en faire part à son compagnon, non ? sans se douter des dangers d'une catastrophe ? Car ce qui est important dans cette affaire est de ne connaître pas le bien mais davantage de reconnaître le mal.

·         le serpent, lui, ne pouvait manger du fruit de la connaissance, sinon, serait-ce pourquoi il a sorti ses sornettes à l'humain féminin ? Et puis, d'abord, quel est le sexe de ce serpent : s'il eut été femelle, eut-il tenté de dévoyer des vues de dieu l'humain de sexe mâle ?

Qu'était-il encore dans ce paradis qui a été perdu qu'on puisse découvrir par le négatif :

·         que la terre n'était pas maudite et qu'on n'y dût pas en retirer sa subsistance par le travail. Auparavant de la catastrophe, qui consiste en la prise de la connaissance du bien et du mal, l'humain sans spécificité sexuelle, (elle ne lui sera donnée que par apposition à une compagne -- que peut bien être un sexe seul : peut-être d'ailleurs était-ce là la teneur de l'ennui de l'être seul ? ) "cultivait et entretenait le jardin" (II-15) ; dorénavant il devra travailler et hors de ce jardin. Et à cause de quoi ? d'avoir été mis à même de distinguer d'entre le bien et le mal, qu'on nomme ici "expérience", là "science". Hum hum : le serpent aurait donc proposé à l'humain femelle, que dieu aurait octroyée à l'humain de sexe mâle afin que celui-ci ne s'ennuyât plus, de faire une expérience, ou une science du plaisir sexué, avec l'humain de sexe mâle, qui n'a trouvé rien à redire, mais dieu oui, et gravement ;

·         la terre n'avait pas d'épines, ni de ronces, et les humains ne se nourrissaient pas d'herbes. Ces humains ne mangeaient pas de pain aromatisé à la sueur de leur front et ne mouraient jamais, bien qu'ils soient de poussière, ou de poudre, après qu'ils durent perdre leur eau pour cause de mort dont ils ne connaissaient rien ;

·         mais ils n'avaient pas encore tâté de la volupté de la sexuation pour la procréation. Ils durent donc copuler gratos avant que dieu ne s'en aperçoive, le jaloux, car lui n'avait pas la possibilité de ce bonheur du mélange des corps, car c'est cela qui rend véritablement semblable à dieu, vu que lui n'en avait qu'un corps, ou pas du tout, suivant le point de vue où on se place. La connaissance est donc bien celle de la sexuation de l'être humain ;

·         ainsi, dans le paradis il n'y avait pas de descendance, de grossesse, d'enfantement, il n'y avait que deux êtres : Adam et "sans nom", tous deux stériles, n'ayant peut-être même aucune connaissance de leur sexuation : rien n'est dit à ce sujet dans ce livre vieux comme le plus vieux métier du monde. Mais dès lors qu'ils sont jugés par dieu pour avoir fait ce que l'on sait, la sexuation des deux personnes prend matérialité, et principalement dans la grossesse et l'enfantement qui deviendront de douleur obligatoire. Intéressant non ? C'est d'ailleurs à ce moment que l'humain femelle reçut de l'humain mâle un nom qui a été celui d'Eve "parce qu'elle est la mère de tous les vivants".

Et dieu, sarcastiquement, après leur avoir démontré l'existence de leur sexuation et après avoir vêtu Adam et « sa femme » d'habits de peau, dit, sarcastiquement : « voici l'humain mâle Adam devenu comme l'un de nous (ce qui est faux, archi-faux !) sachant le bien et le mal. Empêchons donc maintenant qu'il ne porte la main à l'arbre de vie, qu'il en prenne aussi le fruit, et qu'en le mangeant il ne vive éternellement ». Après s'être adressé en ces mots uniquement à l'humain mâle, dieu les bouta du paradis, non sans en prévoir (il est donc capable de prévisions, ce dieu !, d'anticipation, lui qui est doté innément de la connaissance du bien et du mal sans pouvoir la pratiquer étant, lui, dépourvu de sexuation) des tentatives de retour puisqu'il disposera devant l'entrée de ce paradis (avec porte ou sans porte ?) des gardiens dotés de « glaives flamboyants » ... et l'aventure commença à la fin du chapitre III de cette genèse monodéiste (la caractéristique première d'une religion monodéiste est de ne faire référence qu'à UN seul dieu alors que l'humanité est binaire : mâle ET femelle).

(J'utilise le mot monodéiste, à la place du mot monothéiste, car n'étant en rien déiste, je ne puis m'accorder à l'existence du théisme)

Ainsi, pour ce qui est de la perte du paradis, l'humain mâle en a reporté la responsabilité sur la femme, qui a été « séduite » par le serpent ; c'est à dire que l'humain mâle a inventé un serpent pour décharger sur sa compagne, l'humain féminin selon toi doté d'une sexuation faible, ta défaite qui est celle du discernement d'entre le bien et le mal, la perte du paradis, du sien donc (n'y fut-il pas l'unique dans ces prémices du temps ?) sans qu'il donna une explication ni à ce système morbide, ni à sa raison d'exister, sinon qu'une vengeance, selon moi. C'est quoi « être séduite pas le serpent » ? de ton point de vue de mâle ? C'est qu'elle a été séduite par ta spécificité sexuelle, par le fait que tu sois l'humain mâle auquel elle répond comme tu te devrais de répondre, de répondre à sa spécificité sexuelle d'humain femelle. Et ce qui unit, comme les réunit, ces deux spécificités sexuelles est l'amour : le don de soi à l'autre sans même qu'on en ait la connaissance, alors même qu'on en a plus la connaissance, ni même la possibilité de connaissance : le don de soi ; et je puis affirmer sans me tromper que la perte du paradis est justement cette perte de l'amour, de ce qui vous unit avec félicité et bonheur, pourquoi ne pas le dire, avec paradis. La notion de coulpe provient du mâle qui n'agit plus en coparticipant au bonheur commun et qu'il veut que ressente la femme afin de la dominer sans avoir lui cette coulpe lorsqu'il voit celle que lui montre sa compagne. La symbolique (et le stricte résultat physique atteint) de la circoncision ne réside que dans le rejet physiquement matérialisé de toute volupté commune avec ta compagne devant dieu : la femme ; et cette « symbolique » est essentiellement une réalité bien triste.

Ainsi, la relation faite, dans les trois premiers chapitres de la Genèse, de la perte du paradis est non seulement, comme Wilhelm Reich l'a noté (Le meurtre du Christ), la perte de la possibilité d'acquérir ce paradis ici et maintenant par la satisfaction sexuelle paire, mais aussi, plus précisément, la description, la modalité de cette perte : l'« arbre de la connaissance » représente la connaissance de la paternité par l'humain mâle (au milieu de tous les autres arbres et auquel il ne faut pas toucher) et toutes les conséquences qui en découleront suivant effectivement ce qu'il en est advenu jusqu'à présent ; le « serpent » représente l'insidiosité de l'amalgame de la satisfaction sexuelle (la satisfaction que procure la sexuation) à la sexualité comme mode de reproduction de l'espèce : plus précisément, le caractère insidieux de la tentation du plaisir que provoque de satisfaction la sexualité humaine et ses conséquences patriarcales qu'est la possible grossesse ; le « fruit » représente l'enfant que la femme, trompée par la perte de la coparticipation au monde de l'humain mâle, donne à l'homme ; le « bannissement de l'homme du paradis », l'effectivité de la perte de la satisfaction paire que les deux sexes ont égarés du fait même de l'acquisition de cette connaissance. La colère de ce dieu obtus correspond finalement à l'égarement dans lequel l'humanité, qui ne se connaît plus puisque séparée de son plaisir au monde qui est un monde de sexuation, reconnaît sa pensée qui ne se manifeste plus que dans la violence incompréhensible, arbitraire et obstinément obtuse en la décrivant et en décrivant le monde à son image.

Tu vas me demander, ô cher et perspicace lecteur, qu'est ce qui me permet d'affirmer que la sexualité humaine n'a rien à voir, n'a pas de relation directe avec la reproduction de l'espèce, mais qu'elle est bien orientée obstinément vers la satisfaction de vivre que cette satisfaction sexuelle procure : tu as raison. On trouve pourtant, chez Margaret Maed, dans son Moeurs et sexualité en Océanie « les Samoans estiment que la promiscuité est punie (sic) de stérilité et inversement que de concevoir ne peut-être que la récompense (re-sic) d'une monogamie prolongée » (p. 439) et aussi : « L'on en veut, modérément, à la femme (sic) stérile : c'est son inconduite, estime-t-on, qui est la cause de ce (sic car non pas ses) malheur(s) » (p. 519). On trouve aussi, chez Marilyne French dans son La fascination du pouvoir (Acropole 1986) p. 62 «[Les Mbuti –- Pygmées du Zaïre--] permettent aux jeunes de vivre leur sexualité dès son éveil en eux, bien que ce soit sous une certaine surveillance. Pour une raison mal définie, il semble qu'aucune femme ne devienne enceinte avant le mariage. » Néanmoins c'est surtout pour avoir traduit le livre de Bronislas Malinovsky La paternité dans la psychologie primitive que cette idée selon laquelle la sexualité humaine n'a rien à voir avec la reproduction de l'espèce animalement humaine, c'est certifiée : on y trouve, par exemple, « si l'étreinte sexuelle était en relation de cause à effet avec la conception d'un enfant, ce devrait être les filles célibataires qui devraient avoir des enfants puisqu'elles ont de loin une vie sexuelle plus intense que celles qui sont mariées. » C'est qu'ici, dans ces contextes sociaux, la liberté d'aimer n'est pas un concept politique, c'est une réalité, et ce n'est que dans cet exact contexte de cette liberté que la sexualité humaine peut s'exprimer sans qu'elle soit liée à la procréation ; sinon, bien évidemment, pour compenser la faillite du concept de la liberté d'aimer par rapport à sa réalité concrète, il faut trouver beaucoup de moyens de contraceptions que l'on souhaite efficaces, bien évidemment bis, pour que se manifeste, somme toute, la liberté de la femme quant à l'usage de sa sexualité que la violence du patriarcat enracine démesurément dans la procréation.

On peut dire que c'est précisément dans le livre de la Genèse, dans les agissements d'un dieu, que se trouvent décrites les caractéristiques de la paternité mal digérée : les quelques lignes que nous venons de discuter, auxquelles s'ajoute l'histoire du meurtre de Caïn, et tuti quanti, nous donne d'assez près l'attitude paternaliste décrite dans les actions de ce dieu, ses réactions, ses injustices, ses impulsions sans queue ni tête, ses irresponsabilités, etc., en un mot, son égarement de l'humain ; que l'on peut encore trouver dans les agissements de ces ir-responsables, soit de famille, soit d'entreprise, soit d'un organisme, ou d'un État, en bref chez ceux que l'on nomme couramment des « petits chefs », sans oublier qu'il faut aussi, pour que l'action des petits chefs trouve une effectivité les larbins, bien entendu, pour leur obéir, c'est à dire qui ont peur de ces réactions d'injustice, impulsives, coléreuses, etc, et n'ont pas appris à s'en défaire.

Au surplus, l'histoire de Abel et de Caïn est la certification que l'agriculteur est le minable et que celui qui pourvoit en protéines animales est le plus important aux yeux du Paternalisme et que le fait que l'agriculteur s'accuse de meurtre (sinon cette histoire n'a plus de sens) corrobore cette moindritude qu'il est sensé avoir et adopter pour les temps à venir, sa soit-disant errance, alors que justement l'agriculteur doit être et rester sédentaire !

Dans le paradoxe même du dieu qui se veut omniscient, ubiquitaire et comme généreux, on découvre aisément, pour peu qu'on ne soit pas déiste, que cette invention cache une disculpabilisation du sexe mâle de ne point pouvoir aimer (c'est à dire s'y perdre) le sexe femelle de l'espèce (ou de la race) humaine, de ne point prendre sur le pied de l'égalité la rencontre (ce que l'on nomme en langage moderne, « non pas l'égalité des êtres, mais l'égalité des droits d'être »), les possibles et les aléas de l'évidente nécessité du mélange où l'humain mâle se perd, puisque cette omniscience, cette ubiquité et ce semblant d'une douteuse générosité n'ont abouti, finalement qu'à la séparation amoureuse, la dissension paradisiaque des sexes, et la corroboration de cette séparation, séparation qu'on retrouve dans le mot même sexe qui veut dire "séparation, scission" ; l'humanité aura vraiment changé lorsqu'on dira, en lieu et place du mot sexe, le mot mexe : mélange, mixité.

Il faut être un dieu ridicule pour créer deux êtres complémentaires et leur empêcher le bonheur de se connaître en affirmant que cette connaissance biblique est la connaissance ou la science du bien et du mal, sinon que ce dieu soit une pure création émanant de l'humain mâle, puisque ce genre de stupidité ne peut provenir que d'un humain mâle séparé de sa compagne, bien évidemment.

Sur ce point de connaissance de l'approche érotique de la relation des personnes dans cette organisation sociale de type agricole, il convient donc, de passer par les péripéties de cette société agricole contradictoires pour démontrer davantage de détails et de manière d'agir qui s'y présente à mes yeux. Je vais commencer par le meilleur de tous ces adorés « dans le reflet du miroir », Jésus, qui n'a rien dit du ciel et beaucoup de notre terre-à-terre auquel il apportait une certaine critique.

Rappelons le, cette vielle supercherie se voit dévoilée dans l'attribution de l'enfant au fruit de l'arbre, de la connaissance de la paternité dans l'arbre de la connaissance, de celle qui est à l'origine de ce fruit qu'elle ne maîtrise plus dans la femme qui donne à l'homme ce fruit de la (m/p)aternité et dans l'insiduosité de la relation devenue sexuelle, le serpent. Et ce n'est que du moment où on a pris conscience du dévoiement qu'a induit la relation patriarcale dans la socialisation humaine que l'on peut comprendre simplement les origines écrites et fondatrices de cette relation patriarcale au monde et des tentatives qui ont eu lieus de le dissoudre, au moins dans les âmes.

Et ainsi, tout bêtement, le « négatif » s'énonce de lui-même dans sa modernité (si je puis dire) dans les « paroles » de Jésus :

Le message de Jésus, qui n'a rien d'un sauveur, était pourtant simple :

Le domaine de l'amour est en vous, dans votre profondeur : répondez lui ! répondez-y !

Il est votre Dieu et devrait être votre unique maître : soumettez-vous à lui !

Laissez le régner sur votre âme et dans votre corps, dans vos relations, celles à vos contemporains, à vos enfants qui lui ressemblent tant !

Quelle est la vérité de vos mots lorsque vous adulez autre chose ou quelqu'un d'autre que l'amour qui gît au profond de vous, lorsque vous jalousez une autre richesse qui serait présente en dehors de son domaine, qui est en vous ?

Quels sont ces faux dieux que vous vénérez et qui ne vous correspondent en rien sinon qu'à vous éloigner de votre propre domaine ?

Pourquoi vous laissez-vous guider si loin de ce que vous désirez et qui palpite au fond de vous, tandis que ce désir qui vous égare vous cache sous un tas de ronces, une boue collante, un mur impalpable ?

Qu'as-tu fait de cette quête de la vérité qui est de correspondre à ce que tu possèdes profondément : le domaine de l'amour, avec tes arbres qui produisent tes fruits et tes fleurs qui te sont si particulières ?

Pourvoyez aux besoins de l'autre, soyez charitables, pratiquez la caritas, l'identification de ce qui manque à l'autre pour être heureux, car ce qui vous manque à vous, c'est le nombre d'heureux, puisque nous sommes tous les fils et filles du domaine qui règne en nous qui ne peut que désirer voir ce domaine correspondre à ce qu'il est : le monde et qu'on peut le perdre.

Voilà le message de Jésus : simple non ?

Car la vérité est justement ce pied d'égalité qu'on a avec soi-même ! C'est à dire l'égal d'un dieu, de ce dieu qui donne son ferment à l'amour et qui est l'amour lui-même : toi l'autre.

En quoi consiste-t-on finalement d'autre que d'être l'enfant de soi-même, de dieu ? l'enfant de l'humain, de soi-même ? l'enfant du temps, de soi-même ?

Regarde donc ton âme pour y discerner la beauté, ton âme qui est le domaine de la relation à l'autre et qui s'est tant développée qu'elle a donné la parole, le Verbe, le pouvoir d'arroser des mots l'amour du monde qui arrosera en retour le tien avec « l'innocence » de l'enfance !

C'est quoi la source de ton hypocrisie, cet excitation à éviter le frisson du vrai ? Qu'as-tu fait de la sincérité, ce compte rendu du vrai ?

Dans ce message, on le constate, il n'y a rien de niais. Et la question n'est-elle pas qu'il soit sexué, qu'il tienne compte de la sexuation des êtres dans le monde de l'univers, sexuation dans laquelle la rencontre est source de plaisir ? De ce message, on comprend aisément que la « résurrection » de Jésus n'est que le désir de renaître, soi, une deuxième fois, en dehors des tracas que pose le fait de n'être plus innocent maintenant, renaissance qui est tant désirée qu'elle surpasse la mortification, le morbide, des temps présents du désirant.

Il ne semble pas incompréhensible qu'une telle sollicitation au contact de la vie en soi et chez l'autre et une telle pratique de vie, qui consiste à vivre, à ressentir plus présente la vie en soi et chez l'autre, dans un monde de pharisiens et un peu plus tard dans la Grèce « démocratique » et la Rome « libérale », puisse prendre avec tant d'ampleur. Jusqu'à ce qu'un farfelu illuminé (Paul) et un auto-castré (Augustin), dont l'un place d'office le mec, « circoncis du coeur », comme intercession entre la femme (juste avant le chien et l'âne qui eux, n'ont absolument aucun droit -- sans doute parce qu'ils ne peuvent pas crier d'une manière intelligible) et son dieu, et dont l'autre, en affirmant que « nous naissons entre pipi et caca », donne ainsi son estime du caractère féminin de l'humanité et son appréciation pour ce qui regarde la corporalité de cet ensemble humain, donnent le goût et les dispositions théoriques de la répression sexuelle dans laquelle ils entendent mettre l'amour qui frissonne dans le rapprochement sexuel ; c'est à dire les justifications théoriques du carcan de la répression sexuelle pour les siècles à venir, siècles qui ont duré jusqu'il y a peu chez nous, mais qui durent encore chez d'autres, et fortement ; et tout cela en espérant ressusciter sous peu, même avant peut-être, cet amour même toujours différé.

Pour finir ce chapitre relatif à la Bible, je vais montrer un exemple d'interprétation des tous premiers versets de l'évangile de Jean, suivant ma morale, qui n'est pas agricole :

·         Chapitre 1

·         1 : Au commencement était l'Être qui nomme les choses et l'Être qui nomme les choses était en concordance avec Ce qui les a précédemment créées.

·         2 : L'Être qui nomme les choses correspondait avec Ce qui les avait précédemment créées.

·         3 : Toutes les choses ont été nommées par cet Être et sans lui rien de ce qui a un nom n'aurait de consistance : il a donné consistance à son monde.

·         4 : En donnant son nom à la vie, il a fait de la vie sa propre lumière,

·         5 : lumière qui a écarté l'obscur, qui ne peut la recevoir qu'en s'écartant.

·         6 : Il y eut un Être se sentant particulièrement proche de la vie : lui aussi avait son nom

·         7 : et il imprégnait d'autres Êtres de l'eau de la vie comme assertion de son intense contact d'avec la vie afin que ces Êtres le soient tout autant.

·         8 : Il n'était pas la lumière mais il voulait à travers lui la montrer

·         9 : car celui qui nomme les choses est la lumière vraie pour lui-même qui illumine son monde de la clarté qu'il lui donne.

·         10 : La lumière était, dans les anciens temps, et le monde pareil, et le monde ne l'a plus reconnue.

·         11 : L'Être qui nomme les choses encore était encore dans son monde mais le monde n'y correspondait pas pour la réfléchir.

·         12 : Mais aux Êtres qui l'ont reconnue et qui y ont correspondu, le nom des choses répond au pouvoir de la vie qui les a précédemment créées.

·         13 : Car l'Être de nom répond au nom de l'Être qui n'est pas de sang, ni de chair ou du mélange des corps mais de la concordance d'avec la vie qui les a précédemment créées.

·         14 : Et l'Être s'est reconnu de chair, il s'est installé chez lui et a constaté son rayonnement vital, le rayonnement de sa vie, enfant de lui-même plein de grâce et de la correspondance plénière à la vie, dans lequel il se reconnaît unicité au monde.

·         15 : Il y eut un Être qui affirma et proclama : "Voici l'Être dont je disais : Lui qui vient après moi est plus rayonnant que moi parce qu'auparavant de moi il correspondait à l'Être".

·         16 : De sa plénitude, en effet, nous avons reçu grâce pour tendresse et tendresse pour grâce.

·         17 : Si le Livre de ce qui nomme en rigidité fut de l'accord d'un prédécesseur, la grâce et la concordance totale à ce qui a nom prirent le nom de Jésus.

·         18 : Personne n'a la vue de la précédence, mais Jésus, concordance totale du nom et de l'acte, le sein de l'Être, l'a fait reconnaître.

Ainsi, en replaçant toutes ces données dans leur contexte historique initial, la naissance de la religion monodéiste semble être le corollaire d'avec l'apparition de l'érotisme agricole et son assertion. Avant l'agriculture était une société de cueillette et de jardinage et\ou de chasse. Il n'est pas obligatoirement lié à une telle société un rôle égalitaire dans les relations entre la femme et l'homme, mais je puis affirmer que l'apparition de l'agriculture, et de tout ce qui lui est tributaire, porte fortement à l'institution du monodéisme, au Verbe, à l'écriture, la hiérarchie, car l'agriculture demande une organisation sociale tout à fait différente que celle qui tourne autour de la cueillette et du jardinage et-ou de la chasse. Comme le note A. Leroi-Gourdhan dans Les chasseurs de la préhistoire : « Après [le monde du paléolithique], toute la civilisation va se reconstruire sur des bases différentes : le grain appellera le grenier, le grenier exigera un rempart pour le défendre et une troupe pour garder le rempart, un scribe pour compter les sacs de blé, fixer l'impôt et écrire l'histoire. » Le programme n'a toujours pas changer ! Boulot, banco, État, flicos ! Ha ha ha !

Le Verbe est justement cette séparation de la pensée et du dire où on met le dire à l'écart de soi pour le montrer au dessus de soi, c'est à dire écrasant, potentiellement écrasant. L'écriture a posé que le signe a une signification semblable au dire, mais sans le son du dire, sans le dire. Et le son du dire, qui était l'intermédiaire direct entre celui qui le prononce et celui qui l'entend, étant absent dans le signe, l'écriture, qui pourtant contient une signification, s'est vu reléguée à n'être plus que la révélation du signe, le Verbe. La naissance de l'écriture provient exactement de l'agiotage jouant sur les incertitudes des contrats que se passaient deux peuplades dans leurs échanges de denrées : les calculis n'étaient qu'un moyen de mémoire des contrats passés, et c'est la simplification de ce mémorandum qui a donné naissance à l'écriture cunéiforme. Nous somme déjà depuis 2 000 à 3 000 ans dans le stade agricole de la société. D'où, aussi, vers la même époque l'institution des rois et de l'absolu des rois qui passaient ces contrats et en étaient responsables et garants (comme nos politiques sont responsables mais pas coupables), puisque c'est à eux que l'on donnait l'attribution du Verbe, l'intersession du distinct et de l'indistinct. Un peu plus tard, la « démocratie » grecque a été une évolution dans la mesure où sont revenus sur la scène le réprouvé, le peuple (sans la femme, bien entendu) et l'expression de son vouloir orienter son existence par lui-même, et c'est en cela que cette variété de civilisation agricole étonne ; mais ce n'est en rien une innovation, ce n'est qu'un retour, ou une tentative !

On s'omnibule sur le fait de compter, de procéder à des mathématiques ; on fait même des mathématiques un critère d'évaluation de l'intelligence (je dois avouer que je suis absolument rétif à l'algèbre, c'est à dire nul pour notre société en matière d'intelligence parce que je comprends rien, mais rien de rien, à ce salmigondis de correspondance de symboles littéraux). En lisant André Pichot La naissance de la science on s'aperçoit que le calcul existe depuis fort longtemps dans l'organisation humaine, et que l'apparition de l'algèbre, au sens où il s'agit d'attribuer à des symboles, des lettres qui n'ont à priori rien à voir avec le calcul, la potentialité de contenir des nombres sans fin, a trouvé naissance dans la Grèce, avec notre très fameux Pythagore. En creusant un peu plus le phénomène, on s'aperçoit que l'ami de l'algèbre a été le fondateur d'une secte, d'une organisation sectaire de la vie, de laquelle la femme était absolument exempte, sinon que comme servante ( p. 128 tome 2 : Les travaux de la secte étaient secrets, l'enseignement ésotérique et réservé aux initiés). Son importance pour la société patriarcale fut suffisamment forte pour qu'on le dise descendu des dieux, c'est à dire qu'il n'est pas né d'une femme, bien sûr ! Je veux dire que pour arriver à un tel état dans lequel il est possible de triturer des concepts sans qu'ils trouvent en réalité une réalisation sinon que dans et selon leurs propres critères (définition même des mathématiques) il faut et il suffit que les deux sexes soient séparés l'un de l'autre dans la considération impérative que l'un domine l'autre. Pythagore a la réputation d'avoir été le premier à étendre les mathématiques au-delà des besoins pratiques (commerce, cadastre, architecture, ...) le premier à en avoir fait une « science pure » p. 132 tome 2. Pour le dire comme José Farmer « tout ce qui est pur n'est pas entaché de mouillure » ! Toute cette mathématique ressemble étrangement au jeu d'un enfant très créatif qui n'a pas pu avoir accès à sa génitalité, déplaçant sans fin et selon des règles de plus en plus compliquées, des éléments, d'abord réels, qui deviennent de plus en plus éthérés, car la solution qu'il trouve à cette complication de devoir ne pas se toucher se réalise exactement dans et par ces règles qui le mettent à distance du réel comme méthode.

Notre ami Albert Einstein, auquel Wilhelm Reich a montré et démontré l'existence de l'énergie de la vie, l'orgone, et qui a eu peur des conséquences d'une telle découverte (« Ce que vous me présentez là, docteur Reich, est une bombe dans la [théorie de la] physique ») ne disait plus un mot à sa femme, mais lui demandait, par petites notes interposées sur papier écrites, qu'elle lui amène son café, son repas ou ses chaussons à sa portée. Tu vas me dire, cher lecteur, que tu me lis grâce à la mathématique boolienne, vu que nous correspondons par l'Internet. Je suis d'accord avec toi, bien sûr, mais, si cette « communication » du point de vue des moyens est bien plus grande qu'autrefois, est-ce que la communication entre toi et moi s'en trouve davantage plus présente et prégnante ? Que nenni : on cause dans des « portables » alors qu'on conduit, grâce à un dispositif approprié, sa voiture, mais sa conscience du monde n'en est que plus éloignée, réellement, car moi, qui n'ait qu'une bicyclette, ou marche fort souvent à pied, ces gens là, communiquant, je les gêne, car je ne leur permets pas de se livrer débridément à leur communication éthérée ; et il n'en est pas ainsi seulement de moi, mais de tous !

L'arithmétique était un art, effectivement, auparavant de Pythagore et de sa clique, où on réussissait, par l'approximation (qui est, ne l'oublions pas, l'art enfantin de voir le monde en pratique, selon, Jean Piaget), à la solution d'équations du quatrième degré, mais cela restait dans le terre à terre, cela n'a rien à voir en dehors de la terre, justement. L'algèbre de Pythagore est le jeu arrivé à une telle intensité dans son jeu qu'il en devient une trituration de l'esprit pour trouver des solutions à des problèmes qui ne sont relatifs qu'aux seules données de ces problèmes ; c'est le jeu des chiffres pour eux-mêmes, et cela est effectivement infini, puisque cela n'a plus rien à voir avec le fini du monde. Et toute l'explication de notre monde n'est plus redevable qu'aux chiffres (trous noirs, supputation des planètes où « règne la vie »  alors que la vie règne, par définition, dans l'univers... mais s'agit-il peut-être de cette vie que l'on ne comprend pas en soi et qui est cependant ici, là et maintenant ? L'explication de la vie par des particules de plus en plus petites, celle des maladies et des médications qui leurs sont complémentaires, comme une histoire de molécule, etc.). L'estimation du monde est bien évidemment nécessaire au monde humain, arrivé à un tel stade avancé de l'érotique agricole, sa mesure effectivement demandant des précisions inconsidérées car considérables, il faut et il est besoin de savoir (hihihi) ce qui va advenir de ce manque gangréneux qui gangrène le monde, monde qui ne consiste qu'à compter les grains qui sont dans le grenier. Mais quoi ? Est-ce là la solution, alors que tout ce calcul du monde sépare le monde du monde ? Oui, je sais bien, ô lecteur, que je t'agace, mais c'est justement cette manière de penser que j'ai qui me fait dire ce que je pense, et que je tente modestement de te montrer.

La mathématique pythagoricienne établit que toutes les choses sont deux à deux opposables : le limité et l'illimité, le pair et l'impair, l'un et le multiple, la droite et la gauche, le mâle et le femelle, le repos et le mouvement, le droit et le courbe, le lumineux et le ténébreux, le bon et le mauvais, le carré et l'oblong (p. 212 du Pichot). La véritable révolution qu'a introduite Françoise Mézières, vers les années 50-60, par sa Méthode Mézières, a été de constater, dans son travail de kinésithérapeute, que la musculature n'est pas composée de muscles antagonistes, à l'action opposée (muscles de l'avant du corps dont l'action est opposée à ceux de l'arrière du corps, par exemple), mais que la structure musculaire a une action globalement complémentaire des muscles les uns vis à vis des autres. Il est sûr que dans un monde binaire, où chaque chose est l'opposé de son complément naturel, ce fut là une révolution car cette façon de voir le monde permet d'appréhender d'une manière plus réelle le trouble du comportement musculaire, articulaire, structural.

On dit aussi que l'animal humain mâle peut devenir malade parce qu'il n'a pas accepté le caractère féminin qu'il est supposé contenir en lui et que cela peut justifier sa violence ; et inversement pour la femme mais cette fois-ci il s'agit de sa passivité, car l'un à l'autre est supposé être le contraire. C'est encore une vue courte pythagoricienne selon laquelle ces deux êtres de la manière et de la matière humaine sont opposés l'un à l'autre, alors qu'ils sont complémentaires. Si l'on peut être malade du fait de ne pas comprendre ce que l'on est, c'est bien de n'avoir pas compris ce qui est commun aux deux sexes et qui est plus de 99% du contenu de chacun ; c'est à dire à la fois commun au mâle et à la fois commun au femelle. Et ce commun ne porte pas plus à la violence ici qu'à la passivité là. C'est justement parce que les deux sexes sont séparés en tant que pôles séparés d'une seule et même organisation animale de type humain (ou autre, d'ailleurs), que l'un peut être violent et l'autre passif à l'extrême ! Qu'on se le dise  ! La spécificité sexuelle, à laquelle je trouve tant de charmes, n'est pas la cause de la maladie de l'incompréhension de soi et du monde, bien au contraire, car c'est l'incompréhension de la spécificité sexuelle qui amène à la séparation des sexes : c'est là une des caractéristiques fondamentales de l'érotisme au stade agricole de la société.

La dialectique, qui est une ouverture sur le monde, en précisant que la vie contient à la fois, et suivant des quantités variables dans le temps, son existence et sa dénonciation, précise bien que le rien et l'être existent opposés mais seulement en tant que séparés du devenir qui est leur destination sans fin, car l'être ou le rien en ne peuvent pas être pour soi, n'ont aucune existence en soi sinon que comme simples concepts qui permettent de comprendre le devenir : merci Hegel ! S'occuper des oppositions binaires sans regarder leur devenir (qui trouve une de ses formes dans le présent), c'est à dire en quoi ils sont complémentaires et quel est le résultat de cette complémentarité, est encore une des caractéristiques de l'érotisme au stade agricole de la société. « La mission du prolétariat (...) c'est notamment de dépasser la philosophie, c'est à dire de la réaliser en la supprimant comme telle » ( Henri Lefebvre citant Karl Marx dans Le matérialisme dialectique), le prolétariat, le rien de cette organisation humaine tournant autour de l'érotique de l'être agricole, n'existera plus, n'aura plus de raison d'exister quand il aura fait sienne la critique de cet érotisme en le réalisant en dehors de ce qui lui donne consistance et substance, précisément quand il saisira sa parfaite complémentarité au monde, c'est à dire à lui-même tout autant, quand il se découvrira hors de sa condition pour l'avoir réellement et pleinement réalisée. Le quatrième temps de l'histoire sera justement cette intégration de humain dans le monde duquel il ne sera plus séparé, intégration au monde dont il soutira subsistance et consistance, jouissance et liberté, conscience et reconnaissance, amour de la sexuation reconnue et sexuation reconnue de l'amour.

~oOo~

Ceci posé, pensons à une réunification, maintenant. Et je pense que pour se réunifier il faut se connaître soi, c'est à dire connaître la capacité qu'on possède en soi de bien, de bon. Pour se connaître soi, il faut se savoir apte à se satisfaire soi, ses capacités à s'adonner au plaisir de la chair qui englobe la connaissance de ses ondes, car la première action d'un sexe "dominant" est justement de ne pas reconnaître l'autre, et pour cela, hélas, de circoncire le sexe, de l'exciser, de l'infibuler « en pensée ou en action ».

En considérant le problème que pose l'autosatisfaction pour les sociétés dont la morale désapprouve la satisfaction sexuelle, on peut émettre plusieurs hypothèses quand aux raisons plus ou moins cachées qu'elle fait y surgir. Une d'elle est que la masturbation apprend à se re\connaître soi, à comprendre les mouvements de ses émotions et à ne les craindre pas ; ce qui amène assez sûrement à sentir, lors de l'étreinte amoureuse, le ressenti d'une très grande part des sensations de son\sa compagne. Ce qui fait dire que de séparer la sexualité de la relation amoureuse revient à vouloir séparer les possibles de rencontres émotionnelles de deux êtres qui éprouvent chacun pour l'autre et à sa façon le plaisir de ressentir l'autre et l'approuve. Car, il est évident que, sachant ce qu'on peut attendre de soi et de ce que l'on peut se donner, l'autre devient absolument indispensable à l'obtention d'un plaisir commun, qu'on écoute car on l'entend, qu'on entend parce qu'on l'écoute, et rien de tel que de ressentir ce que cet autre ressent ... que l'on ne peut ressentir que si on est ouvert, si on s'est auparavant ouvert, librement aux sensations auxquelles on s'attend de retrouver chez cet autre car on s'en sent soi capable et que c'est le commun du vivant. On voit par là qu'on est loin de l'obligation de jouir et\ou de faire jouir, qui prend un aspect ici assez mesquin, car la jouissance n'est plus quelque chose à laquelle, dans l'amour duel, on est le seul\la seule redevable, mais bien plus redevable à l'ensemble que l'on fait dans cette bête à deux dos.

Il faut donc séparer tout de suite la personne des possibilités de se connaître soi dans ses propres dispositions au plaisir, pour n'avoir pas à s'occuper à empêcher les possibilités du plaisir duel, su que généralement, quand le premier manque, le second sera absent. Une société peu propice au plaisir sexuel, à l'amour, est une société cohérente, c'est à dire qu'elle produit en son sein ce qui est nécessaire à son entretien ainsi que ce qui la justifie ; et une telle société n'est pas stupide mais sait entretenir la stupeur : cette sorte d'anesthésie qui vous coupe de soi dans ce qu'on ne sait plus exactement de quel sujet il s'agit, sinon que de le fuir. Il faut d'abord y instaurer une autorité, c'est impératif.

Le but de la masturbation est le plaisir et c'est le désir de plaisir qui amène à la masturbation. Ce qui amène, aussi, à la masturbation est la séparation des sexes auxquels on interdit l'étreinte amoureuse ou, plus simplement et plus souvent, la simple rencontre des corps.

Cela dit, la masturbation entretient la vivacité de cette énergie, improprement nommée « sexuelle » car elle est d'abord d'amour : ce n'est pas l'énergie sexuelle qui rapproche les corps mais bien l'énergie d'amour qui les fait courir l'un vers l'autre, en l'absence de toute contrainte. Pour séparer les sexes d'entre eux, il faut dire que ce qui les rapproche est l'énergie sexuelle et que cette énergie sexuelle n'est pas saine, qu'elle doit être régularisée. Bien évidemment, du simple point de vue de la sexualité, la sexualité ne peut pas, ou difficilement, se régulariser, puisqu'il y manque ce qui est la base de son existence et de ses pulsions, je veux dire : l'amour. La sexualité, dans le cadre du rapprochement amoureux, s'autorégularise ; elle s'autorégularise si elle n'est pas coupée de ce dont elle est l'émanation. On sait que pour faire un bon légionnaire, il faut le frustrer amoureusement pour qu'il devienne une bête sexuelle propre au meurtre que son chef lui autorise par son ordre. On sait que pour faire un bon délinquant (lire le livre de Maurice Berger L'échec de la protection de l'enfance) , il faut le frustrer de son expression amoureuse dès le moment de sa puberté, ou même plus tôt, pour que cette énergie n'apparaisse plus que sous la forme sexuelle, de laquelle il ne peut avoir de satisfaction puisqu'elle manque d'amour, et qui lui donnera la justification de réglementer ses rapports avec l'« autre » sexe sous une forme compulsive, autoritaire, et non plus coparticipative. J'espère que je réussis à parler des moyens de longue date mis en oeuvre pour séparer l'amour de la sexualité allant même chez l'humain à faire de la sexualité un pur mode de reproduction de l'espèce sur le mode agricole, alors qu'il est su et reconnu que, dans l'échelle de l'évolution des espèces, le rut n'a plus d'emprise sur les relations amoureuses des primates depuis une bien plus longue date !

Une bonne masturbation est une masturbation réussie, qui vous a fait perdre la tête, la conscience en vous ôtant d'une charge. Pour avoir remarqué le trop grand nombre d'idées négatives qui court sur cette perte de la conscience, qu'on ne veut pas chez l'autre car on ne la peut pas admettre chez soi, je vais tâcher de m'employer à faire de sorte qu'on y réussisse bien, car tout un chacun de quelque bord qu'il soit, reconnaît que le plaisir est sans aucun doute le facteur de cette perte de conscience. Pour perdre sa conscience, c'est à dire que l'emprise du plaisir fait perdre le sens de la réalité qui vous entoure, que le plaisir n'est plus que la réalité, autant dans l'acte amoureux, il faut être pris par la sensation du plaisir qu'on ressent de sorte que ce plaisir et vous ne soyez plus qu'un, qu'une seule et même chose ; autrement dit, que la conscience n'ait plus aucune emprise sur ce que l'on vit au moment où on le vit dans l'expérience du plaisir sexué. Se masturber va de soi, et de personne d'autre et personne d'autre, dans la mesure où on montre la discrétion suffisante, n'a le droit de s'y immiscer, d'y interférer, d'en empêcher l'accomplissement, sous quelque prétexte que ce soit : religieux, ethnique, social. La masturbation, dans la mesure où on montre la discrétion suffisante, ne regarde que soi et personne d'autre que soi.

Il n'y a aucune contre-indication à la masturbation, sinon, bien évidemment, comme toute chose (le travail par exemple) l'excès : lorsqu'elle devient excessive elle rend légèrement neurasthénique pour cause de perte excessive d'énergie amoureuse, bien sûr. Cet excès est toute relatif : l'âge, la saison, le temps qu'il fait, la quantité d'amour endiguée. Le ressenti de la satisfaction, et non pas de l'irritation, de l'agacement, de la nervosité, de la lassitude fatigante, est un critère assez facile à saisir assez rapidement. De même, les symptômes d'un endiguement excessif de l'énergie amoureuse à laquelle il n'a pas été en suffisance porté attention, seront l'irritabilité soupe-au-lait, une sensation de tiraillement interne, un désintéressement pour ce qui est des choses concrètes de la vie, une propension à rechercher ce qui vous éloigne de la réalité de la vie, un vague-à-l'âme. Et dans un second temps, bien souvent cela se traduit par une attitude autoritaire qui correspond exactement à l'autorité qu'on exerce sur soi pour ne pas "tomber dans l'enfer de la satisfaction" qui n'est un enfer que du moment où on se l'empêche, bien sûr.

De fait, je n'ai rencontré nulle part de religion qui n'interdise pas la masturbation : cela est de toute logique, puisque le très petit nombre des religions favorables à la liberté d'aimer (pas la licence, la liberté) ne donne pas l'occasion aux personnes qui les composent d'avoir recours à la masturbation sinon qu'anecdotiquement, car elles peuvent s'aimer à bon escient. Par contre, on comprend tout de suite que pour qu'une religion abhorrant l'étreinte amoureuse trouve à se perpétuer, elle doit mettre un frein efficace à l'expression amoureuse, à l'étreinte sexuelle et cela commencera très rapidement, dès le plus jeune âge veux-je dire, par l'interdit de la masturbation. Il ne s'agit pas que les enfants se masturbent devant vous ou devant moi, non (liberté, pas licence : tout se discute dans le cadre de la liberté, mais tout est déjà discuté dans le cadre de la licence). Un simple « ce que tu fais, mon ami\e, ne regarde que toi : fais le pour toi, certes, mais sans moi, en discrétion ; il n'y a aucune inconvenance de se faire plaisir, mais cela peut l'être de se faire plaisir devant d'autres qui n'en peuvent, ou n'en veulent, être complices ; ce que tu fais, mon enfant et ami, est de l'ordre de l'intime, pas du public. »

Que ce soit pour une fille ou pour un garçon, la prise en main de sa sexualité avec de l'huile apporte une grande vague de volupté. L'huile d'amande douce, d'olive, de sésame, pas d'importance (quoi qu'il y a des huiles plus « chaudes » que d'autres et qui font donc partir plus vite que d'autre : l'huile de paraffine, par exemple). La masturbation est un apprentissage à la volupté. La volupté a cela de singulier qu'elle est fluide : vous en cherchez trop et elle disparaît, vous la perdurez trop et elle s'amenuise sans pouvoir revenir à l'état précédent, vous l'excitez trop et elle part en flèche, vous vous y désintéressez trop et elle est plate et sans goût, vous voulez la forcer trop et elle s'enfuit à tirer d'aile de votre intention. Il ne s'agit pas d'un auto-massage, il s'agit d'autosatisfaction ; et cette autosatisfaction se manifeste par la perte de conscience.

Cette perte de conscience elle aussi a cette singularité d'être fluide, c'est à dire qu'on ne la peut pas coaguler, la calculer d'avance, l'anticiper, bien que l'on puisse la pressentir, la subodorer dans une certaine maîtrise de la perception de son délice (sinon elle s'envole à tire d'aile !), la saisir et la lâcher aussitôt qu'on la sent disparaître, qu'elle s'enfuit ; s'y laisser aller en se demandant si on ne pourrait pas la mener plus loin, une fois encore, sans qu'on sache si on peut en être réellement le maître ou la maîtresse, c'est à dire désirer la mener plus fort et plus loin encore jusque ce moment de délice où on devient sa proie, sa propre proie, la proie de soi-même, qui est celle de son don à l'abandon irréversible de soi à quelqu'être situé ailleurs que chez soi, sans qu'on n'en ait plus conscience. Car tel est l'objet de l'amour : l'autre, qui n'est pas soi et n'a pas notre conscience, pour le temps du temps où l'on s'y veut mélanger.

Il n'y a pas à s'éterniser sur l'affaire : l'éternité est une notion religieuse qui veut que les choses n'aboutissent jamais. Mais qu'est-ce que la religion ? La religion c'est la concrétion socialisée (c'est à dire réglementée et régie par des réglementeurs) de ce vide que l'on ressent devant l'incommensurable de l'existence dont on ne régit qu'un peu plus que le moins que rien. La personne qui est satisfaite de ses relations amoureuses et de la conscience qu'elle en a, ressentira encore cet incommensurable de l'existence dont elle demeure la sujette, mais seulement en tant que sujette à l'incommensurable de l'existence : elle ne craindra pas tant l'inconnu de la vie que la personne qui ne se sera pas trouvée dans la satisfaction sexuellement amoureuse, puisque son « terre-à-terre » sera cette relation amoureuse même, qui lui dira qu'elle correspond à cet incommensurables par et à travers son amour pour l'autre, et son aimé\e en particulier à\au la\equel\lle elle se donne. Et cette sensation de submersion totale dans laquelle cet aspect incommensurable de la vie me plonge, à laquelle et contre laquelle je ne puis rien, sinon que de vivre, n'est pas faite pour me déplaire ! Le problème du don est, comme le problème de la sexualité extraite de l'amour, un problème pour qui ne sait pas s'y adonner, et ce problème devient, par un phénomène inverse (sur lequel, moi-même ne me suis pas suffisamment penché) où il devient un problème et se cherche dans la solution de cet inverse, le problème de l'acquisition sans borne (la transformation de l'amour insatisfait en chose puis en fétiche).

Pourquoi on vit ? Simplement parce que la vie est là, et cela nous dépasse. Ce n'est pas l'invention d'un dieu ou d'une technique, piteuse, douloureuse et mesquine ratiocination, qui satisfera l'existence de la vie, sinon que comme un leurre qui cache cet incommensurable de la vie. On vit simplement parce que la vie est là et cela est d'un tel incommensurable, que cela ne peut que nous dépasser. Le rejet de l'orgone de Wilhelm Reich (ou même de son simple concept), qui est une approche concrète de réponse à cette question, nous montre quelle est cette force dans la sensation que l'on éprouve et que l'on accepte de l'incommensurable de la vie ; car a contrario, c'est bien ce rejet qui tue la perception de la vie et non pas l'inverse.

Il n'y a pas de position plus ou moins favorable au plaisir que l'on escompte de soi : couché (Wilhelm Reich considérait comme douteux le fait que l'on se masturbe en étant couché sur le dos -- pour un homme, cela va sans dire et selon lui -- car il n'exprimerait pas dans toute sa puissance sa virilité ... donc ne peut s'adonner au plaisir plein et entier de ce qu'il est : je ne suis pas si strict, ayant conscience qu'on apprend vite, quand l'envie vous démange, à acquérir le meilleur plaisir de soi de la manière la plus adéquate), debout, à genoux (pour avoir les mouvements du bassin plus vigoureux, la femme peut ressentir un besoin impérieux de mettre son doigt dans son vagin), etc. Ce que je peux remarquer est que l'on peut profiter d'une plus grande détente lorsque l'on est aspergé d'eau chaude ou fraîche lors de l'acmé ou peu après. La douche serait donc un endroit assez adéquate.

De même il n'y a qu'une seule règle : ne se faire pas mal. S'il faut se faire mal pour avoir du plaisir, un peu de plaisir, l'objet de l'affaire est, justement, « l'obtention » du plaisir ; et on se sent alors bien faible quand à l'acquisition de ce plaisir. On en arrive à cet endroit quand on ne sent plus le plaisir qu'on peut se donner ; c'est à dire qu'on ne sait plus de quelle manière se donner du plaisir et on recourt à la plus violente (car le plaisir est alors pour soi une violence qui correspond à celle de n'en pas avoir) : la violence ... de soi. J'ai jeté beaucoup de petits cailloux dans les fleuves et je suis allé à la rencontre d'un grand nombre de fleuves. Il faut respirer, haleter, se bouffer la tête d'oxygène contre son gré, son obstination à dire non, parfois, et la forme de la solution viendra.

Une bonne chose, dans l'autosatisfaction, est que ce soit le mouvement du bassin qui vienne à la rencontre de la main, au lieu que ce soit la main qui sollicite les mouvements de son sexe. Ce n'est pas un absolu, bien sur : comment allier volupté et technique en obéissant à des règles rigides et comminatoires ? Mais il est bon de solliciter les mouvements du bassin, d'aller à son rencontre : cela permet au moins de décharger l'agressivité que l'on a vis-à-vis de l'amour que l'on ne peut porter amoureusement à l'autre. Un plaisir tel que celui de l'orgasme est de cette sorte où, biologiquement, le système nerveux végétatif prend absolument l'ascendance sur le système nerveux dit conscient, central, qui lui est naissant et tributaire ; c'est là un critère indubitable : nous sommes submergés par nous-même qui est alors cet allant à l'extérieur de ce soi dont on n'a plus conscience.

Il y a, conséquemment, un grand nombre de ficelles pour (s')empêcher d'avoir du plaisir dans une civilisation qui rejette le plaisir de vivre sans complication, sans ficelles. Mais les ficelles, finalement ne sont que des débrouillardises et l'optimal serait plutôt de s'en dispenser. S'en dispenser ne veut pas dire aller droit au but : mettre ma pine dans ton con directement tout sec (à moins d'une complicité librement consentie qui ferait que ce con n'en serait plus sec du tout, sinon cela n'aurai rien de frissonnant car c'est ce frisson qui humidifie). Il faut bien se dire que, dans la mesure où ces ficelles sont des ascensions directes vers le plaisir commun ressenti comme éventuellement accessible, il y a une complicité qui permet d'y accéder. J'y suis tout à fait favorable. De fait, lorsque l'on se rend compte de ce que l'on vit, toujours un plaisir un peu plus prégnant se présentera à vous dans sa commensalité. Et dans cette commensalité au plaisir de la vie, dès lors, il faut penser aux moyens de contraceptions, inévitablement, dans notre société au type érotique agricole.

~oOo~

D'autres détails sur le décor de l'érotisme de la société au stade agricole : une autorité est une autorité qui distingue pour vous le bien et le mal sans que vous ayez à le discuter. Permettez moi de le discuter un peu.

On l'a bien vu, ce qui est de prime importance dans cette dichotomie entre le bien et le mal est précisément la connaissance du bien, qui vous dispense du mal. C'est là un paradoxe : la connaissance du bien ne peut vous donner celle du mal, puisque si vous connaissez le mal, vous avez abandonné le bien, donc sa connaissance. Le stade de la connaissance du bien ne peut donner accès à celui du mal (Isidore Ducasse Poésies I et II) ; le mal ne peut guérir le mal, seul le bien le peut, mais bien parce que ce bien est le bien, et non pas le mal, ou un accès à une sienne connaissance plus ou moins proche. Ainsi, pour le moins, c'est davantage la perte du bien qui est le mal que la perte du mal qui est le bien. Je veux dire qu'il paraît plus important de répondre au bien que de connaître le mal, car on perçoit immédiatement que c'est la perte de la conscience du bien qui est la source du mal.

Isidore Ducasse affirme : « un enfant qui naît ne connaît rien de la grandeur de la vie », on doit la lui la montrer, et cette gracieuse équivalence que l'enfant retrouve en lui, qu'il trouve plaisir à développer en lui, et qui se reconnaît en lui à travers ce que vous lui montrez de la vie, la vôtre et la sienne, et de sa grandeur, il ne peut se l'organiser que sous cette condition seule qu'il la reçoive, qu'on la lui la montre. Ainsi, un enfant à qui il n'a pas été montré l'humain ne peut l'être, le devenir… si l'on lui ne montre, par la plus stricte pratique, ce que c'est que d'être humain, l'enfant ne le saura jamais. J'insiste : l'acte d'amour correspondant à cette transmission de l'humanité et de son caractère pondéré, ne peut se transmettre en héritage que du moment où, dans cette transmission, il ne s'agit pas de trans-mission mais d'amour, d'une part, et d'autre part dans l'acte même qui fait que cette trans-mission n'en est pas une parce qu'elle est un acte d'amour. Une caractéristique de la société à l'érotique agricole est précisément cet héritage de cet érotique agricole qui consiste dans le manque, qui apporte à la transgression des désirs de l'autre, et ce manque, qui ne peut être qu'un manque d'humanité, dans tous les cas, dans tous les cas (sociaux, économiques, relationnels, et que ne sais-je encore) cet érotique du manque, qui consiste précisément à transmettre le manque, se reproduira dans et à travers ce manque... ce manque de la plénitude... imaginez de quoi, sinon qu'humaine !

Et arrive alors la question « terre-à-terre » : dans cette condition, pourquoi perd-on le bien, comment acquiert-on le mal ? Puisque le bien et le mal sont liés, somme toute dans cet érotique des contraires qui se donnent une importance relativement l'un à l'autre, quel est l'intérêt de concevoir un bien sans mal ? Hum ? Car chacun sait ce qu'est le mal pour soi quand il s'agit de l'oubli du bien pour l'autre ! Faut pas être hypocrite.

Le bien et le mal est que l'un n'est pas le contraire de l'autre, tout comme la haine n'est pas le contraire de l'amour, dans un autre exemple. Le bien, c'est le bon, ce qui fait la vie agréable, emplie de joie (ou de ce que les curés nomment : allégresse) ; tandis que le mal est ce qui est morbide, douloureux, qui porte à l'irréparable blessure et à la peine qui dure. On voit que l'un n'est pas le contraire de l'autre. Entretenir la confusion des contraires c'est vouloir entretenir la confusion dans chacun des termes de ces « contraires ». Le contraire du mal c'est l'absence de mal, c'est à dire qu'on ne ressent rien de ce qu'est le mal et qu'il ne se manifeste pas à vous -- et on pourrait de cette manière nommer mal la nostalgie du bien. Le contraire du bien c'est être mal, mais être mal n'est pas le mal, c'est le ressentir. On ressent bien le bien, me direz-vous, pourquoi donc ne pas appeler mal le ressenti contraire ? Voyons ce que vous pourrez en penser, après la digression suivante que je vous propose.

Le contraire de l'amour c'est n'en avoir pas, c'est le mésamour ; le contraire de la haine c'est de n'en avoir pas : c'est le bien-être, le contraire de la haine c'est d'aimer le monde, mais ce n'est pas l'amour du monde, le contraire de la haine c'est d'être au monde avec plaisir ; le contraire de l'amour c'est, soit de n'en pouvoir pas donner, soit de n'en recevoir pas : cela n'a rien à voir avec la haine qui est, sans aucun doute, une trans-(a)gression à l'amour, mais pas le contraire de l'amour. Le contraire de l'amour c'est le mésamour (un vieux mot français !) et le contraire de la haine c'est l'indifférenciation de vous et du monde considéré comme sans intérêt. Cela me semble important d'insister suffisamment sur ces différences, car on s'aperçoit que c'est aller vite en besogne que de passer de l'amour à la haine, et inversement, alors que ces deux choses n'ont rien de relatif, de contraire ; car ainsi on évite de distinguer, et de décrire, ce qui est réellement : l'absence d'amour et la présence d'une agression à l'amour, car les deux problèmes ne seront et ne peuvent être résolus qu'après les avoir bien décrits.

Mais surtout cette confusion entretenue dans le cours du temps permet d'instituer une autorité qui distinguera, dans cette confusion, l'amour de la haine, le bien du mal, alors que l'on voit, dans la description que j'en fais, qu'il ne peut pas y avoir de confusion possible, c'est à dire qu'aucune autorité de cette sorte n'est nécessaire.

Cette autorité établit donc une idée que le bien, le mal, l'amour et la haine sont opposables les uns aux autres, tandis qu'il n'en est rien ; je veux dire que l'autorité s'établit sur le contraire de deux concepts, dans l'espace qui sépare ces deux concepts, espace confusionnel établissant l'incertitude sur laquelle cette autorité s'impose comme la solution en imposant sa solution sans discussion.

L'humain est un être social sinon rien, sinon qu'une calamité pour l'être humain. L'être humain c'est la plasticité même de la nature, de la vie, arrivée à son plus haut point, présentement, de possible. Cet être humain ne peut exister que socialement et nul par ailleurs et ne peut exister d'aucune autre manière que par l'étant de soi-même. Être social, dit Hegel, c'est avoir des règles communes, qui sont établies librement et établies ensemble uniquement dans la stricte mesure de cette liberté, qui spécifie exactement l'humain « dans le cours [de son] mouvement et conséquemment par son côté éphémère » (Karl Marx chap.8 du Capital repris par Guy Debord dans son film Critique de la séparation). Non pas que l'accord de tous soit obligatoire quant à l'établissement de ces règles, mais qu'on puisse accepter que des règles établies par davantage pour soi de sorte que ces soi puissent être valables et ainsi nous régir librement. A cela près que ce ne doit jamais être une, ou deux personnes qui établissent ces règles, mais une communauté de personnes, suffisamment libres pour sentir lorsqu'elles établissent des règles afin que ces règles ne puissent aller à l'encontre de leur possible de bonheur, c'est à dire qu'elles établissent en majorité des règles pour leur bonheur, et non pas pour le bonheur de quelques personnes qui induiraient à les leur faire adopter. Pour cela il ne faut pas qu'il y ait de confusion quant au bonheur présagé, qui peut avoir des formes multiples et variées, dans lequel on l'on puisse sentir parfaitement bien que l'amour est le contraire de son absence, et que la haine c'est vouloir du mal à l'amour du fait de n'en plus pouvoir peser, de n'en plus ressentir de positivité.

La haine n'est pas un choix, ni une alternative, c'est une conséquence dans laquelle on s'engouffre faute de moins pire, selon soi. On peut aisément reconnaître une gradation allant de la crainte à la stupeur (qui finit par la terreur) après être passé par l'effroi et une légère pause à la peur « simple ». Donc de la « simple » crainte à la terreur, il y a la crainte, la peur, l'effroi, la stupeur, la terreur : soit cinq stades. Soyons prudent dans l'usage des contraires, des extrêmes !

Car de cette manière il est davantage possible de cloisonner les choses dans une culpabilité : l'établissement d'une autorité dissociée de ceux qui s'y plient, qui ne l'ont pas eux-mêmes établie, n'est possible que dans le cadre de la culpabilité, à cela près que ce n'est pas soi qui se sent « légitimement » coupable d'avoir provoqué la haine, ou le mésamour, mais quelqu'un d'autre sur lequel on appuie son mésamour et\ou sa convivialité morbide.

Et pour rendre possible cette culpabilité -- ce moyen le plus direct et unique (et à la fois le plus insidieux dans ses intentions) qui sera de culpabiliser sur les possibilités que l'on se découvre soi de rapport à l'autre en tant qu'égal en nom et différent, c'est à dire aussi de jouir de la satisfaction intime d'être (à la fois non publique et cependant relative au propre de l'être publique humain -- Wilhelm Reich La fonction de l'orgasme) -- cet empêchement se retournant sur lui-même de ne pouvoir être ce que l'on est, qui correspond précisément à l'endiguement de sa capacité amoureuse qui se retournera sur soi contre soi, sur soi-même, pour justifier le fait de n'en avoir pas par soi-même au minimum, il faut, c'est nécessaire, brutaliser l'humain (brutaliser : ce qui provient du troupeau des broutants). On se retrouvera dans la situation paradoxale, mais extrêmement courante, du supplicié quémandant à son bourreau la permission de pouvoir se dispenser de lui, de s'écarter de son tortionnaire ! C'est ainsi que ceux qui se sentent minables (c'est à dire qu'ils ne sentent pas que leur réalité a une existence car ils ne se sentent pas capables de la faire eux-mêmes exister sinon que dans la culpabilité car ils savent qu'ils ne peuvent le faire que dans le mésamour qui est un apprentissage) s'identifient à des minables qui ont une grande gueule, qui parlent plus fort que eux pour montrer, on le sait bien, pourtant, qu'ils ne sont pas capables eux, de satisfaction plaisante possible sans faire souffrir un(e) autre. Et le contexte même dans lequel ce genre de choses trouve son possible, où l'autorité amène à ce genre de proximité, ne peut que s'entretenir et entretenir ce genre de confusion qui correspond à la perte de son âme qui vous a été empêché d'être approchée pratiquement, de la prendre en main pour la faire accroître selon sa mesure d'amour inné (et qui doit cependant trouver par résonance chez vous sa manifestation indubitable), qui n'est rien d'autre que le plaisir de la communication sincère.

La question de l'autosatisfaction commence par circonscrire les raisons qu'on se donne pour se l'empêcher, de ne s'en pas donner, ou de saisir celles qui vous en empêchent, à l'âge adulte, car à l'âge de nourrisson ou enfantin, il ne nous a pas été donné le loisir de l'être... satisfait.

~oOo~

L'un des premiers symptômes de l'érotisme de la société arrivée au stade agricole est la complication : on ne sait pas où il mène et lorsqu'on s'aperçoit de l'endroit où il vous a mené, on se surprend à n'être pas à celui où on s'attendrait être. On ne sait pas ce qu'il refuse parce qu'on n'a aucun doute de ce vers quoi on désirerait qu'il vous menât encore qu'à force de trouver cela long on se met à douter de cette véritable intention de nous y mener ... et de soi en même temps. Il vous montre à voir sans jamais oser le montrer et il vous montre à ne jamais oser entrevoir sans que l'on veuille bien voir. On aurait le loisir de ne pas montrer qu'on aimerait jouir de la vie quand il est impossible d'en démontrer l'exactitude. Dans l'érotisme agricole on trouve de tout sans savoir ce que c'est (ou on en a oublié la fraîche expérience) et on évite de reconnaître que cela vous est familier c'est à dire quasi inhabituel.

L'érotisme agricole est un rôle ; mais, me dites-vous, nous sommes six milliards d'individus (et quelques uns sans rôle) : comment donc UN seul rôle ? C'est justement là le plus spécieux de l'affaire : un rôle et des milliers, des millions et un seul ? C'est l'un qui se retrouve dans le tout et le tout dans l'un (en ayant bien sûr oublié sa disparité, sa diversité et sa duplicité) : here's the problem ! L'érotisme agricole est un espace d'incertitude (jusqu'à l'incertitude de la vacuité de cet espace) qui permet de pouvoir faire presque tout sans prendre de parti-pris même après l'expérience, de sorte que la Justice n'a plus rien à voir avec le respect, la probité et la responsabilité.

Mais vous allez ajouter : en quoi cela a-t-il donc matière agricole, qu'est-il donc d'agricole dans ces réflexions ? Figurez-vous que je me pose les mêmes questions. Le stade agricole détermine un rapport social entre les personnes tourné autour de leur moyens de productions, du résultat de leur usage, et de l'usage de leurs résultats, c'est à dire de la manière dont ils satisfont leurs besoins ensembles, en tant qu'ensemble ; il peut arriver que le conflit entre l'angoisse du manque, les dispositions adoptées pour s'en prémunir et le manque de l'angoisse marque tant le rapport entre ces personnes en tant que spécificité sociale (type agricole) que la chose même devienne un manque avant même que le manque ne devienne une réalité, une chose.

L'érotisme agricole est violent, brutal, sanguin ; il désire le sang parce que le sang de l'oestre a pour lui une signification de mort, qui fait réfléchir celle de son infécondité, de l'infécond de son sperme qui transparaît indubitablement dans l'écoulement de ce sang féminin. LÀ réside l'état d'esprit de la société agricole. Ce qui, certainement par l'absurde, démontre mon assertion, si vous me le permettez.

L'érotisme agricole est démonstratif, sanglant, plaintif, violent, déchirant, violeur, autoritaire, princier (ou princière), compétitif, ustensilaire, exhibitionniste, accessoiriste, patronal, craintif, polémiste, virginal et hyménique ; en un mot : infantile, pas enfantin, infantile. L'érotisme n'est pas ce qui excite à l'amour, l'érotisme est ce qui porte à l'excitation de l'amour et dans ce sens, l'érotisme agricole est sans aucun doute la perte de l'innocence, de la jonction même de l'être et de son désir de l'autre qui se réverbère dans celui de cet autre, car ce désir a été éveillé par la jonction, en lieu, temps et détermination, excitatrice de cet identique désir qui est unique ! L'érotisme agricole n'a rien à voir avec la vérité et son frisson, car la réalité de ce qui est dans le cadre de cet érotisme ne pourra jamais correspondre à ce qui est réellement vécu, qui est de frisson, vécu qui demeurera toujours une représentation de ce qui est. Je veux dire que le frisson de l'érotisme agricole se trouve précisément dans ces moteurs qui sont le démonstratif, le sanglant, le plaintif, le violent, le déchirant, le violeur, l'autoritaire, le compétitif, l'ustensilaire, l'exhibitionniste, l'accessoiriste, le patronal, le craintif, le polémiste, le virginal et l'hyménique (entre autres) mais en tant que s'imposant à l'autre. Pour exciter à l'amour, lorsqu'il est dissocié des âmes et des corps comme unité plénière, l'humain de la société du stade agricole a besoin de ces éléments.

Et dans cet "entre autres" il y en a une : la chose comme moyen de dominer l'autre de son désir (qui est le désir de plaisir, n'oublions pas ce dénominateur commun à tous les états de désir), ce que autant les psychologues, les psychiatres que les psychanalyses nomment le fétiche : la chose qui protège du mauvais esprit, qui n'est somme toute que la crainte du non-aboutissement au plaisir que soulève ce désir. Le fétiche c'est la chose qui contient un esprit sensé contrer une possible faillite à la réalisation d'un désir, désir qui est déjà en dehors d'un possible de réalisation, à ceci près qu'un esprit n'a aucune réalité sur le monde autrement qu'indirectement, par l'acte qui ne peut être qu'humain, sinon rien ne le manifeste. Et le stade agricole des rapports affectifs dans l'humanité se détermine par ce fétichisme en tant qu'élément d'échange entre les membres de cette humanité, en tant qu'élément de correspondance des désirs qui ne sont déjà plus dans un possible de réalisation. Depuis Marx on sait que le fétichisme réside dans la marchandise, la chose qu'on échange contre une autre chose... qui est la marchandise des marchandises : l'argent : c'est la société au stade agricole qui a donné une valeur, un espoir de gain, à du métal par exemple, ou du Verbe sur du papier, une chose manifestée par l'activité humaine, bêtement, parce qu'elle existe. Si la « division des taches » est effectivement de l'ordre de l'humain et lui paraît indispensable, on ne peut que concevoir cette organisation humaine que dans le cadre d'une immense quantité de complémentarités, d'évènements naturellement complémentaires, et non pas concurenciels, sinon que dans le cadre de l'érotisme agricole.

On comprend, dès lors, que cet argent soit un des moteurs les plus important de l'état d'esprit de l'érotisme agricole, qu'il manquera toujours, qu'il sera le manque même, et exacerbé finalement au stade industriel, est ce à quoi s'assujettiront les êtres et ce par quoi des êtres en assujettiront d'autres, l'anti-thèse de la coparticipation, le pilier de la hiérarchie compétente ou non, en bref le rapport des êtres entre eux, et l'excitation à la vie que ces rapports entretiennent de et par cette excitation de caractéristique agricole.

Un des symptômes de l'emprise de l'érotique agricole est la recherche de fascination, de ce que l'on nomme aussi "fiction". Le désir de surseoir à la réalité par une autre dont elle est seulement tributaire spirituellement, est de l'ordre de l'érotique agricole. Que l'on puisse être entièrement enchanté par un exercice de jonglerie, une prouesse, une danse, une musique cela va de soi ; mais que l'on recherche la perte de l'entendement dans la fiction, que l'on accepte que cette fiction vous amène en dehors de l'entendement du réel, cela ne va pas de soi à mes yeux : à mes yeux on cherche à se soustraire de la réalité, qui est pourtant là, sans y participer, y pourvoir, l'assumer sinon qu'en toute passivité (j'entends au loin les poules qui caquettent) à ce qui ne vous apporte rien que cette soumission qu'on retrouvera dans la minute qui la suit. Dans l'enchantement, une fois l'objet de l'enchantement écarté (car il ne peut aller pratiquement plus loin dans le temps) on ressent un plaisir et une reconnaissance d'avoir eu l'expérience réelle de cet objet. Dans la fascination, l'objet n'étant pas réel mais imaginaire, la reconnaissance est de cette ambiguïté qui vous fait la ressentir comme engluante au-delà de ce que vous auriez voulu participer.

Nous vivons dans un monde où l'augure omniprésent est le météorologiste, car rien d'autre que l'estimation du temps qu'il va faire n'a valablement d'intérêt à être prévu, c'est à dire qui puisse réellement être anticipé, construit par réflexion consciente, pour apporter un bonheur profond.

Il y a un usage de l'imagination pour lui-même, et cela devient de l'imaginaire ; l'étape suivante est de dire que cet imaginaire a autant de réalité que l'imagination, et on peut alors admettre de vivre imaginairement, c'est à dire de fiction, comme on dit. Et toute imagination qui vous transporte dans un imaginaire, qui n'a donc plus rien à voir avec la réalité, sinon bien sûr que la réalité est toujours là avec ses "bassesses", reçoit l'assentiment du tampon de l'érotisme agricole qui ne résout rien de ces bassesses par ce moyen de l'usage de l'imagination. Pour utiliser une expression à la mode, imaginaire, bien sûr s'appuyant sur le comportement réel du monde humain, l'imagination s'est "emballée" à en perdre toute relation effective avec la réalité, et la sienne. Mais cet emballement, ou cet emballage, donne justification aussi au pouvoir d'interprétation de la réalité, de la théorie, et dans un tel contexte, où l'érotisme réside précisément dans le fétichisme, on imagine parfaitement quel peut en être le résultat. Mais l'imaginaire détient le pouvoir que lui confère le fétichisme, aussi cet imaginaire est-il devenu lui-même un pouvoir : plus n'est besoin de vérifier la concordance entre le réel et son interprétation, vu que ce pouvoir confère celui de vérifier la concordance entre l'interprétation et la réalité devenue un accessoire. On ne décrit plus le plaisir de la réalité, mais le plaisir que l'imaginaire requiert de l'imagination ; on ne décrit plus le plaisir d'être, puisqu'il n'y en a pas dans l'érotisme agricole, mais on jouit de l'interprétation de la réalité, réalité dans laquelle, de toutes façons, seront les émotions des êtres qui n'auront pas résolu les problèmes pratiques de leur existence commune, car ils ne sont pas capables, dans cet érotisme, de l'excitation du désir de la vie, d'en prendre conscience, de se faire à leur réalité et de s'en faire une réalité.

Vous allez me dire que je resuce là des choses qui ont déjà été dites depuis longtemps. Je suis d'accord sur le fait que ces choses ont été depuis longtemps dites, mais sans pour autant qu'elles aient produit quelque événement suffisant, puisque l'érotisme agricole est toujours de mise dans notre société : on le montre même, en l'organisant de toute pièce, à la télé ! ... dans des fermes spécialement aménagées à cet effet. Mais personne avant moi n'avait dégoté cet aspect des actes des êtres humains suivant lequel notre civilisation est toujours, depuis environ huit mille ans, au stade d'un érotique agricole : l'amalgame entre la sexualité et la reproduction de l'espèce. Autant s'en servir pour amplifier un phénomène de la réalité si tant est. Et puis, il faut trouver des idées qui permettent de distinguer, vite, bien et précisément, dans la vie courante, ce qui est de cet ordre, et de cet autre, pour savoir, si cela intéresse, où l'on met les pieds.

Mais, allez-vous me faire remarquer, il en a toujours été ainsi ! toujours a été fait un amalgame entre la sexualité et la procréation ! Hé bé, justement : non. Pas exactement dans la précise connaissance de la relation entre la cofécondation par le fait mâle et femelle, le plus souvent même dans l'ignorance de la spécificité mâle dans cette cofécondation ; mais l'amalgame entre la procréation et la sexuation des êtres n'a pas toujours été fait. Et dans cet état d'esprit, où cet amalgame ne se fait pas, règnent des relations sociales précises qui orientent l'utilisation des choses d'une manière toute différente que dans l'érotisme de type agricole, oriente la production, la répartition des résultats de cette production tout à fait différemment que dans une société au stade agricole de l'érotisme, une solution où il n'y a pas de manque. On peut jeter un oeil sur ce petit texte, par exemple, qui montre schématiquement les deux spécificités en dichotomie.

Et puis vous me ferez remarquer encore fort sympathiquement que toutes les sociétés qui ne sont pas arrivées au stade de l'érotisme agricole sont, finalement, des sociétés primitives, qui ne connaissent rien du progrès qu'a apporté à l'humanité cet érotisme agricole. Dans ma réponse il va y avoir deux aspects (pour faire comme les politiques, mais je sais ce que je veux, moi) : l'un va s'occuper de la venue de ce progrès, et l'autre des réels apports du progrès présent dans l'émancipation de l'humanité au stade de l'état d'esprit de l'érotisme agricole.

La perte de l'autorégulation affective, sexuelle, sociale, procréatrice, dans l'érotisme agricole prend la forme du "croissez et multipliez" qui a eu pour conséquence l'excessif déploiement de l'humanité : même si cette autorégulation tenait fort peu cas de la cofécondation de la procréation de l'être dans laquelle il est indéniable, n'est-ce-pas, que son résultat tombe sous la charge du féminin, puisque c'est ce qui le spécifie, il n'en est pas moins vrai que cet état d'esprit non-agricole permettait une régulation des naissances dans un cadre non-expansif. Ce qui paraît incommensurablement impensable pour un monothéiste, puisque pour lui, la sexualité est liée à la reproduction de l'espèce (sa culture le certifie même sous la forme du péché que ses textes de bases affirment, avec force) et que le mélange des corps est la source du malheur du monde humain. L'évolution quantitative de l'espèce humaine a créé l'évolution technique des dispositifs permettant de pourvoir à ses besoins, mais pour le reste il n'y a pas fondamentalement de différence entre la situation de l'humain devant la maladie, les aléas et la mort, il y a huit mille ans et aujourd'hui. Techniquement la médecine est au point, mais humainement elle est toujours en désarroi devant les pleurs de l'enfant, la grossesse, la parturition, les maladies dites psychosomatiques (c'est à dire quasiment toutes les maladies, même les empoisonnements !) et tout le tralala. On sait que le typhus est dû à ceci et on le traite comme cela ; on sait que la paludisme est directement en relation avec le cadre de vie, et on cherche, comme pour le SIDA, des vaccins au lieu de traiter ce cadre de vie. On sait que la typhoïde peut être guérie par un apport massif de vitamine C quand l'eau n'est pas suffisamment potable, et on injecte des médicaments dans le sang des personnes, leur fait ingérer je ne sais quel poison, même si on constate que ces traitements sont sans effets, ou même nocifs. Donc de ces points de vue c'est typiquement identique ; on pourrait dire que les moyens (qui relèvent de la technique, donc du simple nombre des choses et des êtres) sont plus perfectionnés, mais comme ils ont une efficacité identique aux grigris ancestraux, ils n'en sont pas moins grigris.

Il y a surtout que dans cet ordre "croissez et multipliez", l'humain devient, par la voix des airs, propriétaire du monde, lui qui n'en est qu'un élément, tout au plus singulier ; l'humain s'octroie un titre de propriété sur le monde de son propre chef et comme cet acte lui est véritablement illégitime, selon ses propres critères de justice, d'équité et d'honnêteté, il se dit s'être entendu octroyé ce titre par les airs : une fois encore sa responsabilité est rejetée au loin sur celle, cette fois-ci plus directement, d'un dieu dont il est le créateur qui se cache. Pour que naisse cette niaise notion de propriété sur le monde, octroyée par ordre supérieur (suivez le raisonnement, s'il vous plaît) il faut auparavant que l'humain soit séparé de ce monde, ne s'y sente plus du tout intégré, (comme l'air intègre les poumons des êtres à respiration aérienne, l'eau intègre les "poumons" des êtres à respiration aquatique de sorte à participer au processus d'oxydoréduction global de la planète, par exemple) mais détaché, comme de loin, identiquement à cette perception qu'il a de lui lors de l'acte d'amour. Et cette prise de possession violente (la femme enfantera dans la douleur du travail, le mâle domine la femelle, la connaissance et la science et patati et patata : on ne voit aujourd'hui le résultat) d'une chose sur laquelle il n'a aucun droit sinon que celui qu'il se donne, comme un représentant syndical, un dictateur ou un patron de firme, comme tous les moyens de laisser dans l'ignorance crasse la possibilité de l'humain de coparticiper au monde, ou le droit à l'interprétation du monde par les journalistes qui sont, par métier, ceux qui évitent l'essentiel ou le rendent incompréhensible, cette prise violente du monde qui est aussi la prise de la liberté de l'autre, de l'esclavage, du gynécée, de la fertilité, de la rentabilité, de l'intérêt et de l'espoir de gain : la valeur, se fait, aujourd'hui encore, au malheur de la vie qui nourrit ces humains désintégrés, de sorte qu'arrivés à ce paroxysme d'impudeur, d'incorrection, de malveillance, ces derniers temps, on a brûlé, en un peu moins de 200 ans, la vie qui durait depuis un peu moins qu'une éternité, le charbon, la naphte (jusqu'à même trouver à concentrer excessivement une sorte d'éternité de matière dont elle brûle l'actualité dans ses fours nucléaires) ; en tout juste 200 années de temps humains, il a été brûlé la production terrestre de plus d'un milliard et demi d'années ... (et on s'étonne qu'on ait du mal à respirer !). Cela est le résultat de la séparation des sexes, de la scission entre le plaisir de vivre et le plaisir de l'amour, de la disjonction de l'amour d'avec la "sexualité" et sa séparation castratrice.

Mon propos ne demeurera pas en reste de préciser qu'en portant une critique aux religions judéo-chrétienne et musulmane (la religion monodéiste en générale) qui ont trouvé, malgré leurs contradictions internes, comme je l'ai montré, une audience incommensurable à cause de l'état d'esprit qui les transportaient pour la raison que l'on commence à percevoir (et ce coup-ci cela ne vient pas d'un dieu, mais de moi, l'auteur de ce texte) je n'oublie pas l'organisation des sociétés basées sur la domination du mâle sur la femelle, et en particulier les civilisations grecques, hindoues et chinoises. On fait extrêmement grand cas de grands philosophes dont les dires auraient soulagé l'humanité de son malheur, qui est la perte de l'amour, amour auquel ils donnent un sens particulier qui est toujours bipartite : un de la terre et l'autre du ciel, un des enfers l'autre d'un paradis, un du bas l'autre du haut, un dégoûtant l'autre délectable, un innocent l'autre coupable, un marital l'autre prostitué, un angélique l'autre diabolique, un sans les mains l'autre avec les mains. Je lis chez Xénophon, par exemple, dans son Banquet chapitre VIII-9, le discours de Socrate sur l'amour : "N'y a-t-il qu'une Aphrodite, ou y en a-t-il deux, l'une céleste, l'autre vulgaire, je l'ignore [l'hypocrite : si il pose le problème selon cette forme, lui pense, et veut te faire penser, qu'il y a deux Aphrodites, bien sûr, l'une céleste et l'autre "vulgaire" ! et qu'en conséquence il n'y en a qu'une qui vaille à ses yeux : la céleste : c'est toujours la même circonvolution intellectuelle, toujours, à en pleurer, crénondedieu] (...) mais je sais que chacune d'elles a ses autels et ses temples à part et que dans les sacrifices à l'Aphrodite populaire [sic!] règne le relâchement, dans les sacrifices à l'Aphrodite céleste, la pureté [tu l'as dit, bouffi]." Chez Lao Tseu, la femme est inférieure, et ça philosophe ; dans le Tao, la femme est celle qui aspire l'énergie du mâle, qu'il se doit donc de régler, le réglementer ... pour les deux sexes, bien évidemment. Chez les Hindous, le femme est inférieure à l'homme. Etc., etc., etc. Là où le sexe mâle s'accapare de la coparticipation au monde, il la détruit et justifie cet état de fait par une morale qui induit toujours son contraire : là où il y a une morale patriarcale on justifie une malversation, et une morale patriarcale se distingue par la séparation de la sexualité du plaisir et corrélativement par son amalgame à la perpétuation de l'espèce, une justification d'un ordre supérieur (et donc) sur un ordre inférieur, parfois même intouchable. Et ça philosophe. Et comme cette philosophie, plus ou moins exotique, satisfait ici ou là des désirs, que ce soit chez le mâle ou la femelle, on y trouve son bon pain et sa couche. La cause du malheur d'Ulysse est une déesse, et celle des Grecs est Hélène et non pas Paris qui l'a choisie ; la justification de la guerre de Troie est éloignée dans la décision de deux déesses rendues jalouses, l'une qui symbolise l'intelligence et l'autre l'amour du corps. C'est Iphigénie que sacrifie Agamemnon, pas Électre, pour avoir des vents favorables au retour. Et on considère comme un crime que sa femme le tue revenu au bercail, et elle devra mourir des mains de son rejeton mâle. Malgré qu'Ariane ait sorti de l'embarras, par sa ruse féminine, Thésée du labyrinthe, elle se verra délaissée, et lorsque ce même Thésée reviendra avec la Toison d'or [hahh de l'or !] que lui a octroyé une nouvelle amoureuse qui s'adonna pleinement à lui, que celle-ci tuera les fruits de leurs amours, ce sera elle la coupable, et non pas le mâle de l'avoir trahie. L'homosexualité chez les Grecs est identique à celle de nos jours : lorsqu'on cessera de mettre au gynécée réel des murs en dur ou virtuel des représentations publicitaires la femme qui n'y est plus qu'un emballage, elle disparaîtra, comme de naturel, et on n'éprouvera aucun besoin de la voir s'imposer pour marque de la liberté des humains quand c'est toujours le même qui est sous les fers du mâle. Il me paraît évident que la naissance de la cruauté ne puisse se faire acceptée sans justification aucune, qu'on ne puisse faire admettre sans la maltraitance et la malversation sous la forme de l'érotisme agricole ; et il peut me paraître évident que les écrits qui contractualisent cette cruauté et la légitimisent ne sont là finalement que pour noyer le poisson. Quand bien même cette relation ait été auparavant techniquement clarifiée par un homme (Hegel), c'est encore la femme qui a théorisé le mieux la suggestion de l'esclave au maître et des moyens de s'en sortir.

On parlera pourtant de l'évolution de l'état de l'hygiène, entre autre, comme succès du patriarcat ou de l'érotisme agricole. Cela voudrait dire que l'hygiène doit être enseignée, qu'elle n'est pas innée : regardez tous les autres animaux, et mammifères en particulier ! ils sont sales, crotteux, pourris, sentent mauvais et sont d'hideux aspects : heureusement que l'humain est là pour leur apprendre l'hygiène ! Non, bien sûr, tous les animaux ont conscience de la propreté et du besoin de se sentir bien. Le progrès de l'hygiène n'a été, ces derniers temps, qu'un progrès par rapport à celui qu'on ne pouvait pas pratiquer auparavant (on admet que la tuberculose est directement en relation avec les conditions d'hygiène de la population et que son renouveau dénonce donc une dégradation de cette hygiène), ce n'est donc pas un progrès mais la réintégration à ce qui semble tomber sous le sens d'une hygiène normale. Encore que dans l'esprit de l'érotisme agricole, on tombe dans les deux extrêmes : ici on trouve plaisir à être sexuellement sale physiquement, là on a une hygiène si extrême qu'elle empêche je-ne-sais-quoi. Le progrès n'est pas non plus lié à l'hygiène, bien que ce soit un sérieux retour au normal lorsqu'on ne circoncise plus, qu'on infibule pas, qu'on n'excise plus.

Le progrès est donc une simple évolution quantitative de procédés techniques, qui en est la qualité, due au nombre croissant d'individus qui doivent s'occuper, ou à qui on doit trouver une occupation. C'est la seule augmentation du nombre des personnes qui est à relier à un progrès qui est uniquement technique. En ce sens, donc, des peuples heureux hors de l'érotisme agricole n'ont rien, absolument rien à nous envier ; et d'ailleurs, ils ne sauraient quoi en faire ! Et à ce progrès technique tout est sacrifié car il est le pendant indispensable à l'érotisme de type agricole.

Et c'est ainsi que ce progrès technique amène à une conscience de soi et à la suppression pas à pas de l'érotisme agricole : les moyens de contraceptions pallient en ce moment à l'autorégulation naturelle de l'humanité, les moyens techniques du ménage rétablissent une sorte d'équité dans la position sociale des deux spécificités sexuelles, la prise en compte de la dépense démentielle de l'énergie et de son utilisation délirante amène à la reconsidération de l'activité vitale humaine nommée "travail" et de ses déplorables conséquences : ce matin dans une feuille de choux on trouve que le sang humain est composé, dorénavant, d'une quantité incroyable de pesticides, poisons de toutes sortes due à l'érotisme agricole, le rapport des gens à travers les choses et leur conditionnement (la publicité est un conditionnement), et on songe (quel rêve) à pomper de l'air le dioxyde de carbone pour l'aller stocker dans de profondes cavernes, et on saute de joie à la mise sur le marché de la pollution d'un engin mobile guidé par un être humain que cet engin pollue en moins qu'un autre engin de sa catégorie mais de différente fabrication (et donc de source de profit) UNE tonne l'an de dioxyde de carbone. Calculez donc que le nombre de voitures, qui ont été jusqu'ici construites et qui ont produit au moins une tonne de dioxyde de carbone, depuis l'invention de cet engin roulant !

Allez ! Calculez, que diable ! Tous les chiffres nécessaires à ce calcul sont publiques, sont dans les journaux, tous : le nombre de voitures que chaque fabriquant produit et met sur le marché et sur la planète entière ; et on dit que ce n'est pas assez érotique, puisqu'il en faut encore ! qu'il en manque ! D'autant qu'il ne faut pas mettre au "chômage" tous ces joyeux drilles qui se fendent à les fabriquer ! J'ai ouï dernièrement qu'une firme veut, pour l'an prochain, construire 4 millions et demi d'engins roulants : allez, aux calculettes !!! N'est-ce pas là, cet engin qui auto-mobilise, l'objet érotique par excellence dans cette société ? Ce fait, de porter à un objet une charge érotique, est une des caractéristiques de l'érotisme dans une société de type agricole, qu'importe les conséquences, car c'est cette charge érotique qui domine tout et tous, et qui donne son énergie – qui se retourne sur soi-même – à toute chose ; c'est le fétichisme de Karl Marx, lorsqu'il parle de la marchandise dans son Capital.

En un peu plus de 200 années, l'activité morbide de l'humain, par une extension incroyable mais vraie de son potentiel de transformation des choses, tout à fait inutile et donc dérisoire mais agissante, a été telle que la planète, l'unique planète sur laquelle nous posons nos pieds debout et nos dos allongés, a reçu des dommages gigantesques, si gigantesques que leur réparation va demander plus de 200 années encore, SI l'érotisme agricole cesse ses ravages dans les âmes et les corps dissociés ; sinon, faudra attendre encore bien davantage. Voilà donc un bien triste propriétaire.

Le besoin des emballages est est le besoin d'une protection physique (qui, comme création humaine, satisfait à un manque sensible perçu par la conscience posée face à un problème qui se retourne sur lui-même, sinon on parlerait de décoration, au sens frissonnant du terme) contre la transgression, contre le vol ; et le vol est, dans la société à l'érotique agricole, de se sentir spolié d'une redevance que l'on sent légitime quant à des règles qu'on corrobore parce qu'elles vous siéent comme point de légitimité : on trouve d'un côté des personnes qui veulent avoir sans passer par la case érotique du payement (ne mentez pas, cela fait toujours de la peine, un pincement quelque part, de sortir de l'argent pour payer cher ce qui vous est nécessaire) et là des personnes qui organisent toute la vie pour que le passage par la case du payement soit obligatoire. La publicité est un emballage, un conditionnement. Et le résultat de cette affaire est que ces emballages s'insinuent tant dans l'intimité des êtres qu'on en retrouve l'excédentaire présence dans le sang même des personnes, dans le lait maternel aussi, ce qui fait que le nourrisson est tout de suite mis dans le bain de cet érotisme (tout comme d'ailleurs, dans le bain de la télévision qu'il visionne du giron de sa mère assise, et pourtant parfois émue, devant l'écran haut-parleur). Un auteur recommandait de regarder l'état des arbres des villes pour comprendre l'état de nos poumons ; je dirais plutôt de vraiment voir ce que l'on est, et ce que l'on a dans le sang pour voir l'état de l'eau, de l'air et du sol, et conséquemment de la végétation et des animaux qui habitent cette planète : TOUT est pollué, et parfois gravement, c'est à dire que toute la vie est volée par l'emballage. Et pourquoi ? Pour satisfaire une certaine forme d'excitation à la vie basée essentiellement sur la dissociation de la sexuation et du plaisir de vivre, en faisant un amalgame de la sexualité et de la reproduction de l'espèce. La dépense effrénée d'énergie est une caractéristique de l'érotique agricole, depuis les plus vieux temps, et depuis les plus vieux temps, les agriculteurs ont été des bêtes de somme, dépensant leur énergie en perte pour leur bonheur de vivre, de partager. L'énergie est devenue, quelqu'elle soit, indispensable à la bonne marche de cette société, dilapidant pour sa cause tout : le bonheur, les ressources, les activités sans se préoccuper de ses déchets, même quand elle peut en retirer une valeur, bien que le premier de ses déchets soit le mal-être des êtres duquel elle retire sa propre existence.

Le progrès technique de l'érotisme agricole (vous commencez, je pense, à cerner l'objet de cette discussion) par lui-même n'a pas non plus évolué (vous me direz que c'est tant mieux, et vous avez raison !) : les guerres sont sans doutes un peu plus sophistiquées, mais les souffrances aussi : on meurt plus lentement et en plus grand nombre de désagrégations internes intraitables en place de mourir dans une oubliette ou sur un pal. Nous avons encore nos tortionnaires délicats et les tortures sordides, des geôles peut-être plus aérées, mais on y croupit tout autant, les prisonniers pour la plupart ne savent pas même pourquoi ils ont été privés de ce qu'ils nomment la liberté et que pourtant cette société leur a bien apprise (ils ne peuvent l'apprendre que dans la vie, et la vie est cette société) en s'en déresponsabilisant : ho ! pas les politiques, non, mais le peuple, lui qui fait la politique réellement par son désir ou non d'évoluer vers la coparticipation et de se sortir de son stade érotique de bailleur (ou de bâilleur, comme on voudra) du monde ; mais c'est bien cette liberté qu'il doit désapprendre pour ne la voir pas réalisée dans les prisons. Il y a, de tout temps, dans la société érotiquement agricole un gaspillage monstre mais pour certains seulement, qui sont plus égaux que d'autres, tandis que d'autres sont dans la misère et ne pensent pas même à cette misère qu'ils ne voient pas se refléter dans la magnificence de ce qu'on leur montre ; et le but même de ce qu'on leur montre est de paraître être LA richesse. Dans l'érotique agricole la compétition est toujours présente et le summum de cet érotisme est de se demander qui va en être le gagnant, c'est particulièrement excitant : pourquoi donc ne pourrait-il pas y avoir deux gagnants de sorte à diviser un pouvoir inutile sur les autres êtres, c'est à dire qu'on ne sache pas qui est le meilleur dans telle ou telle caractéristique des dispositions humaines ? Mais c'est indispensable : il lui faut l'excitation d'un gagnant et la déception d'au moins un perdant : c'est un état d'esprit.

~oOo~

Après cette assez longue déclinaison de notre sujet, comment s'en sortir ? Si dieu a ordonné à un autre de travailler, lui qui se sent supérieur et eut voulu conférer cette supériorité mais ne l'a pu pour cause d'irresponsabilité de son inférieur, il faut tout simplement devenir responsable de ce que l'on fait, c'est à dire cesser de travailler, tout simplement. Kostas Papaioanou, dans son livre « La consécration de l'histoire » décrit trois stades de l'évolution de la société au stade de l'érotique agricole, c'est à dire de la relation de chaque être avec le monde, son entendement et ses limites corrélatives de pensées, les possibilités de son agissement sur son environnement et la perception de ses nuisances (on dit aussi « tabous, interdits »). Il débutait par la conscience grecque, pour continuer par l'état de pensée juive pour finir par l'appropriation démentielle du monde par le monde chrétien, et particulièrement par le monde protestant. Un autre petit livre, issu de trois auteurs, « L'esprit hacker », lui démontre l'emprise de la pensée monodéiste protestante sur les pensées et ses espoirs de gains à travers le travail. Karl Marx a passé sa vie à faire reconnaître ce qu'est le travail, et dieu a dit que la femme devait travailler pour enfanter. Il y a toute une organisation autour du travail, quelqu'en soit les conséquences et on cherche par tous les moyens à déresponsabiliser les gens du produit de leur travail, produit direct ou indirect de leur travail. Wilhelm Reich parlait d' « amour, activité (work) et connaissance » lorsqu'il énonçait sa devise car manifestement ce qu'il nommait travail était un travail responsable, utile, sinon indispensable, vital : mais qu'en est-il du travail d'un ingénieur du nucléaire, d'un fabriquant de poupées, d'un grossiste en produits avariés ? S'il s'agit là de travail, ici il s'agit bien d'une activité vitale, non séparée de l'existence, de la vie, de son pourvoi de plaisir et d'aléas et dépourvue de tout détritus nocif, de ce qu'on nomme pudiquement (sans se rendre vraiment compte -- un, deux, trois, quatre, cinq, six, mille, million, milliard ... -- de ce que l'on entend par là) pollution, qui n'est, en dernier recours, que l'excédent du travail. Cette activité (non radio-) qui est en nous et qui nous fait bouger et agir n'a rien à voir avec le travail tel que le pense l'érotique agricole, qui pense pour vous lorsque vous n'y pensez pas et quand vous y pensez, vous pensez selon ses préceptes. On stipendie le fainéant, le paresseux, le oisif qu'on soupçonne vivre à vos crochets : mais c'est celui-là qu'on montre tandis que ceux qui vous les montrent sont ceux qui mangent votre pain, dorment dans votre couche et régulent même vos velléités d'amour selon de subtils rythmes agricoles. Une organisation spectaculaire de la vie (merci Guy Debord, mais il est mort) c'est aussi, et surtout, ne pas s'apercevoir du réel, de la teneur de la réalité, de refuser même d'en percevoir l'évidence (c'est pourquoi je parle d'état d'esprit), c'est à dire donc de s'en interdire la perception corporelle : qui donc sent la pollution, qui donc voit le sang de la circoncision ou des accidentés du travail (1 mort toutes les 15 secondes ! en France !), qui donc entend le bruit sourd des voitures dans nos campagnes, qui donc goûte le fade des aliments industriels et de leurs corollaires, qui donc tâte de la poisse de l'air surchargé des volatiles naphtaliques, qui donc perçoit le visage pâle de nos enfants ? Qui perçoit la détresse incommensurable de notre jeunesse privée du contact de l'amour ? Que diable ! Et cette jeunesse passe ses journées à aplatir ses fesses sur des bancs d'école où elle apprend par la persuasion (les coups ne sont plus de mode) à s'assagir, à s'assujettir, car on sait bien que ce refus de l'assagissement est une remise en cause en acte de la société de travail. Cette jeunesse se perd dans des BD sans qualificatif possible, tandis que les premiers scénaristes de BD sont les journalistes qui font de la réalité un scénario de BD, une bande dessinée quotidienne. Cette jeunesse voit le gaspillage partout, et le vit, mais on ne comprend pas qu'elle ne comprenne pas qu'elle ne comprend pas qu'elle doit travailler à y participer ! Le matin, dans la région parisienne, on voit des trains entiers bondés de kilowattheures de travail qui vont à la crémation du travail et le soir qui en reviennent, épuisés de leur dispersion (où ?) : à quoi cela mena-t-il ? À plus de bonheur (cela se verrait sur leur têtes, vous en conviendrez) ? À plus de plaisir de vivre ensembles (le silence en est pourtant pesant, n'est-il pas) ? À la satisfaction du devoir accompli (on attend le sourire qui convient lorsqu'on les croise) ? Que nenni : la tristesse, la fatigue, le désarroi, l'abrutissement et, souvent contre le gré des acteurs, l'impolitesse, la violence ou le désespoir, sont ce que l'on rencontre. Et puis, dernière mode, nous avons d'autres abrutis de la pensée de l'érotique agricole, qui se contentent de penser que la solution de leurs problèmes liés à cet érotique, est de terroriser leurs voisins en mettant en action des engins mortifères ! Quelle société où on montre la pseudo-vie à travers des objectifs de caméra devant lesquelles on a disposé un filtre caca-d'oie pour n'en pas montrer la rutilance. On fait des choses non pas parce qu'elles ont une utilité mais parce qu'on ne sait rien faire du rien-faire et ainsi on fait des choses qui sont réellement sans utilité, car on ne s'est pas appris à faire quelque chose d'autre. Une musique est partout et la danse nulle part, sinon que dans des lieux spéciaux où on reste assis à la regarder. On aime à voir d'autres "s'exprimer" quand ils expriment ce qu'on désirerait soi exprimer mais on fuit tout apprentissage pour ce qui est de se décider à soi de s'exprimer selon ses désirs, qui est d'exprimer et de confronter coparticipativement ses désirs à la réalité du désir. Cet esprit de l'unique (gagnant face à tous ces piètres mais courageux perdants -- qui est d'oublier qu'on est gagnant à cause d'eux ET de la règle qui institue cette marque et qu'on refuse la coparticipation de tous à l'unique) obscurcit la relation à l'autre dans cette sorte étrange d'égalité de droit que l'on accepte, qui confère à cet unique la préséance et auquel on participe pour le voir s'accomplir éloigné du bonheur qu'on avait pourtant bien envisagé.

Nous avons au-dessus de nous, devant nous, sous nous le soleil dont on dit que cette planète, dont l'humain n'est en rien propriétaire, est issue. Ce soleil pourvoit en chaleur, en air, en vent, fait croître tout ce qui est vert et qui blondit, tout ce qui est succulent et amer, fait circuler l'eau selon un cycle fin et subtil, délicieux et commode, fait sécher la brique, le mur de pisé, la récolte, donne son énergie à tout sur cette planète, à tout : et ce n'est pas suffisant pour l'érotique agricole : il faut à cet état d'esprit mesquin (donc dolorisant, spoliateur, restrictif) davantage encore qu'il dilapide avec la même hargne qu'il dilapide ce que lui pourvoit en surplus la planète dont il se dit le propriétaire, et ce surplus de gaspillage des "énergies fossiles" s'ajoute au surplus du gaspillage des "énergies renouvelables" : déforestations, désertifications, sécheresse et le caractère agricole qui leur sont corollaires chez les êtres qui habitent ces lieux de désolation. Tout ce qui était humide se sèche, et ce qui était auparavant sec se meurt.

On comprend que le vieux mot de désordre À BAS LE TRAVAIL ! ne manque pas de pertinence.


Fin de la première partie "le décor" de L'érotisme dans la société au stade agricole

Suite : deuxième partie : les rôles, en cours

Suite : troisième partie : l'unité de temps et l'unité de lieux, en cours

Fin : quatrième partie : fin de la représentation, en cours